Lettre à...
wen
Très chère Elise,
Cette missive vous paraîtra peut-être incongrue ou pour le moins surprenante. Pour autant, je ne souhaite en aucun cas faire apparaître sur votre auguste visage la moindre marque de frayeur. Soyez-en assurée et j’espère que vous me permettrez de vous enjoindre à vous rassurer.
Pour des raisons dont vous me ferez l’honneur de prendre connaissance ci-après, la providence rendait impossible que je vous écrivisse avant ce jour.
Mais mon esprit va trop vite, je me rends compte de mon empressement et vous prie de m’en excuser dès à présent. Bien que j’aie l’audace de croire que votre subtile mémoire vous rappellera l’auteur de ces lignes et ses qualités plutôt que ses défauts, je me dois de vous faire aveu.
Ô cet aveu est bien véniel mais il me coûte car a son poids dans l’exposé du développement où je souhaite vous emmener.
Voilà maintenant très exactement soixante-et-un jours, votre père, vaillant, fier et décoré comme il se doit, lâchait votre bras au sein de la cathédrale qui vit le couronnement d’Henri de Bourbon, pour le confier à votre époux tout aussi fier de la qualité des noces que de la beauté de la promise. L’aveu, s’il n’était question que de cela, tient en bien peu de choses mais il est le suivant : votre serviteur se trouvait dans les travées. Vous ne me remarquâtes pas, et c’est parfait ainsi. Il ne m’était en rien loisible de m’imposer à votre vue car malgré votre vertu inébranlable, j’aurais été profondément meurtri d’être la cause d’un voile dans vos yeux que vos proches confidentes –ou pire ! Madame votre mère– n’auraient pu laisser sans explications.
Le salut de beaucoup trop d’intérêts divergents qui constituaient un édifice fragile était en jeu et, s’il en était besoin, l’évidence de nos efforts antérieurs m’apparaissait au grand jour.
Il ne fut cependant pas aisé d’enterrer mes émois coupables qui exhalaient leur perfide fragrance pendant que vous remontiez la nef. Une dague empoisonnée s’enfonçait dans mon cœur à chaque pas que vous faisiez et la beauté de votre parure ne faisait qu’accélérer l’épanchement d’un venin pernicieux.
Dieu que ce moment fut cruel ! Il n’eût point eu besoin que je busse la ciguë pour vivre mes derniers instants. Je portai mes lèvres alors à une coupe encore plus amère. Je voyais se concrétiser l’image de ma plus grande terreur : ma défaite. Oui ma très chère, ma tendre, vous en épousiez un autre que moi.
Les soixante-et-un jours d’attente entre votre mariage et ce courrier sont de pure forme. Ils ne sont là que pour souligner le deuil qu’il fallu que j’entame. Le deuil de notre Amour.
Ma chère, ma tendre, mon éternelle adorée ! Souffrez que je vous nomme ainsi une dernière fois pour finir cette lettre dont la cruauté ne doit avoir d’égale que l’impérieuse brièveté des ressentiments qu’elle pourra faire naître.
Soyez rassurée belle muse, si notre Amour fut terrassé sur le pavé ce jour précis, celui que j’éprouve pour vous restera vivant jusqu’à mon dernier souffle.
Ce n’était pas moi qui recueillit votre main lorsque Monsieur votre père la lâcha mais j’ai pour moi de savoir parfaitement à quoi ressemble leurs tremblements lorsque vos sens se perdent. Dès lors, toute autre quête serait bien fade pour qui connaît la valeur de ces moments.
Dorénavant, le prix à payer est le silence. Le vôtre vous honore, le mien n’est que résipiscence.
Jamais ce mot ne m’a tant coûté à écrire que dans ce moment où il me ramène à l’idée de notre séparation. Je suis au désespoir d’être séparé de vous et, si cela fut encore possible, je paierais de la moitié de ma vie le bonheur de vous consacrer l’autre.
Recevez, Elise adorée, l’assurance et l’hommage de l’Amour le plus tendre et le plus sincère.
Adieu, Madame.
Un amour impossible toutefois, c'est ça le drame finalement.
· Il y a plus de 12 ans ·Content que cela vous ait plu chère amie, ne vous pâmez point trop cependant, je m'en voudrais de tant d'émois.
En attendant, merci du CdC, je suis touché.
wen
Une telle lettre m’échoit???? par dieu, je me pâme et réclame à corps et à cris, des sels, un éventail, un mouchoir liseré de dentelle !!et pleure le restant de ma vie, cet amour éclatant...
· Il y a plus de 12 ans ·magnifique ! cdc immédiat.
lyselotte
C'est surtout la musique qui est sublime, je n'ai presque rien fait moi... Je n'ai juste fait qu'imaginer. Merci à toi.
· Il y a plus de 12 ans ·wen
Jolie lettre, merci.
· Il y a plus de 12 ans ·lavadrouille
J'essaie de faire de mon mieux chère Mys'. Tout le plaisir est pour moi. Merci beaucoup d'être passée et du commentaire.
· Il y a plus de 12 ans ·wen
j'aime vraiment beaucoup! ce style élégant te va fort bien, cher ami! quelle écriture!!
· Il y a plus de 12 ans ·Karine Géhin
Merci beaucoup koukie. Content de te revoir par ici.
· Il y a plus de 12 ans ·wen
@Sweety : Oui c'est triste mais c'est ce que m'inspire ce si beau morceau. Garde ta sensibilité telle qu'elle est, quant à moi j'essaierai d'écrire de nouvelles pages plus gaies.
· Il y a plus de 12 ans ·@Bleuterre : Merci beaucoup des compliments. Selon moi, le rythme (du texte et du morceau) est le suivant : la douleur se présente masquée, cachée dans la joie, elle ressort parfois mais se dilue. Puis elle éclate, forte et violente (jusqu'à "la mort de notre Amour"). Puis s'apaise, et redescend pour finir en tendresse éternelle (cf. la fin du morceau).
En tout cas, merci vraiment beaucoup à toutes et tous.
wen
@Joëlle : Je suis très flatté. Merci beaucoup. Et la Princesse de Clèves... évidemment !
· Il y a plus de 12 ans ·@Mystérieuse : Pfff... c'est trop d'honneur. Je me disais aussi que j'avais beaucoup de visites. :-) Merci beaucoup.
@Woody : Le clavier est mon meilleur allié, j'écris trop mal et je le regrette vraiment. Merci du com' et du CdC.
@Junon : Content de t'avoir embarquée avec ces mots et cette musique surtout. J'en suis vraiment heureux.
wen
ouaouh ! CDC pour moi. Les mots sont posés avec rythme et douceur. Quel difficile exercice musical, mais c'est réussi, vraiment.... La même référence qu'Eaven m'est venue pour Polnareff.... On ressent la douleur qui augmente comme une épine qui n'en finit pas de faire saigner... Bravo.
· Il y a plus de 12 ans ·bleuterre
hum pour la fan des liaisons dangeureuses que je suis, cette correspondance m'a touché droit au coeur.(j'aime bcp les correspondances!)
· Il y a plus de 12 ans ·Mais c'est pour moi d'une profonde tristesse que de voir son Amour avec un autre, mais si joliment bien dit...*soupir*
ah les affres de l'amour!!cdc pour moi aussi
Sweety
Pas facile de se mettre dans l'ambiance de la langue et de l'époque, tout ça en collant en plus à la musique. Exercice réussi. On y croit... on y est !
· Il y a plus de 12 ans ·(euh, quand tu l'auras fini, tu me prêteras ton Polnareff pour les nuls...?? Moi non plus ça ne me dit rien !!)
junon
passion et élégance... qui se marient si bien... si j'ose dire ! on imagine la cursive fine et racée de la plume sur un papier de qualité... bravo et Cdc bien sûr...
· Il y a plus de 12 ans ·woody
Je t'ai " vendu" sus mon FB ......
· Il y a plus de 12 ans ·mysterieuse
Tant mieux, je préfère ça aux larmes.
· Il y a plus de 12 ans ·wen
Alors je le répète, tout le plaisir est pour moi. Merci beaucoup Christine.
· Il y a plus de 12 ans ·wen
vraiment reussi on y est. on le vit bravo j'adore
· Il y a plus de 12 ans ·christinej
J'ai essayé en effet de faire coller les différents temps de la lettre avec les temps de la musique. Pas simple de trouver le bon rythme. Merci d'avoir lu en tout cas et le plaisir est pour moi.
· Il y a plus de 12 ans ·ps : il va falloir que je révise mon Polnareff pour les nuls.
wen
Bravo , très cher , j'aime tant notre belle langue française ...Belle association d'idées .Un coeur pour toi pour cette belle réussite.
· Il y a plus de 12 ans ·Eaven , pour moi aussi Le bal des Laze est présent
mysterieuse
Désolé, je ne connais pas mais ma culture Polnareffique reste très limitée (j'ai regardé quand même ce que c'était).
· Il y a plus de 12 ans ·Merci beaucoup de ton passage et du CdC.
wen
Je pense immédiatement Au bal des Laze. On a la culture qu'on mérite.
· Il y a plus de 12 ans ·Belle lettre, essai réussi. Est-ce que tu as envoyé à Reverrance, cette photo va la faire sourire, cette scène est culte pour elle. :)
Je range dans CdC.
eaven
Interprétation (très) personnelle de la Lettre à Élise de Ludwig v. Beethoven.
· Il y a plus de 12 ans ·La photo des liaisons dangereuses fait le lien avec l'emprunt, si ce n'est de l'esprit, au moins d'une phrase de ce livre.
wen