Le gars qui ne voulait plus revenir

Sale dimanche pour revenir !

Franchement ça ressemble à quoi un retour cette fois ?

Revenir, moi jusqu'ici j'avais rien contre, je suis toujours revenu. Même si souvent je me suis posé la question. Y en a toujours pour me le reprocher d'ailleurs.

Certains m'ont connu jeune, avec mes cheveux d'ange et puis plus tard, "avec  ma gueule de métèque",  ils m'ont connu bavard, taiseux, doux, violent, ils m'ont connu glorieux puis misérable, prince puis pauvre.....En quête de lumière, (je me demande) quelques uns  ont voulu me suivre, moi, passant obscur.....Le va nu-pieds. Jusqu'au désert....

Ils ne m'ont pas laissé en paix. J'ai tout vu. Tout supporté. Ils ont fini par me dénoncer, et me déchirer allègrement et sans remords. C'est vrai que je troublais l'ordre public. J'avais des idées. De drôles d'idées, qu'on m'avait soufflé souvent,  faut dire ! Ils m'ont traité de révolutionnaire, -moi- ! m'ont empoigné, fait un procès.

Puis carrément mis au pilori.

Tout le monde s'en est lavé les mains. Amen.

Bon, alors moi, sympa, et  pour pas trop chagriner ceux qui m'aimaient bien, j'ai cru bien faire en promettant de revenir. Entre nous, j'ai choisi un jour dans le calendrier, un peu au hasard, un dimanche, plutôt mi-avril, parce qu'avant on se caille et qu'après c'est la canicule, et que les œufs en chocolat dans l'herbe ça craint vraiment dehors au soleil, et puis j'aime bien le dicton « en avril ne te découvre pas d'un fil » ( ça va bien pour un fil-s de dieu je trouve ! Bon je sais, je blague et c'est nul mais que voulez-vous ! Si je commence à sortir mes paraboles  personne ne comprend )

Du coup, j'étais bien obligé de revenir chaque année à la même date. Cela n'a pas toujours été facile.

Y a des années franchement je serais bien resté au chaud pénard chez moi. A  bouquiner ou à rêver. Le rêve c'est un peu mon fond de commerce. Faut l'entretenir. Une sacrée galère. Mais fallait un peu redescendre sur terre, le rêve c'est pas tout, faut du concret, c'est vrai çà,  j'avais fait une promesse je devais la tenir. Et puis, s'incarner ça a du panache aussi faut dire. Parfois c'était tentant.

Mais cette année, fichtre, résolument j'avais pas envie. Je vous jure ! Déjà pas drôle d' arpenter les Champs Elysées ou la place de leur République, à cinq heures du mat, quand Paris s'éveille, avant le passage « des balayeurs pleins de balais », ça donne guère envie cette fois. C'est un bordel pas possible. (Moi quand j'étais soit-disant révolutionnaire, je me contentais de renverser les Temples, aujourd'hui  c'est carrément le grand désordre. ) Times they're changing .

Mais en plus, cette fois, pas de chance, et c'est fâcheux,  on m'a changé le point rencontre. La Cathédrale où nous devions nous retrouver mes fidèles potes et moi, comme chaque fois, est sur béquilles. Ses arcs-boutants portaient déjà tout le poids du monde et presque mille ans sous la voûte en ogive, et voilà que ce matin, le grand vaisseau est éventré. Une averse de feu a eu raison de la charpente.  En dessous, derrière les trois porches intacts heureusement, et sous les courants d'air qui la traverse, la nef glacée d'effroi tressaille ....

On  m'a bien donné une adresse, un autre lieu, une église quelque part.....dans Paris...

Non, vraiment pas très envie cette année. Même Quasimodo est dégouté. Il n'a même pas pu faire sonner ses cloches.

Sale dimanche pour revenir je vous dis.