Jouir autrement

kery

J’étais jeune et sans ambition. La vie est telle que parfois elle vous confine dans l’inaction de ceux qui n’ont aucun but. Et puis, un jour, quelque chose vous passione et vous révolte. Je devins un homme en colère et me découvris une fibre militantiste. Certains s’offusquaient des problèmes économiques, d’immigration, moi, j’étais révolté par les jouissances avortées. Chacun son combat. J’avais pour horreur les changements de plan des vidéos pornographiques, les mots tuent l’amour pendant l’acte, les masturbations solitaires, les grandes gueules aux petites queues.


C’est bien simple, j’ai grandi à l’époque de la parade sexuelle. De mon temps, jamais le sexe n’avait été autant exhibé, on en parlait à toutes les sauces, on ne pouvait vendre un yaourt sans faire bander. C’était la sale période. Même si les télés gémissaient de plaisir, dans les chaumières, c’était papa sur maman et couvertures de protection. On avait jamais parler autant de sexe, les médias s’en délectaient, pourtant, le fait est qu’on était toujours coincé.


Fort de ce constat - et le pouvoir réel étant économique - je me lançais à l’âge de 21 ans dans la création d’un réseau social dédié au sexe que j’appelais “Bootyshake”. J’offrais la possibilité aux voisins de se faire la fête, aux amis d’enfance de constater leurs évolutions anatomiques, aux inconnus de s’explorer. L’adoption fut mondiale. La courbe de mon entreprise au CAC 40 éructait, tandis que toutes les bourses du monde étaient en effervescence. J’étais le self-made-man à la popularité mondialisée. Mes conférences annonçant la sortie de nouvelles fonctionnalités étaient suivies par des milliards de personnes. Ma seule présence dans un pays suffisait à augmenter le taux de natalité. C’est ainsi qu’après tant d’années d’exil et de succès, je revins en France, me présenter aux érections présidentielles.


Mon programme était simple : “A poil face à la crise”. Je proposais de redonner du pouvoir d’achat en baissant le prix des godemichés, réglais la question de l’immigration grâce au libre échangisme des personnes, proposais de combler la dette avec une économie des chaînes. Très vite les sondages indiquaient que j’étais le candidat le plus profond et le plus ouvert. Les autres candidats changeaient leur fusil d’epaule, ne faisaient plus de régime pour plaire à l’ électorat, mais élargissaient leur membre. Fini les talonnettes, sous couvert de feinte négligence, certains laissaient dépasser des fouets de leur poche. Les débats de fond c’était terminé, l’heure était de se fondre en ébats. Le ton de la campagne fut ainsi donné, la France ne craignait plus de se faire dégrader, elle le réclamait désormais par des “oh oui dégrade moi !”. Mes meetings tournaient à l’orgie et tous les sujets sérieux étaient occultés.


Je me souviens de ces “Ébattre sans débattre” que scandait la foule. Tous les récalcitrants étaient virés manu-militari ou à coups de matraques. Le contact en extasiant plus d’un, le mouvement populaire grandit à chaque étape de la tournée. Même si, dans un accès de confiance, j’annonçais à mes partisans “la concurrence est prude mais sa croupe est droite “, aujourd’hui, je suis là devant vous en ce jour d’élection pour vous demander de jouir dans l’urne en mon nom.


Votre candidat le plus attachant.

Signaler ce texte