Les Cassoces (1)

arthur-roubignolle

Les Cassoces... (1)


Étym. : de « cas social ». n. m. Péjoratif. Personne présentant des difficultés sociales ou économiques. Exemple : « Lui c'est un vrai cassoce, il ne peut même pas s'acheter une Rollex ! » ». Synonymes : looser, pauvre, nul, macroniste (euh non, rayez macroniste je me suis trompé de fiche là...) .


Je sais pas vous mais moi je trouve que plus ça va, plus il y a de cas sociaux. Ne serions-nous pas d'ailleurs tous un peu des « cassosses ? ». Des fois, un peu sur les bords ?

Je me l'demande !


Moi ça ne fait aucun doute, enfin, ça se confirme de plus en plus, au début j'y croyais pas, c'est vers 42 ans que j'ai commencé à douter, en effet je n'avais toujours pas de Rollex, enfin juste une fausse pour faire croire que... (Même qu'à l'époque j'avais aussi un faux-portable, pas les moyens de m'en acheter un vrai, je faisais semblant de téléphoner avec dans la rue, y a pas d'raison ils le faisaient tous...) Enfin avec des vrais eux...


Mais bon, on est pas là pour parler de moi.

Dans ce premier opus d'une série que j'espère fructueuse, (« Les Cassoces » donc), je voudrais plutôt vous parler d'Emile Ribouchard. (Ou Richoubard, me rappelle plus trop...)


Émile grandit dans une famille tout ce qu'il y a comme il faut. Son père était rémouleur de céleri et sa mère était vendeuse de bonbons à la sauvette au Ritz...

Il avait tout pour bien démarrer dans la vie l' Émile. Son grand-oncle était le célèbre guitariste manchot, surnommé le «  Djangomancho du swing qui swing pas »...


Il avait aussi une Tante canadienne : «Emma Refilé Lachtouille », qui avait fait fortune dans l'import-export de réfrigérateurs pour les eskimos...


L'on plaça le jeune Émile dans une école catholique tout ce qu'il y a de mieux. Une école très rigoriste dirigée par les pères Fouettards de la congrégation des Dominicains de la Martinique. Et c'est là que les choses se gâtent pour le jeune garçon. Il y fait en effet la connaissance d'un jeune curé dévoyé qui l'initie au streap-poker. La passion du jeu s'empare de lui et désormais, ne le quittera plus.

C'est le début de la spirale infernale, la descente aux enfers. Promit à une belle carrière, Émile va la rater.

(Et pourtant elle était facile à trouver cette carrière, elle était juste derrière la Zone commerciale, à la jonction de la D67 et de la D22. Une belle carrière de pierres impossible à manquer...)


Mais voilà, Émile fréquente les tripots, et il n'a que 18 ans !

Il joue au black-jack avec un black démoniaque dénommé Jacques et qui a la gniaque.

Il joue aux dominos en écoutant Fats Domino, mais de façon assez placide car son partenaire est un certain Placido Domingo...

Il joue au Loto, et va faire son Loto avec son copain Toto qui a une belle auto.

Il joue au Monopoly, ou il monopolise l'attention de tous en achetant systématiquement la rue de la Paix pour trois cacahuètes, ce sans jamais passer par la case prison...


Mais est-il chanceux au jeu ? Que nenni ! Il y perd toute la fortune héritée de sa trisaïeule, la baronne de Monte-Clito Rabrowsky.


Lors d'une infernale partie de poker, quasi refait, voulant tenter quand même sa dernière chance, il offre en ultime mise la petite affaire de rémoulage de céleri de son père...


Il perd ! La famille est ruinée, totalement.

Ils se retrouvent tous au RSA, dans une H.L.M près du périphérique.

Et là, oui, ils deviennent de vrais cassoces. De ces affreux cassoces qui vivent tels des sangsues immondes aux crochets de la société. (elle a de beaux crochets la société non?). Et ils apprennent peu à peu toutes les combines des cassoces.


Comment apitoyer l'assistante sociale pour obtenir une aide financière exceptionnelle de 66,20 euros pour boucler la fin du mois avec les quatre mômes?

Comment pleurnicher auprès de l'office H .L.M pour obtenir un délai sur le loyer ?

Comment doubler tout le monde dans la queue aux restos du cœur ?

Comment apitoyer un huissier qui vient saisir la Game-Boy du petit ?

Comment obtenir de la CAF le remboursement de la Télé Grand Ecran Haute définition achetée chez Leclerc (en promo quand même MAIS sur vingt ans en crédit-révolving avec Cetélem.) ? 

Comment dépenser l'allocation de rentrée scolaire à la Foire du Trône ?

Comment avec l'argent économisé grâce aux APL s'acheter la dernière Renault avec sièges chauffants en cuirs ?


Grâce à toutes leurs relations de la cité H.L.M ils découvrent des combines incroyables.

Comment défiscaliser son RSA aux îles Caïman ? Comment placer ses remboursement de la C.M.U sur des stocks-options entièrement optimisées pour un max de rendement ?

Comment revendre les produits de la banque alimentaire avec 100% de marge brut et sans intermédiaires ?

Comment gérer un surendettement auprès de la Banque de France sans se faire pincer par les impôts ?

Ils apprennent aussi, et ça c'est le plus important, le plus essentiel, comment REFUSER une offre d'emploi afin de continuer à bénéficier de tous les nombreux avantages et privilèges qu'ils ont obtenus en devenant des « cassoces ». 



Enfin bref, peu à peu la famille Ribouchard (ou Tribouchard, je ne sais plus, j'ai eu leur dossier entre les mains il y a longtemps, mais en tant qu'Educateur spécialisé j'en ai vu des gens dans ma vie, alors je me rappelle plus trop...)


Peu à peu cette famille remonta la pente. Émile apprit à jouer du violon, et bien qu'il se retrouva souvent au violon, ça ne l'empêchait pas de composer de petites sonates fort agréables...


Aux dernières nouvelles ils attendent tous tranquillement la retraite, impatients de pouvoir bénéficier du minimum vieillesse qui, cumulé avec leur RSA, les compléments de la CAF, les revenus de la CMU, leur permettra d'acheter une villa à Sanary... A deux pas de la mer...


Et ne l'auront-ils pas méritée quelque-part ?

N'ont-ils pas le droit eux aussi de finir leur vie tranquille, loin de leur smicards de voisins de la cité, qui, jaloux, aigris de se lever tous les matins pour aller gagner une misère, (en se faisant engueuler par leur patron en plus!), n'ont cessés de médire sur les cas sociaux, sur tous ces « assistés » qui passent leurs journées à astiquer leur Ferrari pendant qu'eux roulent dans de vieilles guindes (qui n'ont pas la direction assistée ?)




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