L'expo photos (concours)

divina-bonitas

Hier, j'arrive comme chaque année à la même époque, le trouillomètre à zéro et mes anciens clichés sous le bras, dans ce lieu de hautes réjouissances qu'est un des CHU de Lyon, histoire de s'assurer que la sâle bête rampante à carapace dure qui m'attaqua par deux fois déjà, n'ait pas pris idée de nicher dans une autre partie sensible de mon anatomie. 

Le bâtiment a été récemment refait par un illustre cabinet d'architecture, lequel a pensé qu'il vallait mieux que les soignants et les patients se serrent dans des espaces restreints, y compris dans un rez de jardin éclairé aux néons qui n'a de poétique et de nature que l'appellation donnée. Le RDC a été conçu par ces brillants concepteurs comme une salle des pas perdus, dixit leur site, lequel nous éclaire sur la démarche super géniale de cette réalisation. Ainsi, les patients attendent dans des couloirs lugubres et sous-terrains aux odeurs mêlées de lino, de transpiration, de désinfectant et de peur, pendant que les 300 m2 de plein pied sont vides. Chacun rase les murs, courant d'un ascenseur à un autre, pressé d'échapper à cette viduité, cherchant en vain un siège, le regard errant du sol beige au plafond blanc.

Mais hier, le hall nous réservait une surprise de taille: une expo photo. Des tirages de près d'1m2 collés sur des tableaux mobiles, disposés au sol le long de bandes de scotch posées en quinconce, sans doute pour créer un effet artistique. Comment trouver les mots pour dire ce que ressent le patient lambda en regardant ces clichés, prises de vues crues nous jetant à la figure des morceaux de vie locale et de misère: une équipe de chirurgien au-dessus d'un corps recouvert d'un drap vert, un chariot rouge à tiroirs dont on imagine qu'il contient des objets coupants, un malade chauve promenant sa potence et son mal dans un couloir blême, un alité au regard vitreux, des gros plans sanglants que l'oeil inexpert est incapable d'identifier...Gore, trash, glauque, sinistre, les mots me manquent. Mon fils aîné, étudiant en arts, prenant souvent des photos, me regarde horrifié, dit "c'est une mauvaise blague? Qui a pris ces clichés? C'est moche, mal cadré, les couleurs sont à ch..., ça donne envie de vômir" Je lui commandait de ne pas regarder, affirmant à voix haute que si le CHU voulait réduire son nombre de patients, il avait certainement trouvé la bonne solution. N'importe quel quidam censé franchissant les portes coulissantes n'a qu'une envie en regardant cet étalage effrayant: se barrer à grandes enjambées et à toute vitesse car, d'un coup, toute sa part d'être vivant hurle que non, il ne sera pas le volume sous le drap vert encadré par des types masqués aux regards de psychopates ni ne sera découpé par un scalpel brillant, que si l'hôpital déjà peu rassurant se transforme en scène de crime, il préfère encore crever chez lui pénard devant sa télé.

Une fois rentrée, je m'interroge sur le comment du pourquoi de ce scénario digne d'un thriller, ouvre internet, découvre que l'expo est un projet concocté par des étudiants de médecine et d'une école d'ingénieurs, retenu par une institution ayant pour objectif de financer des projets sur le thème "culture et santé". Le budget de cette association s'élève pour l'année à plus de 505 kE, largement financés par des partenaires publics, donc par nos impôts.

Je ne sais pas ce qu'il y a de pire. Me dire que je n'arrive pas à trouver les fonds pour monter ma boîte de maillots de bain destinés aux femmes malades et handicapées, en partie car je ne suis ni ingénieur ni médecin, penser qu'une partie de nos revenus finance ce genre d'horreurs, avoir la certitude que la culture sans démarche artistique est une offense frisant le sacrilège.

Il n'y a pire blague que certaines réalités.

  • Merci et oui, malheureusement. Des lustres ça commence à faire longtemps!

    · Il y a presque 11 ans ·
    Img 1518

    divina-bonitas

  • bravo pour ce texte , je suis infirmière et ma petite soeur se trouve malheureusement dans ce cas..... on nous apprend bien l'humanitude en théorie mais pour la pratique c'est beaucoup plus compliqué surtout que nos chers carabins n'ont pas je pense une once de psychologie pour leurs pairs malades..... et ca fait des lustres que cela dure.....

    · Il y a presque 11 ans ·
    Photo pierrete iphone 218 195

    manolita83

  • Texte percutant.
    Je trouve la conclusion parfaitement bien vue. Malheureusement.

    · Il y a presque 11 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

  • Merci à tous. Oui, c'est exactement ça Wen, l'art ne peut se passer d'une démarche artistique réfléchie ni de certaines compétences, surtout pas dans un CHU où le public est sensible. Je viens d'envoyer un mail aux responsables de ce projet en leur expliquant à quel point ces photos morbides m'avaient soulevé le cœur. Il y a quand même des limites à l'horreur financée par les deniers publics! Jamais vu un truc aussi trash, même pas dans les séries télé. Et dans les films d'horreur, on a au moins la possibilité de se dire que ce n'est pas la réalité, outre le fait qu'on peut choisir de ne pas les regarder.

    · Il y a presque 11 ans ·
    Img 1518

    divina-bonitas

  • Encore un coup de gueule salutaire de Sophie.
    Faire entrer l'art (quel qu'il soit) à l’hôpital est fondamental mais là encore plus qu'ailleurs, cela demande des compétences, et des idées extrêmement délicates que n'importe qui ne peut pas se permettre.
    Ce qui n'a visiblement pas été le cas ici...

    · Il y a presque 11 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • ouh c'est horrible!

    · Il y a presque 11 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

  • Aller au CHU nuit gravement à la santé! Au moins, tu as exposée !

    · Il y a presque 11 ans ·
    Image

    Philippe Larue

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