Les anomalies des limbes

Je t'ai cherché partout pendant des heures et je me suis blessée les genoux et la paume des mains sur des clous rouillés. Mes bleus sont gris et mes écorchures scintillent.

Je n'ai pas pleuré. Même si les couleurs ont disparues aussi, tu sais. Peut-être les as-tu emmenées avec toi?

J'ai finis par m'ennuyer alors j'ai laissé l'orage briser la fenêtre pour respirer encore l'odeur de la terre et de la pluie mêlée. Un peu de vie me pénétrer et écouter les bruissements du vent qui porte l'écho de nos berceuses heureuses. Mais  plus rien ne m'apaise : les murs chuchotent mon prénom en prenant des tas de voix. Ils m'appellent tous les jours et pleurent de drôles d'histoires qui font ruisseler la tapisserie. Le plancher craque sous les lambeaux. Je crois qu'il a mal, il saigne des rigoles de verre pillé qui me blessent les pieds à chaque pas.  Je devrais rester sur le bord du lit mais j'ai des minutes cafards, des minutes noires que je chasse sous les soupentes du grenier  où roulent tes agates et tes comètes. J'y lance tes avions de papier, tout barbouillés d'encre et de poussière, mais ils refusent de s'envoler.

Des ailes bleutées de noir habitent mon oreille et bourdonnent dans mes pensées. Mais je sais les faire taire. Je compte et recompte jusqu' à cent, ouvre toutes les portes et soulève les draps blancs.

Tu devrais sortir maintenant, je commence à avoir froid et je ne tiens plus trop sur mes jambes.

Dans le couloir ça sent la pomme et la rhubarbe. Ne descends pas les escaliers surtout, je crois que c'est un piège pour nous attirer en bas.

Bientôt il  fera nuit, et sûrement que tu me rejoindras.

T'as jamais pu dormir tout seul, quand le tonnerre gronde et que les arbres nus dessinent nos deux ombres sur les murs.