Infos et folie, par Fredo et Sophie(4)

- Qu'est-ce que tu penses de ce massacre ?

- J'ai du mal de répondre à chaud, tellement cette horreur m'a glacé d'effroi.

- Comment un peu d'encre sur les pages d'un journal peut-elle déclencher un tel bain de sang ?

- Apparemment c'est ce qui arrive quand on prend sa plume pour chatouiller des types qui ont le sens de l'honneur mais pas le sens de l'humour.

- Tout cela n'a aucun sens, justement. Je savais bien ce qu'ils dessinaient mais je n'avais aucune idée de ce qui se dessinait.

- Pourtant la menace était bien réelle. Bien sûr, un caricaturiste ne risque pas de sauter sur une mine de crayon. Mais ses croquis peuvent lui valoir une exécution.

- Tu ne trouves pas que ce combat inégal est perdu d'avance, que ce jeu dangereux n'en vaut pas la chandelle ?

- C'est vrai que pour quelques BD ils terminent entre quatre planches, mais c'est pas pour ça qu'il faut tourner la page.

- Le problème c'est qu'on se rend compte un peu tard de l'ampleur du phénomène. On sait maintenant que le quartier des Buttes-Chaumont constituait un repaire pour adolescents en voie de radicalisation. On constate que le Yémen et l'Afghanistan abritent des repaires pour les djihadistes en herbe. Même nos prisons sont devenues des repaires pour le conditionnement de jeunes paumés en quête d'identité.

- Et on dit que les jeunes manquent de repaires.

- Fred ! T'as pas honte de plaisanter sur un sujet aussi dramatique !?

- Au contraire. La dérision est une preuve d'humanité, un rempart contre la barbarie. Et puis le rire ça fait pas de mal, ça peut nous guérir de bien des maux. D'ailleurs n'est-ce pas finalement ce qui nous différencie des animaux ?

- Très juste. En même temps je me demande jusqu'où on peut pousser la provocation. La liberté d'expression ne s'arrête-t-elle pas où commence celle des autres ?

- Non, ça ne marche pas comme ça. Ca serait effectivement le cas si il n'y avait qu'une seule liberté, à partager entre tous. Mais chacun a sa propre liberté d'expression, et tout le monde peut en user à tout moment, en même temps que les autres en font autant. S'il arrive que ce droit soit remis en question, c'est justement à cause de ces fondamentalistes aveugles qui estiment qu'il n'y a qu'une seule vérité acceptable : la leur.

- C'est bien joli ce que tu racontes. Mais ne penses-tu pas que l'on doit avoir une certaine retenue vis-à-vis du Sacré ?

- Ce qui est sacré pour untel ne le sera pas pour un autre, c'est cette idée qu'il faut respecter. En tout cas, ceux qui osent tuer au nom de leur religion sont de sacrés cons !