On nettoiera plus tard.

Un vent glacé se fraye les mèches de ses cheveux encore collés à ses tempes par la sueur et l'ivresse d'une nuit mouvementée. Son corps porte encore les marques du tapis rocailleux sur lequel il s'est assoupi. une heure ? Dix ? La notion de temps lui a échappée. Il lutte considérablement pour ouvrir les blocs de pierre qui lui servent de paupières. Le soleil n'a pas encore éteint l'interrupteur des réverbères de la place de la Mairie. L'enseigne déroulante de la pharmacie d'en face lui éclaire heures et minutes vertes. 06h37. Les teintes roses orangées du ciel semblent dégouliner sur l'imense panneau publicitaire planté à ses pieds. Le visage piétiné par le manque de sommeil. Tentative d'une position verticale. Relans de vodka. Il se rassieds.

Quelques secondes, pour retrouver ses articulations encore nouées par le froid. Quelques secondes, pour réaliser, elle n'est plus là.

Il s'élance, sans véritable conscience de ses mouvements démesurés, à la recherche de celle qu'il avait abandonnée sans le vouloir pour les bras de Morphée, hier au soir. Sa course est longue et non maîtrisée, la bouche asséchée, noeuds de gorge en collier! En vain, il arpente les rues, les stations essences, retrace le chemin jusqu'à son appartement. Le coeur haletant, Ii compose péniblement le code d'entrée. Et sa clé dans sa main tremblante, s'enfonce dans la serrure d'une porte déjà ouverte.

Quelques regards sur les indices de la scène jouée hier soir. Quelques secondes pour retrouver l'espoir, elle est là.

"- Je suis désolé ...

- C'est moi ...

- Je .. Je croyais ...enfin ... je n'ai pas rêvé ... tu étais bien avec moi sur cette place ...

- J'y étais oui ... et ...

- Et quoi ?

- Va prendre une douche ... T'as l'air de rien ..."

" - Lucas ... tout ça ne rime à rien ... Je .. nous .. on devait parler de nous ... et toi encore une fois tu nous a embarqué ...Il n'y a pas assez de degré dans l'alcool pour effacer ce qu'on se fait ...

- Je sais .. je .. c'est pas "on" c'est moi ... je le sais ... je te fais du mal mais j'ignore comment te défaire de moi ... Je fuis . .. encore.. je donnerai tout pour entendre nos rires d'hier soir pendant uen ou deux éternités. 

- Ne commence pas Lucas ... pas ça s'il te plaît .. pas maintenant ... Tu peux pas me sortir ces phrases alors que ... Y e na marre, tu m'entends ? J'en ai plus que marre, de ce masque de l'amoureux transi, ok ? Tu ne me parle pas. Tu ne me dis jamais rien. De ce que tu ressens, de ce que tu souhaite. Dans toujours des métaphores, tu uses de pirouhettes. Je n'en peux plus. Moi je suis là, à attendre que tu me donne cette putain de clé mais j'ai l'impression que dans ta tête, il n'y a que des murs, pas de portes. Rien ne filtre. Je crois qu'il n'y a plus rien à ..

- ... faire de moi c'est ça ?

- Je t'interdis, t'as pas le droit de jouer la victime, je fais tout pour t'aider... j'ai vraiment essayé ...

- Tu as trop essayé ... Tu n'aurai pas dû... Tu t'es bien trop écorchée la vie, à tenter de panser mes maux. Tu as perdu ton temps tu vois, mon ange... Tu ne peux pas sauver tout le monde ..

Je veux ... c'est pas les autres que je veux sauver... J'ai besoin de toi. Mais tu t'es perdu dans une impasse et tu ne m'a rien dit. J'ai continué un bout de chemin sans m'apercevoir que n'étais pas tout près... c'est de ma faute, je le regrette... Entre temps la nuit est tombée... c'est la nuit depuis des mois, Lucas... Pourquoi ? Bon sang, parle-moi ! Ne reste pas stoïque ... ça me révolte ...

- Amélie... j'ai grandi dans cette impasse, c'est mon espace de prédilection, j'ai arrêté de cherché ma route tu sais... ça n'en vaut pas la peine...

- Et moi je n'en vaut pas la peine.. ?

- Toi tu vaux mieux que tout ça ... Tu mérites le bonheur... Tu mérites les fous rires sans la vodka. Pour toi, je pourrai faire n'importe quoi ...Tu m'a tellement apporté ... Tellement .. et moi ... je te meurs ...

- Pour moi, tu peux t'aimer ?

- Sauf ça ...

-Alors on fait quoi ? "

Silences caféinés réchauffés au four micro-ondes.

" - On nettoiera plus tard.