LES CACAHUÈTES DE MR SCHULZ

Guillaume

Sur un cahier d’écolier, j’ai dessiné un petit bonhomme. Sur sa tête, quelques cheveux. Il se nomme Charlie Brown. Il m’a observé puis quand j’ai tourné le dos, il a quitté sa page quadrillée. Un avion de  papier, piloté par un minuscule chien, passait par là. Les oreilles au vent, museau humant l’air matinal, casque de cuir sur la tête et tenue boutonnée de baron rouge, Snoopy lui a adressé un sourire malicieux. D’un bond, Charlie s’est envolé à bord de l’avion de papier. De son air heureux, Snoopy a regardé le chat qui ronronnait, les yeux sommeillants. Et l’avion rouge s’est glissé entre les voilages légers, entrainant dans son sillage un oisillon jaune du nom de Woodstock vers les gros nuages saupoudrés à travers le ciel azuré.

Sur un nuage joufflu, un petit garçon de chiffon, né d’une serviette à carreaux tombée d’un bel avion à hélice qui filait vers Acapulco, jouait à la marelle, attendant l’autobus qui chaque jour l’emmenait à l’école. Entendant le bruit du moteur, il enfila son parachute de coton, sauta dans le bleu du ciel tendant ses mains enfantines à Charlie qui l’attrapa et l’assit derrière lui, à la place du mitrailleur.

Essoufflé par tant de passagers, l’avion atteignit l’île des rêves où se trouvait l’école du petit bonhomme de chiffon. L’aéronef se posa sur un grand jeu de l’oie disposé là. L’oie siffla, honorée qu’on vînt la visiter depuis le lointain continent des hommes et de leurs cacahuètes dessinées. Elle battit des ailes et apercevant Akka de Kebnekaise qui filait vers le pays des Lapons, elle quitta le jeu au milieu de la partie. Le petit homme qui avait beaucoup lu aurait tant aimé enfourcher l’oie de Suède et partir en voyage. C’était plus intéressant que de tourner les pages du livre des histoires de la classe.

Snoopy envoya un sourire et un signe de la main à Akka, lui souhaitant une heureuse migration vers le soleil de minuit, les lacs et les forêts de Scandinavie. Woodstock, fatigué par un si long vol se réfugia sur la frêle épaule de Charlie. Le soleil galopait vers l’horizon, c’était l’heure de rentrer à la maison. Snoopy fit ses adieux au bonhomme de chiffon, ajusta son casque de cuir, ses larges lunettes et d’un coup de patte poussa la manette des gaz. L’avion miniature pétarada avant de quitter l’île des rêves, se faufilant entre les nuages argentés qui dérivaient vers l’Ouest, le couchant. Charlie, Snoopy et Woodstock regardèrent le soleil, loin là-bas vers l’Amérique. Bientôt, il faudrait rejoindre la feuille quadrillée, un peu froissée, et reprendre la place figée que la main de Charles Schulz leur avait donnée un jour d’octobre 1950.

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