Quand les hommes se cachent pour mourir (7/7)
Anne S. Giddey
Il y eut des excuses. Parvenue au bout de son récit, l’ancienne standardiste de l’hôpital attendait probablement un retour de Marie. Mais comme rien ne vint, elle finit par reprendre la parole.
- Je voudrais vous demander pardon. Je n’ai rien dit. J’étais amoureuse de lui, le neurochirurgien. Je l’ai couvert, c’était stupide. Quand il m’a quittée, il y a trois ans, j’ai voulu parler. Mais j’avais trop honte. Aujourd’hui, je sais que le temps m’est compté.
Marie ne se leva pas pour la raccompagner jusqu’à la porte. Sur le seuil, la femme se retourna. Elle hésitait.
- Il reste encore quelque chose à dire ?
Sortie de sa torpeur, Marie avait parlé comme on cogne. Son intervention fit baisser les yeux de son interlocutrice, qui les releva pourtant pour terminer ce qu’elle était venue faire ici.
- Oui, je voulais vous dire que Sarah est vivante. Elle est handicapée, mais en vie.
Sarah,
Nous ne savons pas encore où tu te trouves... Mais nous, les rescapées de la tribu titubante, avançons sur tes traces. J’ai fait la promesse de te retrouver. Je te raconterai votre histoire, la tienne et celle de mon fils, ton père, même si tu ne comprends pas. Marie te dira que tu as été leur fille, dix jours durant. Son enfant, c’est pour la vie qu’on l’aime. Alors que pour toi, elle sera une étrangère. Une étrangère de sang et de cœur. Nous sommes le douze février et je viens d’avoir quatre-vingt-quatre ans. Si le souffle me manque pour arriver jusqu’à toi, tu liras ces lignes. J’aimerais que tu les lises, que tu saches. Que se disloquent les petits silences de la vie, meurtriers.
Ton père est forcément devenu un aigle. J’ai toujours su qu’il finirait en équilibre entre ciel et montagne dans le givre acidulé de l’aube. Si l’oiseau de proie apparaît, je lui parlerai. Ses cris stridents déchireront l’air. Un aigle n’est pas innocent ou coupable, il ne fait qu’exister à sa juste place. Tout comme la montagne… Les hommes veulent croire que les affûts concentriques du rapace roi leur sont destinés, qu’ils sont prophétie. Pendant ce temps, l’aigle a faim. Il cherche sa proie. Aujourd’hui, c’est jour de rêve, Pierrick s’est extrait de la pierre pour devenir un aigle…
Au moment où la silhouette de l’oiseau de proie s’est découpée au lointain, j’ai hurlé son nom.
Merci Carmen, contente que ça t'ait plu !
· Il y a presque 12 ans ·Anne S. Giddey
Oui, une très belle histoire, Anne.
· Il y a presque 12 ans ·Elle m'a donné des frissons et c'est rare !
carmen-p
Merci Joëlle...
· Il y a presque 12 ans ·Anne S. Giddey
Merci Pascal d'être passé par ici et reparti par... ?
· Il y a presque 12 ans ·Anne S. Giddey
Merci woody ! Ah l'accent valaisan... celui du haut, celui du bas...
· Il y a presque 12 ans ·Anne S. Giddey
CDC en passant...peu en ce moment mais je garde les recommandations de textes !
· Il y a presque 12 ans ·Pascal Germanaud
belle fin ... la chute fait toujours la différence entre une histoire et une belle histoire, devine où je te classe ?
· Il y a presque 12 ans ·ps : si je connais le Valais et son accent ...
woody
Merci beaucoup à vous tous pour vos commentaires, coups de <3, conseils et réactions...
· Il y a presque 12 ans ·Anne S. Giddey
Une fin à la hauteur du reste du récit, magnifique du début à la fin , bravo
· Il y a presque 12 ans ·marielesmots
Toujours aussi bien écrit et tellement émouvant. Peut-être que mon côté cartésien me donne à penser que le scénario pourrait être affiné pour devenir totalement crédible, mais l'écriture et la raison...???? Bises Anne et bravo!
· Il y a presque 12 ans ·Elsa Saint Hilaire
Etrange et superbe, cette lettre de fin. Et du style comme je l'aime. Tu as raison, il faudrait prendre le temps de remettre l'ouvrage sur le métier. Ecrire c'est réécrire, toujours. Et il me semble que tu tiens l'idée et la matière principale d'une grande et belle nouvelle.
· Il y a presque 12 ans ·Merci pour le partage.
Frédéric Clément
Pareil, un grand coup de cœur pour ta nouvelle, une mère qui hurle encore le nom de son fils, même si elle ne trouve aucun écho, car pas de montagne, rien que des terrils chez moi.
· Il y a presque 12 ans ·Bravo Anne, je t'embrasse, un talent comme le tien à mérité les succès dans les concours. CDC
Yvette Dujardin
Un coup de coeur pour l'ensemble...
· Il y a presque 12 ans ·Ce dernier épisode donne envie de relire le tout.
Mathieu Jaegert