Salaud Reloaded
grenouille-bleue
Dès que je la vis franchir la porte de l'hôtel, je sus que cet entretien se passerait mal. Elle avançait à grands pas, ses talons engloutis par la moquette épaisse. Dans une main, son blackberry en mode vibreur, dans l'autre un Iphone vissé à son oreille. La working girl dans toute sa splendeur.
Elle me reconnut tout de suite - difficile de ne pas le faire, en cette semaine où ma photo ornait la couverture du Nouvel Obs en quatre par trois, grain de peau subtilement photoshoppé et sourire de façade. Son expression se ferma. Elle murmura quelques mots à son mystérieux interlocuteur et raccrocha avant de s'asseoir devant moi.
Froide.
Hostile.
Les doigts tendus pour une poignée de mains professionnelle.
- Bonjour. Je suis Sophie Supleix, des Dernières Nouvelles de Paris. Nos lecteurs et moi-même vous remercient pour le temps que vous avez bien voulu nous accorder. Je commencerai par une question qui nous brûle les lèvres: Pourquoi un pseudonyme, pourquoi Grenouille ? Avez-vous honte de ce que vous racontez dans votre dernier livre ?
Elle se penchait en avant, provocatrice, le micro branché. C'était le scoop de sa vie. Je lui souris benoîtement.
- Pourquoi un pseudonyme ? Tout simplement parce que ce roman raconte l'histoire d'un personnage fictif, et non la mienne. Il ne s'agit pas d'une autobiographie.
- Vous ne me ferez pas avaler ça. Cela faisait des années que vous racontiez vos frasques sur votre blog, puis sur twitter. Ce roman n'est qu'une reprise de ces histoires, agrémentées de détails pervers et de faits concrets pour complaire à la frange la plus voyeuse de votre lectorat.
- Loin de moi l'idée de vous faire avaler quoi que ce soit, mademoiselle.
Elle grimaça.
- Vous voyez, voilà exactement ce dont je parle. Comment pouvez-vous nier que le personnage que vous mettez en scène ne vous corresponde en tout point ?
- Vous voulez dire, comment nier que je sois moi-même un véritable enfoiré qui traite les filles sans le moindre respect, se moque de leurs sentiments et piétine leur coeur ?
- A peu de choses près, oui.
- Parce que ça fait rire.
Elle avait déjà tendu son micro en avant, prête à recueillir la confession qui me damnerait aux yeux de ses lectrices et du tribunal de la bien-pensance. Ma réponse la prit par surprise et je la vis vaciller.
- Pardon ? aventura-t-elle du bout des lèvres.
- Parce que ça fait rire. Laissez-moi vous raconter l'histoire de deux hommes. Le premier rencontre une femme en soirée, discute avec elle, le courant passe, et ils finissent ensemble avec un Scenic, un labrador et deux enfants virgule trois. Le second rencontre une femme, la séduit honteusement, arrive à ses fins et filme ses ébats pour les mettre sur Facebook avec un titre zoophile. A votre avis, quelle histoire conquerra le plus large public ?
La journaliste fronça les sourcils, déterminée à reprendre l'offensive.
- Qu'est-ce que vous essayez de dire ? Que vous ne vous comportez pas comme une crapule envers les femmes ? Tout est marqué ici, noir sur blanc, avec des références que vous ne pouvez pas balayer d'un revers de main. Toute la force de votre livre vient de ses implications, de votre position misogyne et de vos sarcasmes honteux.
Tiens donc, mon livre avait donc de la force ? C'était bon à savoir.
- Ecoutez, pensez ce que vous voulez de moi. Mais si vous voulez un scoop, c'est le moment de m'écouter. Ce personnage, je l'ai créé de fond en comble. Evidemment, je vais en soirée. Evidemment, il m'arrive de revenir accompagné. Là où vous vous trompez, c'est que je ne suis pas misogyne, pas le moins du monde. J'aime les femmes, j'adore les femmes, je vis les femmes.
- Oh, s'il vous plaît, pas ce couplet-là...
- Le personnage du macho peut attirer, celui du bad boy peut faire fantasmer. Au bout du compte, ce qui reste, c'est le plaisir et le respect mutuel. Nous sommes dans une société où un homme aux multiples conquêtes est un Don Juan, et une fille une salope. J'aimerais que cela change. Je m'investis pour que ça change.
- En couchant à droite et à gauche ?
- C'est une manière comme une autre. Vous savez, je garde souvent d'excellentes relations avec ces filles, je les revois dans d'autres contextes. Simplement, les histoires sans accroc ne font pas vendre. Ce que le public veut, c'est de la cruauté, c'est de l'ironie, du sarcasme. Et vous savez qui achète mes livres ? Des filles, en général. Vos lectrices. Où se trouve la véritable perversité ?
Je me penchai en avant pour couper l'enregistrement.
- Si vous avez le temps de prendre un verre ce soir, je vous montrerai à quel point je suis infréquentable. Et si tout se passe bien, j'en parlerai sur Twitter.
Grenouille, trop bonnn...T'as cette façon bien à toi d'accrocher le lecteur sur chacune de tes phrases et de nous faire sourire (et même rire...) Le problème...C'est qu'on en veut toujours plus...T'en aurait fait 500 pages que j'aurais lu...Y a Pas photo, suis FAN de ton style Grenouille (en même temps j'assume mon côté ménagère), Coup de coeur ! Bon week !
· Il y a plus de 13 ans ·joann
Guillaume Musso, sors de ce corps!
· Il y a plus de 13 ans ·victoria28
Vous contournez le sujet tout en traitant de l'aspect autobiographique. Vous tombez parfois dans le cliché mais vous vous en sortez par de l'esprit. C'est justement ce même esprit que nous aimerions voir à l'oeuvre dans des saillies plus littéraires (au sens de la place de la littérature face à la réalité). Si nous vous comprenons bien, Guillaume Musso est un queutard qui a compris comment faire rêver la ménagère. Même si nous partageons votre point de vue, pensez vous que Sophie et moi-même soyons des ménagères ? Le secret ne serait donc pour vous que dissimulation mais " toute vérité avance masquée ..
· Il y a plus de 13 ans ·abeline
Très bien mené Grenouille !
· Il y a plus de 13 ans ·nouontiine
et tout ceci est bien sûr un extrait de ton blog. La piroutette finale est jolie et finement annoncée, c'est vrai qu'on voudrait surtout savoir ce qui se passe ensuite...
· Il y a plus de 13 ans ·victoria28
J'aime bien le texte, même si je n'aime pas trop le salaud en question !! Mais l'exercice me paraît réussi !!
· Il y a plus de 13 ans ·mls
La main chauffe... Une torgnole ? Super !
· Il y a plus de 13 ans ·Lézard Des Dunes
C'est vous ou c'est pas vous le type parce que quel salaud ! Il manque encore plus de détails et de perversion pour vos lectrices fureteuses de WLW ... Non je rigole, je trouve l'exercice très réussi.
· Il y a plus de 13 ans ·sophie-dulac
Bon exercice pas aisé avec respect des consignes.
· Il y a plus de 13 ans ·yl5
Clair, l'exercice était super méga dur ! Moi je le trouve très réussi ton texte et à la différence de 2.0 c'est effectivement l'auteur qui parle et non le personnage ! Très réussi et consignes respectées ! Du beau boulot, bravo grenouille !
· Il y a plus de 13 ans ·leo
Bonjour Grenouille, un moment que je ne t'avais pas lu. Je suis moins touchée par ce texte où je sens trop la contrainte de l'exercice. Ton style est là, mais l'humour y est moindre sauf la fin, l'ensemble semble vite traité. Et puis ce salaud là, ne vaut pas le salaud de 2.0 dans son argumentation cynique, incisive...c'est peut être lui qui me manque à la lecture. Bon l'exercice, c'était l'auteur qui n'est pas Grenouille, alors l'auteur est plus lisse ici que Grenouille dont j'adore le style. Exercice pas facile, donc respect. Je ne m'y oserai pas.
· Il y a plus de 13 ans ·merielle
Excellent.
· Il y a plus de 13 ans ·Marcel Alalof
Le pire des salauds, c'est celui qui a raison :)) Bon, je sais Grenouille bleue que vous n'aimez pas les commentaires positifs qui ne font pas avancer l'auteur alors tant pis... zappez-moi espèce de jeune ordure pas moche qui écrit vachement bien. Meuh !!!
· Il y a plus de 13 ans ·bibine-poivron