L'homme heureux
selig-teloif
Monsieur Bonval était un homme joyeux. Il regardait ses contemporains avec délectation, admirait leur génie, s'amusait de leurs idioties et ignorait leur méchanceté. Monsieur Bonval était plutôt quelconque. De taille moyenne, il ne donnait pas une impression de rondeur, mais son large postérieur ne rendait pas ses formes homogènes. Les traits de son visage n'étaient ni fins ni carrés, un visage harmonieux mais souffrant de banalité. Une calvitie naissante lui donnait bizarrement de la hauteur. Monsieur Bonval n'avait pas d'opinion politique. Il se disait ni de droite ni de gauche, ni néo-libéral, ni enclin à un état omnipotent. Il ne disait d'ailleurs rien. Quand on interrogeait monsieur Bonval sur ce qu'il pensait du gouvernement, il disait ne pas se trouver malheureux et qu'il y avait plus pauvre que lui. Plus riche aussi, mais à ça, monsieur Bonval n'y pensait pas. Monsieur Bonval n'avait pas d'avis sur l'existence de dieu, il trouvait les croyants charmants et débordants de gentillesse et ne pensait pas avoir eu de discussion avec des athées. Monsieur Bonval ne croyait pas en connaître. Monsieur Bonval ne pensait pas à la mort, non pas qu'elle lui fît peur, il n'y pensait simplement pas. Monsieur Bonval ne lisait pas la presse et sortait son chien pendant le journal télévisé. Monsieur Bonval, chaque matin, se rendait à son travail de bonne humeur. Il accomplissait ses tâches administratives avec rigueur. Quand il rentrait le soir, il se fendait toujours d'un mot gentil pour son épouse et faisait honneur à chacun de ses plats. Monsieur Bonval regardait toujours la même chaîne de télé, pas par passion mais ces programmes lui procuraient un plaisir suffisant et il ne voyait aucun intérêt au zapping. On y découvrait de nouveaux talents qui semblaient bien chanter. Monsieur Bonval n'avait pas d'amis, mais n'en ressentait pas le besoin, sa femme et son chien emplissaient sa vie et la remplissaient chaque jour de bonheur. Monsieur Bonval n'était pas malheureux.
Un jour, sa femme lui dit : « Bernard, tu m'emmerdes ! ». Elle prit le chien, une valise puis quitta la maison.
" Ce canard n'a qu'un bec Et n'eut jamais envie Ou de n'en plus avoir Ou bien d'en avoir deux" nous chantait Brassens (les oiseaux de passage)
· Il y a environ 14 ans ·un très bon texte,merci Selig
ristretto
Bah oui .. assez d'accord Léo. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde s'est focalisé sur ce chien. Au final, il n'y était pas tout à fait attaché, il devait juste le sortir chaque soir.
· Il y a environ 14 ans ·@Mlpla, je crois qu'il s'agit d'un hédonisme de naissance ...
Merci à tous pour vos commentaires.
selig-teloif
(suite)Je ne m'en fais pas pour Bernard, il ne sera pas malheureux, d'ailleurs, il y'a plus malheureux, plus heureux aussi mais de cela Bernard, il en a rien à foutre...il vit, heureux avec lui même et désormais sa chaîne de TV préférée sans avoir à sortir le chien !!! Super, à plus tard Selig,
· Il y a environ 14 ans ·leo
Bonsoir Selig,J'adore cette lenteur, cette monotonie de l'homme de son quotidien...il n'y'a que le "tu m'emmerdes" qui ne soit pas lisse et c'est vraiment trop bon. (à suivre)
· Il y a environ 14 ans ·leo
Beau descriptif d'un Hédonisme sans ascèse : pauvre en esprit? égoïsme ou innocence?
· Il y a environ 14 ans ·mlpla
Agréable à lire....fluide... mais sujet difficile... la politique de l'autruche concerne tellement de monde
· Il y a environ 14 ans ·thelma
merci. malgré tout son nom le rend quelque peu sympathique !!!
· Il y a environ 14 ans ·gun-giant
Je crois que j'aurais fait pareil que la madame. Avec ou sans chien
· Il y a environ 14 ans ·ko0
C'est vrai ce que dit Marcel, pourquoi le chien ? c'est méchant car c'est lui qui le sortait. La madame devait en avoir vraiment ralbol.
· Il y a environ 14 ans ·brigitte--2
8/10
· Il y a environ 14 ans ·Remi Campana
Pourquoi le chien?
· Il y a environ 14 ans ·Marcel Alalof