Le bruit des orages.
austylonoir
Dans la seconde d'hésitation où il a considéré les choses, il a tremblé à s'en faire vaciller l'âme jusqu'à la dernière certitude et soudain la vie était un précipice, et lui se tenait à son bord. Il allait prendre cette fille, et il allait la prendre pour la vie, et dans sa tête, la phrase résonnait avec l'écho des vérités brutes. Qu'était son existence jusque là? Peu, sinon l'aurore paisible de la montagne afghane, les moutons promenés sur la grandeur des paysages, et l'intime conviction que chaque chose était à sa place. Alors il a avalé sa salive, et avec elle, il lui passait dans la gorge le goût de la peur. C'était à ce moment-là qu'il s'est senti prêt, que de garçon mal grandi, il passait à homme. Il lui tombait dessus une maturité nouvelle, quelque chose de l'ordre des grands patriarches, comme l'histoire, comme la grande histoire des hommes n'en faisait plus qu'à gouttes comptées. Fallait-il donc une femme pour devenir homme? Il lui semblait que oui, et dans ses yeux, il y avait de la douceur et du sourire étalés. Il se voyait déjà tenir sa femme dans l'intimité profuse des vastes terres, une main qui guide dans une autre à l'abandon. Il lui dirait des mots sincères qui la contenteraient, et du bout des doigts, il lui toucherait un peu le visage pour lui dire avec le corps, ce que la gêne et la pudeur lui retenaient de paroles. Il était comme ça. Il n'aimait pas aimer à moitié, il refusait la demie-mesure en toute chose, et en amour en particulier.
Par précaution, il s'était instruit auprès des gens qui par l'âge l'avait devancé dans les sciences du cœur, il avait écouté les passionnés, les déçus, les gars qui plus jamais ne tomberaient là-dedans, et aussi ceux qui après l'amour, s'étaient aimés sur d'autres bases, comme l'amitié, la tendresse ou même l'habitude. Alors il avait compris. Plus tard, quand la fille l'avait rejoint, il l'emmenait marcher sous la lune et lui disait des choses simples, comme, tu es rayonnante ce soir. Et il faisait suivre ça d'un silence, où elle devenait une petite fille timide, qui gênée, se mordait sans le vouloir la lèvre inférieure.
Parfois elle levait sa tête vers la sienne, et lui trouvait une expression curieuse, de celles que montrent quelques hommes à la venue de l'agonie. Un bonheur fade, mais terriblement réel et l'assurance de trouver dans la mort quelque chose de nouveau. Ensuite, il lui souriait et tout se dissipait comme pour les rêves au réveil. Sans doute qu'il n'avait pas le charisme, ni la virilité des grands, mais qu'importe se disait-elle. Il avait cette puissance dans l'émotion pour soulever en elle des choses qu'elle s'ignorait, et en l'espace d'un instant, il émanait de lui une incroyable charge émotionnelle qui donnait aux silences de la lourdeur, si bien que la salive dans le fond de la gorge, faisait le bruit des nuits d'orage. Alors ils n'étaient plus que tous les deux. Et à cet endroit précis de leur intimité, elle se disait qu'elle ne regrettait pas son choix. Elle touchait à quelque chose proche du bonheur, et comme elle souriait, il lui demandait ce qu'elle avait, alors elle répondait, j'ai qu'il fait bon à tes côtés.
Il la serrait un peu plus fort, mais n'osait pas exprimer la crainte qui l'habitait. Qu'elle l'aimât moins, il pouvait s'y résoudre. En revanche, qu'elle l'étouffât de ces amours, qui tout entiers étaient consacrés à l'idée seule d'abstraire du monde, l'objet qu'ils espéraient ; à cette perspective, il voyait déjà les horizons se restreindre et venir presser contre les parois de sa poitrine. Aussi il s'était établi que ces amours-là n'étaient que folie dangereuse et salaire de poète, une chose qu'il était bon de vendre sur les marchés de l'émotion. Et il se répétait, quelle étrange maladie. Puis le soir venu, sous la tente, lorsqu'ils allumaient quelques bougies autour d'un maigre repas, leurs ombres s'engageaient dans une danse légère qui semblait échapper au temps. Il se tenait face à elle, le dos légèrement courbé, pupille dilatée et regard violent, et tout à coup, elle lui découvrait sous l'allure des agneaux, la morsure sauvage des loups piqués d'instinct primitif. Son regard était un incendie. C'était là sa passion juste.
Une douce nouvelle aux mots qui coulent ensemble, un fleuve rapide à nous cueillir, ton stylo noir brille !
· Il y a environ 9 ans ·fionavanessa
C'est toujours aussi beau chez toi. :)
· Il y a environ 9 ans ·dreamcatcher
Content de ton retour sur le site! Merci :)
· Il y a environ 9 ans ·austylonoir
Magnifique.
· Il y a environ 9 ans ·Marion B
Merci!
· Il y a environ 9 ans ·austylonoir
C'est magnifique... L'écriture est sincère et douce, et l'ambiance est envoutante :) ça se lit tout seul ! CDC
· Il y a environ 9 ans ·mlleash
C'est un très beau compliment, merci bcp. C'est vrai que l'authenticité du langage me tient beaucoup à coeur!
· Il y a environ 9 ans ·austylonoir
Poésie dans tes lignes, finesse toujours un réel plaisir de te lire "j'ai qu'il fait bon à tes côtés" cette phrase je la trouve sublime et rêve de l'entendre :). Bravo et merci !
· Il y a environ 9 ans ·ade
Merci bcp :) Je te souhaite de l'entendre!
· Il y a environ 9 ans ·austylonoir
Waou, je n'ai pas d'autre mot. Des orages comme ça j'en veux tous les jours. J'adore cette idée de soulever dans l'autre des choses qu'il s'ignorait. Ça me paraît une très belle vision de l'amour qui a la richesse de ne pas être aliénante. J'arrête de bavarder, tu le dis tellement mieux. Merci !!!;)
· Il y a environ 9 ans ·carouille
Au contraire, je trouve que l'explicite bien mieux! Merci beaucoup pour ce commentaire, je l'apprécie.
· Il y a environ 9 ans ·austylonoir
C'est le temps qui fait l'espace. Et réduit la distance. La vérité. C'est qu'en étant au bord. Il y a toujours une chute. Merci pour tes mots. J'en connais d'autres qui savent. Merci.
· Il y a environ 9 ans ·thib
Merci Thib, je profiterai du week-end pour passer sur textes, j'y ai vu une sensibilité particulière que j'ai vraiment aimé!
· Il y a environ 9 ans ·austylonoir
La justesse de tes mots , le rythme, la poésie, c toujours un plaisir de te lire !
· Il y a environ 9 ans ·parismrs
Merci, sincèrement.
· Il y a environ 9 ans ·austylonoir