Souffrir son rôle

ernestin-frenelius

Sorti du théâtre, il se sentait dans sa chambre comme dans une cage. Il était comme pris d’une fièvre, se sentait devenir fou, son cœur battait un rythme irrégulier, et, quand il regardait son visage dans un miroir, il ne se reconnaisait pas, comme s’il était défiguré. Le mal être était absolu depuis qu’il avait quitté la scène, et, avait empiré depuis qu’il était reclus dans cette chambre. Il était omnubilé par l’image de cette femme qu’il discernait à peine. Elle l’avait perturbé. Ça ne lui était jamais arrivé qu’un spectateur ou une spectatrice le déconcentre, l’éloigne de son rôle, mais, elle, son regard l’avait distrait. Son regard parmis tout les autres qui le fixait et qu’il discernait à peine. Pourquoi était-il perturbé par elle ? Pourquoi était-elle venue lui parler après la représentation ? Comment avait-elle pu accéder aux loges ? Et cerise sur le gateau pourquoi et comment savait-elle qu’elle l’avait perturbé ?

Et pourquoi avait-il l’impression que la façon dont-elle l’avait perturbé lui avait fait incarner son rôle comme il ne l’avait jamais incarné ? Au point qu’il n’arrive plus à s’en défaire. Il ne se reconnaisait pas. Il finit par sortir de sa poche la carte qu’elle lui avait donné. Chambre 133. Comme un zombie, il quitta sa chambre pour s’y rendre.

Elle ouvrit la porte, et il comprit. Elle n’était pas la spectatrice qui l’avait perturbé et qu’il avait avait rencontré dans les loges. Ce n’était pas non plus sa partenaire. Elle était ce personnage qui le maltraitait sur la scène, celle qui maltraitait son personnage. Et lui qui était-il ? Il pénétra à sa suite dans sa chambre. Il ne pouvait faire autrement. C’était son rôle. 

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