Les trois tigres.
Louve
Avec son pote Raoul, Clémentine avait une passion : visiter les zoos la nuit.
Il y en avait un que tous deux aimaient particulièrement, c'était celui de La Palmyre en Charente Maritime. Aussi, chaque été, pendant leurs vacances, ils en profitaient pour en faire le tour, et assouvir ainsi leur passion.
Munis de cordes, lampes torche, et autre matériel, aucun obstacle ne les arrêtait. Et puis, c'était si facile, à l'entrée, de passer l'enclos des perroquets. Ceux-ci avaient l'habitude et ne « pipaient » jamais mots, à leur passage. Peut-être les reconnaissaient-ils, d'année en année, comme le chien qui n'oublie jamais le jardin où séjourne un congénère, même longtemps après. Quant aux magnifiques tortues terrestres, si énormes, qu'elles pouvaient servir de monture à un enfant, elles demeuraient, forcément, tout aussi muettes…
Au fil des allées, où l'abondante végétation, si noire à cette heure, n'était éclairée que par la lune jouant à cache-cache entre les frondaisons, Clémentine aimait, de sa torche, faire rutiler quelques secondes les robes nacrées des flamants roses, et puis celles, d'un rouge sang des ibis. Surtout ne pas troubler leur sommeil…
Tous deux passaient toujours discrètement devant les petits singes, capucins et autres. Tant d'espèces enfermées ici. Combien de fois, Clémentine s'était fait violence pour ne pas ouvrir ces cages ! Si peu d'espaces pour ces petits êtres si avides de liberté. Mais, elle avait fait partie, elle aussi, de tous ceux qui, chaque jour, défilaient ici, sauf qu'à présent, elle venait la nuit, en catimini. Elle ne valait donc pas mieux !
Pourtant, depuis quelques temps, elle se sentait un peu moins coupable…Et c'était ce qu'elle se répétait cette nuit - là, en approchant de la fauverie. La porte franchie – Raoul savait se jouer de toutes les serrures – une forte odeur assiégea leurs narines en même temps que des glissements nerveux se frottaient aux barreaux des cages. La lueur de la torche en éclairait à présent les locataires, furieux d'être dérangés, même si on le sait, les lions et autres fauves ne dorment guère que d'un œil, dès le jour enfui. Certes, ici, il n'y avait pas de proies appétissantes à se mettre sous les crocs, mais l'instinct était toujours là. Ils admirèrent un instant, le regard étincelant de la panthère noire, gros chat au pelage qu'ils supposaient bien doux, qu'ils auraient eu tant envie de caresser…
Mais ce qui intéressait particulièrement Clémentine, c'était ce qu'il y avait dans le dernier box. Et c'était bien pour cela, qu'elle ne s'était pas attardée, comme souvent, devant les cages et enclos des autres animaux.
-Regarde Raoul, il y en a encore un !
-Ah non, Clémentine, non, tu en as déjà deux !!
-Mais c'est apparemment le dernier…elle tendait le doigt vers la paille. Le petit tigre, car c'en était bien un, se confondait un peu avec la couleur de la litière, les rayures en plus. Le dernier de la fratrie avait donc été séparé de la mère car celle-ci ne s'en occupait pas plus que des deux premiers. Elle se tenait d'ailleurs anormalement calme dans la cage attenante.
-Trois, cela en fera trois, ce ne sont pas des chatons, tu as bien constaté je pense, comme ils ont déjà grandi en quelques jours…
-C'est alors qu'ils entendirent une voix grave, très grave s'élever :
-Prenez-le, je veux qu'il vive libre comme les autres, moi qui suis née ici, je ne connaîtrais jamais la liberté…
-Qui a parlé ?
-Il me semble que c'est la tigresse…vois, comme elle nous fixe !
-Tu es complètement folle, allez prends ton « chaton », et sortons vite d'ici, c'est un gardien qui nous fait certainement une mauvaise blague !
Raoul crocheta alors la serrure, en prenant bien soin, comme d'habitude, de faire cela le plus proprement possible, afin de ne pas laisser de traces, et Clémentine se saisit délicatement de la petite créature qui dormait.
Un instant, mais avait-elle rêvée ?...Clémentine crut voir dans l'œil de la tigresse, une larme de remerciement…
Lorsqu'ils regagnèrent le petit pavillon de famille de Raoul, le jour commençait tout juste à pointer le bout de son nez. Vite, mais le plus discrètement possible, ils montèrent au grenier par l'escalier de bois qui craquait un peu…
Là, dans la pénombre, la vieille, mais imposante armoire – souvenir des grands-parents de Raoul – trônait, occupant presque tout l'espace. Raoul en ouvrit les portes, qui, sous la torture, grincèrent copieusement de tous leurs gonds, puis, presque immédiatement, s'ensuivit un, puis deux feulements. Le plafond de chêne en fut tout secoué !
-Mon Dieu, je te l'avais pourtant bien dit ! Suffoqua Raoul.
-Devant eux, deux superbes tigres les fixaient, prêts à bondir. Mais lorsqu'ils aperçurent leur frère pelotonné dans les bras de Clémentine, ils se couchèrent aux pieds des deux jeunes gens. Et, derrière eux, ce n'était plus la couverture usagée qui leur servait de couche mais un grand territoire, une jungle à la mangrove épaisse, gorgée d'eau, et certainement peuplées de proies à profusion.
-L'aîné des frères prit alors la parole :
-Merci de nous avoir délivrés des humains, nous le savons par notre mère qui nous a prévenus par- delà les eaux. Dorénavant, vous n'aurez jamais rien à redouter de nous. Vous êtes nos sauveurs et les seuls à pouvoir, désormais, emprunter ce passage. Grâce à vous, notre espèce ne disparaîtra jamais !
La voix du père de Raoul retentit soudain :
-Quel tintamarre, là-haut ?
-Ce n'est rien père, c'est en ouvrant l'armoire que tout ce qui était dedans est tombé !
-Cela ne m'étonne pas, tu as tellement gardé de choses durant toutes tes jeunes années… mais quel drôle de bruit tout de même…
Et c'est ainsi que chaque été, Clémentine rejoignait Raoul dans le grenier, ouvrant, à deux, toutes grandes les portes du rêve, rejoignant ainsi leurs trois amis pour une grande balade fantastique à travers la jungle.
Et le dernier petit tigre que Clémentine avait sauvé, devenu un superbe spécimen, ne la quittait jamais d'une patte, comme pour la protéger de dangers éventuels…
Les parents de Raoul riaient souvent de cet engouement soudain pour le grenier :
-On va finir par les marier ces deux-là, ils ne se séparent décidément plus !
J'adore ! Joli conte... le conte est bon ;-)) des bisous
· Il y a environ 5 ans ·Maud Garnier
Le compte est bon : 3 tigres ! Merci Maud ! <3
· Il y a environ 5 ans ·Louve
De bien belles images et surtout un talent pour les dialogues, j'oublie les magnifiques descriptions.
· Il y a environ 5 ans ·Beatrix Meule
Merci beaucoup jolie Beatrix !
· Il y a environ 5 ans ·Louve
Quel beau conte et quelle belle leçon ! J'ai été aspirée par ton histoire et je l'ai lue trop rapidement… J'y reviens :)
· Il y a environ 5 ans ·Merci de nous offrir cette belle rêverie !
Sy Lou
Merci joli coquelicot !
· Il y a environ 5 ans ·Louve
J'adore Martine,,,quelle imagination ;)))) Bises Matinales et une belle journée avec tes tigres
· Il y a environ 5 ans ·Patrick Gonzalez
Merci cher Patrick ! Bises de fin d'après-midi !
· Il y a environ 5 ans ·Louve
J'ai adoré cette histoire au point de la lire trois fois de suite
· Il y a environ 5 ans ·Aurelie Blondel
Ah ! Cela fait plaisir, c'est encourageant ! Merci beaucoup Aurélie !!
· Il y a environ 5 ans ·Louve
cela devrait te parler
· Il y a environ 5 ans ·https://youtu.be/soRUclDK0w4
dechainons-nous
Je vais aller voir !
· Il y a environ 5 ans ·Louve
RRRoarrr ! Il faut avoir des rêves. Merci :o)
· Il y a environ 5 ans ·daniel-m
Mais oui...merci à toi Daniel !
· Il y a environ 5 ans ·Louve
Mettre un tigre dans son auteur et la route du rêve se déroule !
· Il y a environ 5 ans ·yl5
Super...c'est le moment de le dire ! Merci Y !
· Il y a environ 5 ans ·Louve
Quel joli conte ! Compliments, Louve ! J'aime j'aime j'aime ! Et je partage.
· Il y a environ 5 ans ·astrov
Oh ! C'est sympa. Merci astrov !!
· Il y a environ 5 ans ·En fait, il y a de cela trois nuits, j'ai rêvé qu'en rentrant chez moi, il y avait trois énormes tigres m'attendant sur le seuil. Je me suis dit alors, qu'il fallait quand même m'en séparer, que ça pouvait devenir dangereux...et cela a donné au bout du compte... un conte !
Louve
Très jolie histoire Louve, ça mérite une suite !
· Il y a environ 5 ans ·odess
Je ne sais pas...mais je te remercie odess !!
· Il y a environ 5 ans ·Louve