Ne me demandez pas

Toute à l'heure, je l'ai aimé dans mes pensées et je le serrais fort dans mes bras. Là  maintenant, il m'apparait indifférent et j'ai presque oublié qui il était. Je suis heureuse de vivre seule et je souris aux quatre vents. Dire que ce matin, je grimaçais à mon hostile solitude et tambourinais mes murs. Ensuite j'ai pris ma voiture et au carrefour plus loin, j'ai mis mon clignotant à droite et je suis tournée à gauche en me demandant pourquoi je n'allais pas tout droit. Et si cet après-midi  je mangeais une glace dans le quartier pour me régaler ? La crêpe que j'ai commandée avec amabilité a été très bonne. Aujourd'hui, j'éviterai de bavarder, de dire des choses inutiles avec ma voisine. Je viens de la croiser et c'est incroyable ce qu'on a tchatché. Hier je me disais que j'allais en finir avec ma vie, me supprimer. Finalement, j'ai supprimé tous mes journaux intimes qui ne parlaient que de vouloir mourir. Et puis quand j'ai voulu écrire sur mon carnet, je me suis mise à dessiner. J'ai aussi appelé mon coiffeur pour qu'il vienne me couper les cheveux et quand il est arrivé, je lui ai demandé de me faire des dread. Quand je pense que je déteste la salsa et que je l'ai dansé samedi dernier toute une soirée...

Ne me demandez pas ce que je veux et souhaite car je vais devoir me remplir un verre d'eau et boire une coupe de vin et puis craquer… craquer une allumette. J'ai comme un feu en moi qui est dérangé, qui ne se laisse pas apprivoiser, qui s'élève et se crame sans durée. Un feu qui étreint les pores de mon corps, surchauffe mes mains, excite mon nez. Un feu qui se cabre, impuissant dans mes besoins, mes envies. Ces derniers mots étranges viennent de rendre à l'instant leurs derniers râles en raison d'une anémie inexpressive. Je les salue devant un tableau de vie dépoussiérée, posé sur un chevalet récalcitrant qui monte et qui descend tout autant. L'oxygène de mes contradictions bat son plein de palette à portée d'un cœur inerte où rien ne demeure, rien n'est fluide.