La belle est.

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Ce texte n'a nécessité aucune prise de drogue, que mes lecteurs se rassurent...

Elle sortit de là, dans une vague de vapeur brûlante, l'air hagard, l'oeil pandi-panda, outrageusement charbonneux. Elle referma la porte sur l'antichambre voluptueuse des paresses voilées, puis, les pieds gras glissant dans ses sandales, elle s'est éloignée dans de petits bruits de plastique carnivores. La démarche incertaine, le corps égaré dans un peignoir bouloché XXL, à tout petits pas de geisha. Scrontch, scrontch... Rien de bien glamour me direz-vous... Ah ça ! Plus rien à voir avec la femme plantureuse qui s'était présentée trois heures auparavant. Le menton fier, le port de tête altier, des gestes aériens, une posture de sirène sur le banc moite et carrelé du hammam... Car dans les buées indolentes, les yeux ont séché, piqué, le cheveu a frisé, le rimmel a coulé. Savon noir, gant de crin, huiles sirupeuses, puis les mains habiles enrobant les courbes de miel... Alors dans ces délices des 1001 nuits, la belle alanguie s'endormit.

A son réveil, plus personne. Seule, allongée et mise à nue dans la petite pièce obscure. Elle fut alors saisie sur place, par la peur et le froid. Est-ce possible qu'on l'ait ainsi oubliée ? Elle ? A tatons, cherche, à tatons la porte, les sandales, cherche, le peignoir accroché, trop grand, trop lourd, tant pis presse, presse-toi princesse, serait-il minuit ?

Alors moi, moi qui traînais derrière moi comme chaque soir mon chariot et mes seaux, moi quand j'ai croisé cette petite chose toute frippée, toute écrasée par ce peignoir éponge mouillé, moi j'ai lâché mon balai et l'ai déshabillée. De mes grands bras maigres je l'ai réchauffée. Contre mon coeur retrouvé, je l'ai enchantée et, du plat de mon pouce ai nettoyé l'ourlet noirci de ses yeux de jade.

Puis elle, la belle, et moi, l'homme de ménage, nous nous sommes enfuis sur ma serpillère volante, bien loin des faux-semblants et de la crème à récurer.

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