Ma rencontre avec un loup
Marie Benoit
Je suis dans les vallées du Massif Central. La neige a tout recouvert de son manteau blanc, c’est magique. Aujourd’hui encore, le ciel est gris et bas. Ce matin, en ouvrant les volets, j’ai décidé d’aller explorer ce petit bois près de chez moi. Emerveillée par ce paysage splendide, l’appareil photo accroché à mon cou, je m’extasie de tout et de rien. Je regrette de ne pouvoir voler, car mes pas troublent toute cette pureté.
Derrière moi, des champs qui descendent dans la vallée, rejoignant le petit village en contrebas. Au fond, on devine le Puy de Sancy, qui domine cette chaîne de montagnes. Et devant moi, le sous-bois, suivit de la forêt de sapins. Par terre, tout est blanc. On aperçoit ça et là des morceaux de rochers gris qui dépassent. Certains arbres du sous-bois sont totalement recouverts de givre, alors que d’autres laissent apparaître leur écorce brune. Soudain je découvre de petites empreintes qui s’entremêlent : oiseaux, biches, écureuils… Je laisse libre cours à mon inspiration et mon appareil mitraille, emprisonnant toutes ces merveilles de la nature. Je poursuis mon ascension. J’arrive peu à peu parmi les sapins. Ici se rajoutent des touches de vert émeraude. Ainsi, après une nouvelle heure de marche, je me retrouve au sommet.
Moment de gloire. Instant grisant. Bonheur à l’état brut. Je n’en reviens pas de ce que me donne de vivre Mère Nature. Partout mes yeux se posent, imprégnant au maximum ma mémoire, mon cœur, mon âme. Je me sens puissante. Invincible. Ici, rien ne peut m’atteindre. J’inspire l’air froid piquant de l’hiver. Brûlure intense dans les poumons. Air pur qui atteint chaque fibre de mon être. Je reste là un long moment, à profiter égoïstement de ce qui m’est offert. A me dire que la vie peut être si simple.
Mais le froid finit par me saisir. D’ailleurs, les flocons commencent à tomber. Ô merveilles de la nature… Cependant, je décide de redescendre, et m’arrache difficilement à la contemplation de la vallée, et j’entame le retour tranquillement. Je remarque un petit ruisseau qui m’avait échappé à l’aller. L’eau coule, limpide et pure, faisant bruisser les galets. Je prends quelques clichés, et laisse dériver mes pensées comme le courant de l’onde. Les flocons deviennent plus gros et plus nombreux. C’est alors que je ressens une présence près de moi. Je lève doucement la tête.
Un museau et deux yeux dorés m’observent avec curiosité. Je n’ose plus bouger, à peine respirer. Il est magnifique. Son pelage blanc se fond dans le paysage. Une musculature puissante et développée, une silhouette fine et élancée, tout cela dans un élan de grâce et de beauté. Je remarque que ma position fait que je le domine, alors je me baisse tout doucement, jusqu’à arriver à sa hauteur. Il grogne un peu mais reste immobile. Je décide alors de plonger mes yeux dans les siens. Nous soutenons le regard l’un de l’autre, et c’est lui qui avance la tête vers moi. Je tends ma main, sans le toucher cependant. Il la renifle, la lèche, et finalement place sa tête dessous. Je sais qu’il m’autorise à le caresser. Sa fourrure est épaisse, douce. Nous nous regardons toujours. Tout d’abord, mes caresses sont timides, puis se font plus assurées et plus longues. C’est un moment unique. Magique. Soudain un hurlement retentit. Le loup lève la tête, rompant le charme. Je l’observe répondre à celui ou celle qui l’a appelé. Puis dans un dernier regard, nous échangeons toutes ces émotions. Il part dans un mouvement royal, et arrivant au sommet, il se retourne une dernière fois, puis disparaît.
Je suis toujours assise dans la neige, le nez et les joues rougies par le froid. J’ai l’impression d’avoir vécu un rêve. Pourtant c’était bien réel je le sais. Je pleure de l’intensité de ce moment. Je m’abandonne à ces souvenirs tous frais longtemps, et transie, je me force à me relever. Je rentre doucement, savourant chaque instant, repensant constamment à ses yeux… En arrivant chez moi, j’entends un nouveau hurlement. Je souris. Je sais que c’est lui. Il m’attend, il attend que je revienne. Je reviendrai…
De belles envolées nocturnes...
· Il y a plus de 11 ans ·luvian
Très belle rencontre avec un animal si attachant... Des solutions doivent exister pour protéger le loup et les éleveurs...
· Il y a plus de 11 ans ·astrov
superbe!
· Il y a plus de 11 ans ·saki
Quel sens de l'observation de la nature, un régal de te lire et de ressentir ce que tu ressens en parcourant ces belles lignes.
· Il y a plus de 11 ans ·yoda
de forte émotion , dans ce texte plein de tendresse.
· Il y a plus de 11 ans ·insane
Marie, j'aime la façon que vous avez de nous faire vivre la nature. Je me suis figuré l'animal, les sapins et les pentes enneigées. Et puis -est-ce volontaire ou non- on peut y distinguer, dès le titre, un double sens donnant à ces pages une épaisseur troublante.
· Il y a plus de 11 ans ·saul-t-river
Et les Rennes? Beaucoup de description et de détails !
· Il y a plus de 11 ans ·Philippe Larue
Or nous sommes tous des animaux, donc sauvages. Tous des messagers.
· Il y a plus de 11 ans ·koumi
Question (à sens unique,je veux dire sans double sens) : qui a écrit ou dit : "Un animal sauvage est toujours un messager"
· Il y a plus de 11 ans ·koumi
Magnifique! J'ai vu le loup, tellement tu décris si bien. Merci de ce moment de nature exceptionnel.CDC
· Il y a plus de 11 ans ·Choupette