J'ai pas

little-wing

J’ai pas les mots pour dire. Pour dire ma peur, ma colère, ma joie, mes émotions. J’ai pas les mots pour dire ce que tu voudrais m’entendre dire. J’ai pas la niaque de vouloir faire plus pour eux (les mots) ou pour toi. Je suis égoïste, tu vois. Et égocentrique à mes moments. J’ai pas le droit de les gâcher. J’ai pas la confiance pour les chuchoter. J’ai pas la volonté de les mettre hors de moi, de les sortir de ma tête ou du fond de mes tripes. J’ai pas la clef pour les laisser s’envoler. J’ai pas le rêve pour les accompagner. J’ai pas ce que je voudrais avoir. J’ai pas les mots pour dire ma confusion. J’ai pas les mots pour dire à quel point je suis perdue. Tu peux comprendre ça, toi ? Le fait de n'avoir que du vent dans les mains, de n'attraper que du vide, de courir après un mirage, de respirer le rien, de voir le fond du verre, de vouloir se perdre dans l'horizon, partir loin et ne jamais revenir? 

 

J’ai pas. J’ai pas beaucoup de chose. J’ai pas le passé pour aller avec l’avenir. J’ai pas l’envie. J’ai pas la joie de vivre. J’ai pas l’esprit libre. J’ai pas la vision optimiste. J’ai pas le pardon pour aller avec ma culpabilité. J'ai pas le bon stylo pour aller avec la bonne feuille. J'ai pas la droite qui va avec la gauche. J'ai pas de reflet dans le miroir. J'ai pas d'argent. J'ai pas d'indépendance. J'ai pas ma jeunesse. J'ai pas ma mère. J'ai pas l'intelligence. J'ai pas l'air sociable. J'ai pas une bonne ouïe. J’ai pas assez de mots pour dire ce que je n’ai pas.

 

J'ai pas ce que tu as, toi. Au fond, c'est pas grand chose. Je compense avec des trucs que toi, tu n'as pas. T'as pas ma galère. T'as pas mes journées. T'as pas une reproduction de Monet dans ta chambre. Parcontre, t'as p't-êt'e une guitare. T'as pas l'intégrale des Rougon-Macquart qui prennent la poussière. T'as pas la vue sur les collines. Ni sur le levé de soleil, les matins d'été. T'as pas ma passion, que dis-je, ma dévotion pour le rock. T'as pas "kick in the teeth" qui tourne en boucle dans la tête. T'as pas ce qui me fait bouger dans la vie. 

Remarque, on fonctionne tous pareil. Du genre "métro-boulot-dodo". Avec, en prime pour certains, quelqu'un qui partage le "dodo".

 

On n'a pas mais est-ce qu'on en est frustré pour autant? Que se passerait-il si on pouvait posséder tout ce qu'on n'a pas? Si on gagnait tous à Euromillion? Finalement, y'en a qui sont incapable de se satisfaire de ce qu'ils ont déjà, parce que ça à l'air toujours mieux d'avoir la même chose que le voisin. Malheureusement, j'en fais partie. Mais je me soigne. Enfin... je crois. 

 

Alors j'ai pas, certes, mais j'ai une chose unique, que j'ai pas copié-collé de chez le voisin. Je m'ai, moi. Avec mes problèmes, avec mes défauts, avec mes deux pieds gauches, et j'en passe. Alors, pourquoi, pourquoi, est-ce que je ne peux pas être moi-même avec tout ce que j'ai déjà?

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