On parlerait de liberté

J'me tire, j'm'arrache, faut que je marche, faut que ça passe sinon c'est moi qui vais y passer. Bordel, quel jour on est d'abord, j'sais pas, Mardi, jeudi, on s'en fout, c'est pareil, c'est tous les mêmes. J'vais marcher, loin, peut-être même que je crierai en même temps, histoire d'évacuer, j'prendrai des trains aussi, enfin je prendrai tout ce qu'il faut mais faut que je sorte, faut que j'aie froid, faut que je sente la vie, parce que dans mon lit ça pue la mort.

Une liste, faut que je fasse une liste. Quitter mon taff, c'est fait. Annoncer aux gens que je pars en vacances, enfin ce ne sont pas des vacances, non, je vais leur dire qu'il faut que je voie ailleurs pour oublier, ils vont trouver ça nul, je sais, tant pis, puis ils vont demander où je vais, je dirai l'Italie, c'est pas loin, c'est parfait, j'ai pas les moyens d'aller souffler en Thaïlande. Il y aurait bien l'Angleterre, non, trop gris, l'Italie c'est mieux. Je les entends déjà me dire que je fuis, non je ne fuis pas, je m'emmène avec moi, je veux juste changer de décor, m'épuiser, voir si l'air est plus respirable là-bas. Ils vont s'inquiéter aussi, penser que je suis toute petite, trop fragile pour marcher toute seule. Pas grave !

 Je veux m'assoir dans un bar inconnu et le connaître, discuter avec des gens de trucs intelligents ou même de trucs cons, m'en aller chargée de nouveaux instants de vie et les ajouter à ma collection.

 On parlerait de liberté, on se dirait qu'on aimerait ça, qu'ici on se sent un peu plus libres que là-bas, parce qu'on s'est permis de prendre une pause dans nos vies, loin de nos buts imposés, loin de tout ce qu'on s'est évertués à construire pour posséder, pour être. Alors, ouais ok, l'Italie, c'est pas le Tibet, c'est pas le bout du monde, peut- importe, c'est pas ça qui compte.

Je veux me demander ce que je fous là et me dire «  je rêve ».