la voix du coeur
christinej
J’y suis.
Encore quelques pas et je serai sur scène.
Les yeux fermés, je me concentre.
Il faut encore attendre.
Je me sens intimidé, un peu nerveux même.
Je ne peux pas échouer, pas aujourd’hui, pas après tout mes efforts.
La salle fait silence.
Allez! Je relève la tête, le dos doit être droit, un sourire de circonstance sur le visage.
Allons-y.
C’est impressionnant, cette scène, si outrageusement éclairée. Et cette chaise, comme celle d’un condamné, qui m’attend au milieu de cet espace vide. En face l’obscurité recouvre les gens comme un voile malsain. Leurs chuchotements, le froissement de leurs vêtements, invitent un malaise désagréable dans ma gorge.
Quelqu’un tousse dans la salle, pourquoi?
Est-il déjà mécontent? Impatient? Irrité?
Il n’y a pas de visages, a peine des yeux qui me dévorent sans jugement ni pitié.
Il faut que je me calme.
Je prends place.
Enfin quelque chose de familier.
Je me positionne.
Inspirer.
Expirer.
Le contact froid de mon violoncelle me rassure et réveille en moi mon désir, mon ambition. Il me rappelle pourquoi je suis la.
Encore un peu de patience.
Maitriser ma nervosité.
Respirer.
Je peux y arriver.
Respirer.
Ne pas oublier l’importance du premier mouvement.
Le silence se fait précaire, tendu, comme une corde de mon violoncelle.
J’ai l’impression de le voir, le silence, de pouvoir presque le saisir. Si seulement je pouvais le faire vibrer, avec un simple pizzicato.
L’importance de mon premier mouvement, pour faire éclore mon âme. Pour que ma première note soit parfaite, claire et insolente d’émotions.
Respirer.
Commencer.
Enfin!
Apres plus rien n’existe, je m’efface de la scène et il parle pour moi, il vibre pour moi, il vit pour moi.
Je suis son instrument et lui ma voix.
*****
Je n‘avais rien d‘un amateur de musique classique. J’écoutais comme tout le monde de la musique a la radio, du rock généralement. Mais jamais je n’ai été chamboulé par ce que je considérais, plus comme du bruit, que comme une chose agréable a écouter.
Je n’avais même jamais assisté a un concert.
Avant, car il y avait vraiment un avant dans ma vie. Quand je n’étais que Eric, inséparable de sa bande de potes depuis la fac. Toujours a trainer dans les bars. A ne jamais se soucier des conséquences. Je n’aimais pas mon travail, mais il me rapportait beaucoup d’argent. Grace a mon emploi de courtier j’ai pu acheter mon appartement, un beau bolide pour aller avec et avoir suffisamment d’argent de coté pour prendre ma retraite a 35 ans si je le voulais.
Voila qui j’étais.
Un être méprisable, petit, sans ambition, terne.
Et il y a eut ce jour, qui a tout changé dans ma vie, le 9 novembre 1989.
J’étais tranquillement chez moi a regarder les informations. Tout les regards étaient tournés vers Berlin et son fameux mur. J’observais d’un œil distrait les gens se ruer vers ces pierres, certains pleuraient, d’autres chantaient. Je ne comprenais pas ce qui ce passait, ni pourquoi cela bouleversait leur vie, ils abattaient un mur de pierre et alors. Voila comment je pensais a l’époque. Je ne voyais qu’une joyeuse cohue, un amusant bordel indescriptible. Et la, sorti de nulle part, comme une claque en pleine gueule, le l’ai entendu., Rostropovitch. Enfin le bonhomme en lui-même non, mais son instrument, oui et il a, d’un coup, imposé le silence et le respect.
C’est la que je l’ai entendu pour la première fois, cette voix , celle d’un l’Ange.
Mon cœur s’est arrête de battre, des sentiments contradictoires ont pris forme dans mon esprit. C’Était comme si je venais de tomber amoureux.
La voix de cet instrument a pénétré mon âme sans retenue, avec violence. Et j’ai tout de suite su qu’elle devait m’appartenir.
Elle s’adressait a moi a travers l’écran de ma télévision.
Mon Ange.
Mais cela a été si court, elle était déjà partie et déjà j’en voulais plus.
Moi, grand gaillard de 25 ans, je me suis mis a pleurer. Pas de tristesse, j’étais heureux, comme libéré d’un poids, un bonheur pur m’avait envahi.
Je n’avais plus de doute, je savais ce que je devais faire. Qui je devais devenir.
J’ai perdu tout mes amis en quelques semaines. Ils ont cru que je devenais fou, car du jour au lendemain j’ai tout changé dans ma vie. Fini les sorties, les filles, les beuveries et les débilités de ce genre.
J’ai collectionné avec frénésie les disques de musique ou l’on pouvait entendre du violoncelle. Je devais comprendre pour pouvoir apprendre.
Enfermé dans mon appartement, les volet clos, j’ai passé des jours entiers a écouter, a m’imprégner de cette magie, de cette beauté.
Plus rien ne comptait, plus rien n’avait d’importance.
Je ne dormais plus, me nourrissais a peine et pourtant je ne m’étais jamais senti aussi vivant.
Maintenant tout était clair pour moi.
Cette voix devait devenir mienne!
Alors j’ai commencé mon apprentissage.
Chaque jour, pendant des heures et des heures, je me suis entrainé.
Répéter encore et encore, les mêmes gestes, les mêmes notes sur ces 4 cordes, jusqu’à ce que mes doigts saignent.
Jusqu’à ce que la douleur deviennent une nouvelle note sur ma partition.
Je ne pouvais pas apprendre seul. J’ai recherché les meilleurs professeurs. Cela ne me dérangeait pas de faire des centaines de kilomètres pour prendre des cours auprès d’un maestro.
Tout mes professeurs ont été surpris par les progrès que je faisais en si peu de temps.
Mais moi je n’étais pas satisfait.
Les notes étaient justes, le rythme aussi.
Mais il manquait encore quelque chose pour faire vibrer l’air sur une corde d’harmonie.
Pour faire éclore du silence, des fleurs dont les pétales porteraient les couleurs de la musique. Pour que le cœur soit ému et que des larmes vibrantes de reconnaissance naissent dans les yeux des incrédules.
Pour qu’enfin la voix de mon Ange parle a travers moi.
Pour que je devienne a mon tour un ange.
Mais rien n’y faisait, je restais muet.
J’ai cru que cela venait de mon instrument, qu’il n’était pas de bonne qualité.
Encore une fois je me suis en quête du meilleur instrument, apprenant jusqu’à sa fabrication.
Apres plusieurs tentatives, j’ai choisi un Pirastro, car le son doré de ses cordes m’offrait une palette musicale qui répondait a mes attentes. Le choix fut difficile car chaque instrument avait ses qualités et ses défauts. Pour cette fois je me suis fié en premier a mon oreille, puis au ressenti de mes doigts sur les cordes et pour finir a la vibrations des dernières notes. Quand vous avez achevé votre partition et que la musique semble s’étirer, c’est comme si la dernière note faisait des rondes dans le lac de silence qui entoure le musicien.
Mais même après cette acquisition ce n’était toujours pas ca.
La colère montait en moi, une frustration incontrôlable prenait le dessus.
Pourquoi je n’y arrivais toujours pas?
Et j’ai douté de mon archet, certainement de mauvaise facture.
Non ce n’était pas ca non plus.
Je devenais fou.
Je me suis mis a jouer, sans discontinuer, encore et encore.
Pourquoi ne venait-elle pas a moi?
Pourquoi ne répondait-elle pas a mes supplications?
J’étais épuisé, les doigts en sang
Et j‘ai enfin réalisé que c’était moi le problème, que je me mentais depuis tout ce temps.
J’étais le seul responsable de mon incompétence et de ma façon misérable de jouer.
D’un coup, je me suis senti totalement perdu et vide.
Je ne savais plus quoi faire, vers qui me tourner. Les jours passaient et la voix de mon Ange s’éloignait de moi, emmenant avec elle, mes forces, ma vie et mon courage.
Le monde était gris, les sons, un vacarme assourdissant. Toutes les couleurs, toutes les mélodies semblaient avoir été délavé dans le déluge de ma tristesse.
J’étais un automate, sans sentiment. Je marchais la tête baissée, les mains dans mon blouson, ne prêtant aucune attention au monde extérieur.
Mais comme toujours, c’est au moment ou l’on attend le moins que les réponses arrivent.
Alors que je prenais le métro pour rentrer chez moi, j’ai entendu un appel au loin.
J’ai marché comme un aveugle dans le dédale des couloirs, attiré par la musique qui résonnait en ricochet sur les murs carrelés.
Il y avait dans ces notes ce je ne sais quoi que je cherchais si désespérément. Comment cela pouvait-il être possible et dans un tel endroit en plus?
Et la, debout, sur un carton étalé sur le sol, un vieil homme, droit comme un i, jouait du violon.
Devant lui la malle de son instrument ouverte aux passants, comme une bouche de velours rouge, limée par le temps elle recevait de temps en temps une piécette de charité.
Il portait un vieux jean tellement râpé sur les genoux qu’il laissait transparaitre de la chair. Un chandail couleur crème, dont le nombre d’années d’utilisation avait été dépassé depuis bien longtemps, flottait sur son buste amaigrit.
Les gens passaient sans prêter attention a ce prodigieux musicien. Savaient-ils seulement écouter?
Mon œil voyait les déchirures et la saleté. Mais mon cœur était transporté par la beauté de cet air de violon.
Ses doigts, comme des papillons frénétiques, volaient d’une corde a l’autre, sans effort, avec élégance. J’entendais plus que des notes, il y avait un amour, une tristesse, tant d’émotions, tant de couleurs que je ne pouvais plus respirer.
La beauté de son chant couvrait les bruits des rames de métros qui déferlaient comme des bêtes affamées sur leur rail. Les yeux fermés sur le monde, il laissait s’échapper une larme, preuve pour moi qu’il était un peu humain. Car il jouait merveilleusement bien et bien au delà de ca. Comment un homme avec son talent pouvait il jouer ici, dans le métro et pas dans un orchestre?
Un peu en retrait je l’ai écouté pendant des heures, j’étais insatiable.
Alors qu’il commençait a ranger ses affaires, je lui ai tendu un billet de 100 euros, je n’avais pas plus sur moi.
“ c’est beaucoup trop jeune homme.” il riait en me disant cela.
“ bien au contraire c’est insuffisant vous jouez tellement bien…”
Il me souriait, comme un père sourit a son enfant et posa une main sur mon épaule.
“ que voulez vous c’est la vie.”
“ je peux vous poser une question?”
Il arrêta son rangement, pour me fixer droit dans les yeux.
“ comment faites-vous pour émouvoir autant, en jouant dans ce sous-sol?”
Il n’a pas pu s’empêcher de rire, un rire sonore et franc.
Je me suis tout de suite vexé et j’ai cru qu’il se moquait de moi.
Et le plus sérieusement du monde il m’a dit.
“ mais c’est parce qu’elle vient de la.”
Une main sur son cœur il ajouta,
“ elle vit en moi.”
Et il est parti, me laissant avec des milliers des questions, mais surtout avec une réponse, peut être la plus importante, une vérité, celle qui me manquait pour me compléter.
Oui j’entendais la musique, je la comprenais, je la lisais.
Mais elle ne vivait pas en moi, l’âme de la musique.
Tout était limpide, j’était un parfumeur sans son nez, un peintre sans ses yeux.
Je devais trouver un moyen d’apprivoiser cette âme, de me l’approprier et de la faire mienne.
*****
Il s’est avéré que cette entreprise était beaucoup plus difficile que je ne l’avais prévu. Savoir ce qu’il faut faire et pouvoir le faire sont deux choses complètement différentes.
L’espoir de trouver une solution, s’effilochait au fur et a mesure que les jours passaient.
Je continuais a m‘entrainer, encore et encore.
On appréciait ma façon de jouer pourtant, et, l’on m’a même invité a donner une représentation dans une grande salle.
Bien sur j’étais ravi de cette invitation, quel prestige. On me reconnaissait assez de talent pour me mettre en avant lors d’un grand événement. Et pas n’importe lequel, une soirée sur Jean-Sébastien Bach.
J’avais l’intention d’interpréter la suite pour violoncelle n 3 en C majeur.
Ce morceau était pour moi un chant pur sur lequel les ailes d’un ange pouvaient se déployer et montrer au monde la vrai beauté de mon âme. Je lui donnerai la voix claire d’un paradis retrouvé, une voix qui ouvrirait les portes de mon Eden, de mon salut.
Mais mon âme restait terne et éteinte.
J’errais ainsi dans les couloirs du théâtre, comme un fantôme désespéré. Vagabondant au rythme d’un spleen qui serrait mon cœur. Parfois a l’ombre des regards je versais les larmes que je ne pouvais plus retenir. Mon humeur devenait noire et visqueuse. Un nuage pathétique trônait au-dessus de ma tête, en totale harmonie avec mes yeux de chien battu.
Je venais de prendre la décision de me retirer de la représentation, ne voulant pas décevoir l’auditoire pas ma piètre exécution du morceau, quand je l’ai entendu.
Un violoncelle jouait, dans une salle non loin de la. Il y avait de l’hésitation, mais je l’ai tout de suite ressenti, l’âme de l’instrument vibrer. Je me suis dirigé vers l’objet de mon désir, a pas mesurés et retenus, car je ne voulais pas courir. Combien il m’a été difficile de ne pas bousculer les gens pour me précipiter vers elle.
Enfin!
Une jeune femme jouait.
Ses cheveux noirs, détachés, flottaient dans l’air comme sur les vagues d’un océan passionné. Une petite main de porcelaine tenait l’archet avec délicatesse mais fermeté. De grand yeux noirs se concentraient sur la partition, mais je voyais bien qu’elle ne la lisait pas. Non elle jouait avec son cœur. La musique remplissait la salle d’un printemps musical, de fleuraison de notes, de bouquets de senteurs, d’une jeunesse intrépide.
J’étais sous le charme.
Quand elle s’est arrêté, mon cœur eut un pincement de tristesse.
Elle restait immobile, peut être appréciait elle les vibrations des dernières notes.
“ je sais ce n’est pas parfait, mais je m’entraine tout les jours.”
A qui s’adressait-elle? A moi?
Je ne m’étais même pas rendu compte que j’étais entré dans la pièce et que je la fixais, un peu grossièrement d’ailleurs.
Avec le plus charmant sourire que je pouvais lui adresser, je lui ai répondu.
“ mais non mademoiselle, c’était très bien. Il y a bien sur quelques petites fautes mais rien de grave. J’ai beaucoup aimé votre façon de jouer.”
“ vraiment?”
Sur son visage deux sentiments contradictoires, une immense joie et une légère frayeur.
“ venant de vous monsieur Eric, c’est un très grand compliment que vous venez de me faire. Vous jouez a la perfection. J’aimerai beaucoup pouvoir jouer comme vous. ”
La solution était la, devant mes yeux.
“quel est votre prénom?”
“ Marie, je m’appelle Marie.”
“ Marie! Quel joli prénom. Je dois avouer que je suis très impressionné par votre technique et je me répète, j’aime beaucoup votre façon de jouer. C’est très fluide, aérien même. C‘est vraiment très bien et si vous voulez je peux vous donner des cours particuliers pour rectifier vos quelques erreurs .”
“ gratuitement bien sur”.
“ vraiment?”
“ écoutez, je suis libre en fin d’après midi. Voici mon adresse, cela ne vous engage a rien, venez seulement si vous en avez envie.”
Je lui tendais ma carte de visite.
Maintenant qu’elle était debout en face de moi, je pouvais mieux la regarder. Elle avait a peine 15 ans. Son visage était très pale, ce qui relevait encore un peu plus la noirceur de ses yeux. Sa bouche était très fine, un soupçon de gloss la faisait briller comme une fraise que l’on venait de sucrer. Elle était habillée, très sagement, un peu a la mode japonaise. Un chemisier blanc, par dessus un cardigan bleu foncé, avec au bord des manches un liséré blanc. Une jupe plissée lui arrivait juste au dessus des genoux, de longues chaussettes blanches couvraient ses jambes jusqu’à la jupe. Des souliers vernis au pied avec sur leur coté un nœud blanc, qui rappelaient les barrettes de même forme qui retenaient ses cheveux au dessus de ses oreilles. Que d’attention dans tout ces détails, elle était minutieuse et très ordonnée. Elle me plaisait énormément.
Il était temps que je parte.
“ alors peut être a ce soir.”
Et je suis parti, en laissant une jeune fille aux pommettes rosies qui fixait le bout de ses chaussures.
*****
Je tournais en rond dans mon appartement, guettant le moindre bruit, espérant que ce soit elle.
Les minutes passaient, trainant des pieds sur le cadran de ma montre.
Désespéré je regardais par la fenêtre les lumières de la ville et la vie du dehors, sans vraiment y trouver du réconfort.
Et la sonnette a retenti.
Je devais absolument contrôler mon enthousiasme. Il ne fallait pas que je lui fasse peur. Tout devait se passer comme prévu.
La main sur la poignée de la porte, après une grande respiration, je lui ai ouvert.
Habillée tout en noir elle se tenait dans l’encadrement de ma porte, son violoncelle était a coté d’elle comme un deuxième invité.
Ses cheveux toujours détaches me semblaient encore plus noir que ce matin. Des mitaines lui recouvraient les avant bras. Un t-shirt noir ou était dessiné la tête d’un diable rieur, collait a la forme naissante de ses seins. Un jean resserré avec une ceinture a clous laissait apparaitre son ventre et j’ai pu apercevoir un piercing au niveau de son nombril. Des chaussures militaires achevait son style.
Décidément cette petite était très surprenante.
En m’écartant légèrement je lui ais fait signe d’entrer.
Sa tête allait de droite a gauche, regardant tous les recoins de mon appartement. Je la sentais tendue comme une corde près a rompre.
Apres encore quelques coups d’œil a droite et a gauche, ses épaules retombèrent légèrement.
“ ou est-ce que je peux m’installer?”
“ dans le salon si tu veux bien.”
La première heure était passée, on a parlé technique, placement de main.
Elle buvait littéralement mes paroles, et rectifiait sans réticence tout les petits défauts que je lui avais trouvé.
Maintenant c’était parfait.
Pour détendre un peu l’atmosphère je lui ai proposé de boire un soda.
Dans son verre, posé sur la table du salon, des glaçons étaient chahutés par des bulles impatientes de remonter a la surface. Le somnifère faisait déjà son effet.
Sa tête reposait sur un coussin, sa respiration lente et mesurée, montrait qu’elle s’était bien endormi.
Je pouvais commencer.
Les premières notes s’envolent déjà.
Et je sais que j’ai réussi, car l’air s’est tout de suite mis a vibrer.
Le silence est total dans la salle.
Au fur et a mesure que j’égraine les notes, je sens l’âme s’éveiller.
Les noires, les blanches, les silences font place a la voix de l’Ange, a son chant.
Je suis tellement heureux.
J’ai l’impression de flotter au-dessus de mon corps.
Je suis un ange.
Grace a elle. Oui je vais devoir la remercier a la fin, pour sa contribution, car sans elle et sans son sacrifice je n’aurais jamais réussi.
La lune était haute dans le ciel étoilés quand elle s’est réveillée, elle a paniqué bien sur, crié et pleuré aussi, beaucoup, mais je la voulais a tout prix.
Le l’avais attaché sur la table de ma cuisine.
Un bâillon sur la bouche pour éviter d’attirer l’attention des voisins trop curieux.
Je la regardais se débattre pour essayer de se libérer de ses liens. Mais elle ne faisait qu’entamer la chair tendre de ses poignets.
J’ai, dans un geste que je pensais amical, retirer ses cheveux qui collaient sur son front. Malgré le bâillon je sais qu’elle m’insultait. Mais sa révolte est vite tombée. Ce n’était qu’une enfant après tout et la peur était bien plus forte que n’importe quelle preuve de bravoure.
J’ai récolté quelques larmes, pour mon âme, pour qu’elle s’abreuve elle aussi de cet élixir.
Ensuite alors qu’elle me suppliait, alors que ses yeux larmoyants m’envoyaient une prière de pitié, je le lui ai pris.
J’ai essayé de lui expliquer que je ne pouvais pas faire autrement.
Mais le couteau dans ma main ne facilitait pas la conversation.
Sa peau était si douce, je pouvais voir le rythme saccadé de sa respiration.
J’ai découpé son t-shirt, brisant d’un coup le sourire de ce diable moqueur.
Elle portait un soutien gorge en dentelle noire, trop grand pour elle.
Une main sur sa poitrine, je le sentait se précipiter dans un galop frénétique. Il était si vif, si plein de vie.
Je ne pouvais plus reculer. Le concert était pour ce soir, il me faut ce qu’elle a en elle, et je vais le prendre. Tant qu’il est palpitant, tant que son rythme résonne en douce vibration a mon oreille.
La musique vit en elle, la, lovée dans son cœur de musicienne.
Encore chaud, je l’ai ingurgité. Maintenant il fait parti de moi a jamais.
Son cœur bat en moi.
Sa voix parlera a travers moi.
Enfin!
J’ai réduit, ensuite, ses larmes en poudre. Si je vivais encore dans un monde d’enfant j’aurai pu jurer que c’était de la poudre de fée. Car la magie qui se cachait dedans allait me donner le pouvoir d’accomplir mes rêves.
J’ai délicatement retiré l’âme de son violoncelle, puis doucement avec un pinceau très fin j’ai saupoudrée cette fairy dust sur l’âme et je l’ai ensuite placé délicatement dans mon violoncelle.
J’étais complet.
Je venais de manger un cœur ou la musique vivait et palpitait, et mon violoncelle a reçu la pureté d’un ange en cadeau.
Puis tout c’est arrêté.
La voix de mon Ange s’est tue.
J’entends ma respiration saccadée.
L’odeur de ma transpiration, du frottement de mon archet sur les cordes, des dernières effluves de mon parfum.
J’ouvre les yeux, et la lumière m’aveugle pendant un bref instant.
Je prends conscience de ce que je venais d’accomplir et des larmes qui ruissèlent sur mon visage.
Au premier clap d’applaudissement, je sors de ma somnolence, ensuite, une véritable nuée s’en est suivi.
Cette pluie d’orgueil qui vient arroser votre talent, mon talent, m’inonde d’une joie sans fin.
J’ai sacrifié une enfant pour toucher les cieux, pour voler parmi les anges.
Pour pouvoir faire chanter cette voix, si pure a travers mon instrument, pour être leur voix.
J’ai encore le gout métallique du sang dans la bouche, je porte un manteau de mort.
Mais la mort n’était-elle pas un ange elle aussi?
Et je sais très bien que si je devais recommencer pour y parvenir une nouvelle fois je le referais sans hésiter une seule seconde.
Car je suis la voix d’un Ange.
Merci pour votre accueil, Christine. J'ai longuement hésité avant de participer à ce concours, je comprends très bien cette impression de se tromper de sujet... Mais votre texte a toutes ses chances, j'ai bien apprécié la noirceur de la voix de cet "ange". Bonne chance !
· Il y a plus de 11 ans ·marie-fontaine
olalala...olalala...bon ben effrayant christine...
· Il y a plus de 11 ans ·prenant ...haletant...la montée en puissance d'Eric...c'est waouw...
Sweety
J'ai vraiment accroché à ta nouvelle ! Tu as le talent de nous emporter dans des sentiments contradictoires, c'est magique.
· Il y a plus de 11 ans ·Françoise Grenier Droesch
merci a tous pour votre passage et votre vote.
· Il y a plus de 11 ans ·j'hesite toujours pour faire des concours, j'adore ca mais j'ai l'impression de me tromper de sujet a chaque fois, et il y a tellement de bons talents alors c'est dur et la barre est haute. enfin on verra bien
christinej
J'aime beaucoup le rythme du texte. J'ai voté. Bonne chance !
· Il y a presque 12 ans ·Alain Le Clerc
Après lecture, je tien à te redire que j'aime vraiment ton style d'écriture, c'est agréable à lire puisque tu arrive à faire passer les étapes émotionnelles avec douceur et sagesse. . .
· Il y a presque 12 ans ·Pour ce texte, ce serait bien que tu puisse le publier si ce n'es déjà fait !
CDC
psycose
Très joli! XD coeur et coup de coeur! Bonne chance!
· Il y a presque 12 ans ·Alinoë
Je fais comme Joëlle.
· Il y a presque 12 ans ·Helene Bartholin