LA VAMPICRITURE

Si vous la croisez prenez garde elle n'aura aucune pitié. Elle vous laissera choir ou vous emportera dans le sillage de son noir. J'ai succombé à ses charmes quand homme je l'ai rencontré. Autre je suis désormais. Son venin si doux, si brûlant parfois, coule dans mes veines et change mon ADN. Huit mois que je suis devenu sa chose, quoiqu'elle fasse jamais je ne m'y oppose. Qu'elle me morde avec violence ou bienfaisance, chaque baiser m'enivre d'oubli. L'oubli du moi, l'oubli du tout, du tous. Avec elle je voyage dans d'autres corps, d'autres temps, d'autres sexes, d'autres âges. Un jour chien, un jour femme ou verre de vin, elle me transforme au grès de ses caprices, m'enferme dans sa cage aux délices. De proie je suis devenu prédateur. Elle m'a appris à approcher mes victimes, à sucer leurs abîmes. Je transperce chaque âme des lames de mon regard. Je scrute chaque trait, chaque geste, comme un fauve aux aguets. J'attrape, je capture, j'abats chaque phrase, chaque mot qui tombe dans mon escarcelle. Je m'en bâfre et m'en repais comme un vautour sur sa carne. Je mords et déchire de mes crocs ses maux et ses mots en m'affranchissant sur ses lignes. Puis c'est la transe, elle m'emmène et rien ne m'épargne. Ma main esclave courre, s'envole, puis elle l'abandonne presque inerte et exténuée. Je suis saigné. Le texte est posé, l'âme apaisée. Il est temps pour elle de recouvrir ses atours dans le voile du nouveau jour .

Elle est île, je suis son dauphin.

Elle est beauté, je suis son obligé.

 Elle est béquille, sans elle je vacille.

Elle est faille, où plongent mes entrailles

Ce soir encore j'ouvrirai le coffre ou sommeille mon cher trésor, l'écriture.

CHRISTOPHE PARIS