Sur ma table de chevet
divina-bonitas
Une amie constate avec effarement, que de chaque côté de mon lit, gisent pèle mêle des bouquins, certains empilés et ouverts, comme à plat ventre, d'autres debout, certains soigneusement empilés. Un court bilan s'impose.
Exbrayat, quand je pense à ma grand-mère, que son absence frise l'insupportable. "Mortimer, comment osez-vous?" est sous la pile. Je crois les avoir tous lus, plusieurs fois, toujours avec la même délectation. Je préfère dix fois son écriture à celle d'Agatha C, question de feeling. Un jour je m'aperçus avec une sorte d'angoisse qu'Exbrayat était peu connu. Comment se fait-ce? Exbrayat constitue finalement ma madeleine de Proust, lui dont les ouvrages ne risquent pas de traîner sur mon parquet. 7/20 au Bac de français en raison de pensées trop personnelles sur la mélancolie de ces histoires, m'a contraint à tirer le rideau -de fer- sur ses livres. Dans tous les cas, Proust ayant son soleil en Cancer, entre lui et moi, c'était impossible. La messe est dite, n'y revenons plus.
Un polar. "Une écharde au cœur". Le résumé était prometteur. Pour d'obscures raisons, je n'en garde aucun souvenir. Le bouquin est aplati à la page 156, commence à se recouvrir d'une mince couche de poussière. Puis un autre, arborant fièrement un bandeau annonçant les prix littéraires associés. "Le dernier lapon", prêt d'une amie. C'est un pavé. J'étais enchantée. Du froid, le grand nord, a priori tout ce que j'aime. Las, je n'arrive pas à dépasser la page 84. La sensation est pénible. J'ai l'impression d'être figée au milieu de la banquise, gelée, rien à l'horizon. Du blizzard et encore du blizzard. Je sais qu'un tambour a été volé, qu'un éleveur de rennes alcoolique est mort bizarrement, que la police des rennes se gratte la tête. Le jour se lève tard et se couche tôt dans ce livre. Je n'accroche pas. Sans doute parce que je suis une lève tôt qui se couche tard. J'essayerai de reprendre plus tard.
Une bonne âme m'a offert "Le spectacle de Noël" de Perry. D'ordinaire je trouve l'écriture et les intrigues excellentes. Là, dans ce livre où il neige à toutes les pages, je m'endors, n'ai pas réussi à dépasser la page 94. Je finis par me demander si ce n'est pas la saison actuelle qui me transforme en marmotte, en lectrice hibernante. Ou alors le mode d'emploi est manquant. Lui et le précédent devraient se lire équipés d'une bouillotte. Un autre livre du genre policier git ouvert aux deux tiers. "Le prédateur". Un autre prêt de la même amie. Une autre histoire en milieu hostile. J'ai calé à la page 252. En plus je déteste la chasse et les armes à feu. Bien sûr c'est horrible qu'un serial killer tue des chasseurs comme ceux-ci traquent et achèvent les bêtes. Mais ma compassion va d'emblée aux animaux. Raison pour laquelle je n'attends rien de cette histoire. Plus qu'à lire le dernier chapitre avant de rendre le livre, afin de dire que je l'ai fini et que c'était vraiment super bien.
Pour le fun, j'ai acheté le dernier SAS: "La vengeance du Kremlin". En plus ça se passe en Russie, donc ça commence bien pour moi qui suis russophile. J'en lis un chapitre de temps à autre. Mon père les avait tous. Cette lecture nous liait. Adolescente, ça m'était une distraction au milieu des auteurs classiques, des lectures imposées par l'académie. Le yeux verts et or de Malko entre le Père Goriot et Germinal. Il fallait au moins ça pour ingurgiter le reste.
Enfin, moi qui n'avait jamais lu un seul J.K Rowling, dévore "L'appel du coucou" publié sous le pseudo de R.Galbraith. D'un coup je comprends le succès de l'auteure. La plume est légère, caustique, humoristique, sensible. Derrière une approche qui pourrait paraître insouciante, émergent foultitude de sentiments, de blessures, d'interrogations. Donc ça me prend. Les nuits sont encore plus courtes. C'est un pavé. Chic, je vais me régaler.
A côté trône entier et émaillé de marques pages, "Plaidoyer pour l'altruisme" de Matthieu Ricard. J'ouvre, je lis un paragraphe, coche, réfléchis, ferme les yeux et médite. Il faudra que j'y réfléchisse encore, que j'en parle. Remplace efficacement les somnifères. Lire et se sentir bercé par autant de bon sens, d'amour et de bienveillance est souverain en cas d'insomnie. Un livre de paix qui donne l'envie de la faire. Ouf, j'en avais bien besoin.
Dans la table de chevet, le nouveau Testament, version offerte par le Cardinal aux enfants du cathé. A ouvrir en cas de besoin. Je le connais bien. Ai eu beaucoup de besoins.
Sous le lit ou presque, un autre délice, un vieux Somerset Maugham chiné chez un bouquiniste. Il parait que ça ne se lit plus, que c'est désuet, passé de mode, has been...J'adore! Si je devais partir au couvent ou vivre à la suite d'un naufrage sur une île, j'en emmènerais un avec moi. J'aime tout chez cet auteur, l'adresse de l'écriture, la subtilité avec laquelle il décrit la cruauté dont certains humains sont capables, cette façon unique de peindre les sentiments amoureux, les décors exotiques. Comment comprendre au cours d'une lecture qui semble facile, les rouages de la vie, et comment étouffer simultanément, inexorablement, du fait du mélange faiblesse/lâcheté de l'espèce humaine.
De l'autre côté se trouvent nos livres, ceux écrits par ma grand-mère et le mien. En lisant les premiers, je comprends mieux pourquoi je n'ai pu m'empêcher d'écrire et de publier, de vociférer et de m'insurger, de critiquer et d'espérer, de dessiner aussi. Mais j'ai encore des progrès à faire. Sa plume, agile, vive et moderne, reste bien meilleure que la mienne. Je pense à elle où qu'elle soit. Combien je l'aime.
Glissé à la verticale entre le lit et la table, reste pour les urgences: "Comment résoudre les conflits par l'analyse transactionnelle". Tellement lu que la couverture ne tient presque plus. Les pages sont cornées, griffonnées, raturées, gondolées (j'ai dû le lire aussi dans ma baignoire!). Mais cette nuit à 5 heures, après un sommeil agité, j'étais bien heureuse de trouver ce bouquin. Il faut absolument que je comprenne pourquoi la prof de SVT a dit à mon fils hier qu'il avait un comportement autiste, qu'elle se sentait impuissante vis à vis de lui, qu'il n'arriverait à rien dans sa vie, que son cas était désespérant, qu'elle était sûre qu'il n'aimait pas les sciences, qu'il était inadmissible qu'il ait cherché pendant le cours d'histoire la définition d'huile de ricin (rapport à la première guerre mondiale)...Une heure vingt de rhétorique scolastique en bugne à bugne ayant pris mon herpétologiste en herbe au dépourvu, lui ayant collé des nausées, mal aux yeux, une boule au ventre...je relis...c'est son côté parent normatif à elle qui explose, lui, en ne répondant pas, adopte une position extérieure, limite adulte, qui en réalité est une position rebelle en mode passif. Donc elle sort de ses gonds car elle attend une réponse croisée de type enfant rebelle actif, ce qui permettrait de rétablir un semblant de communication, virulente et croisée, moins pénible pour elle. Rien de pire pour un éducateur à cran de se trouver confronté à un ado qui ferme les écoutilles. Rien de pire pour un EIP que de se faire traiter d'autiste sans avenir. Lui sait que s'il se rebelle ouvertement il va passer par la case dirlo + ou moins conseil de discipline, préalable funeste à une éventuelle éviction. Finalement pas certaine que le bouquin donne les clefs pour les conflits en milieu scolaire. Penser à écrire à l'auteur et lui suggérer une suite adaptée au cas d'espèce.
Relire Matthieu Ricard! Penser à récupérer auprès de mon amie "Une bonne épouse indienne", meilleur roman d'amour que j'ai lu au cours de ces dernières années. Je dis meilleur et en suis certaine. Les femmes de ma famille étaient des adeptes des Barbara Cartland et autres sirops du même genre. J'ai quand même appris quelque chose au cours de ces lectures sucrées, à savoir, le cirage des bottes à la Souvaroff. Des fois que je croise un Prince exotique montant un fidèle destrier que j'aimerais tant...que j'en viendrais à lui cirer ses pompes!
Quelle profusion de livres ! Je suis impressionné. Bonne chance pour le prince charmant ! Et à propos de littérature russe, je me permets d'ajouter un titre : "La fin de l'homme rouge" pour son contenu et les références à quelques autres ouvrages...
· Il y a presque 11 ans ·frederik
Merci mais ne soyez pas impressionné - lire chez moi relève de la pathologie! - et encore merci pour cet référence d'ouvrage de littérature russe.
· Il y a presque 11 ans ·divina-bonitas
Deux Yves Bonnefoy, un Charles Perrault, une anthologie de la poésie algérienne, un dico-ortho-grapho-grammaticale, un Erik Orsenna sobrement intitulé ; « l’avenir de l’eau », un Baudelaire, un Jacques Prévert, une Smartbox châteaux et demeures, faut que j’y aille et une autre pour un séjour pittoresque, faut que j’y aille aussi, un campagne chic et broc, très bon reportage page 60, un Marianne pipolisant qui titre ; « les vrais liaisons dangereuses de François H » qui a égayet ma journée, des journaux, un 4 saisons du jardin bio sur les serres avec une bonne question page 93 et une offre de gîte page 96, le journal du Calvados avec un petit article sur Sabine Devielhe qui a perdu aux victoires de la musique classique et un autre sur Sylvain Le bel qui habite où j’habitais, un Tomas Tranströmer, un Nathalie Sarraute que je lis de temps en temps et avec un certain recul ; « L’enfance » et enfin les livres de ma douce sur des tueurs en série, une tripotée, si je puis dire, enfin bon, nous sommes en Normandie…donc, j’aime !
· Il y a presque 11 ans ·Alain Lehéricy
Merci Alain, je constate avec plaisir que d'autres ont cette même boulimie de bouquins, de journaux, bref de ce qui se lit. J'adore Perrault, Baudelaire et Prévert, connais bien "l'enfance" de Sarraute et dans un autre style, le jardin Bio pour le pratiquer. J'aime particulièrement cette diversité de sources d'inspiration. Si je peux me permettre, attention aux box en tous genre qui promettent le Paradis. Comme les revendeurs margent correctement sur les prix des exploitants d'hôtels ou de chambres d'hôtes, la prestation est parfois un peu plus sommaire que celle annoncée. Vous souhaitant les meilleurs séjours,
· Il y a presque 11 ans ·Au plaisir,
Sophie
divina-bonitas
Ma belle personne, vous comprendre entièrement serait prétentieux , juste un peu c'est déjà précieux ...
· Il y a presque 11 ans ·Pawel Reklewski
Oui bien entendu, j'ai eu peur, veuillez accepter mes excuses! ...Révérence avec joli chapeau je vous fais cher Monsieur en guise de remerciement pour ces propos si charmants. Voyez donc, grâce à vous, je suis toute "gaite" maintenant!
· Il y a presque 11 ans ·divina-bonitas
de tout cœur merci Madame, et, surtout continuez à nous charmer de vos mots pleins d'humours.
· Il y a presque 11 ans ·Pawel Reklewski
un bon petit documentaire de voyage: SAS quand son auteur n'était pas mort et capable de voyager, il a raconté des coins du monde comme je les ai connu, l'avantage était de couper la lecture et de reprendre six mois après et ne pas être perdu... Les autres si je les pose c'est que le sommeil a été plus fort que tout, l'ennui m'a vaincu et ... Dame Sophie je vous comprends au moins un peu !
· Il y a presque 11 ans ·Pawel Reklewski
Merci Pawel et très heureuse de te lire. Oui SAS c'est cool! Mais pourquoi ai-je une drôle d'impression en lisant "je vous comprends au moins un peu"...j'ai l'air si bizarre que ça?
· Il y a presque 11 ans ·divina-bonitas
Suis bluffé et impressionné comme d'habitude.
· Il y a presque 11 ans ·J'attends la chronique de Sweety sur "Une bonne épouse indienne" pour m'y lancer.
En attendant, c'est plutôt ambiance polar pour moi en ce moment... Enfin... il faudrait que je trouve le temps.
:-)
Bises Sophie.
wen
Ah, taratata! Mets toi dans la peau de Clarke Gable, - regard ténébreux et velours- tu en es tout à fait capable (!), et quand tu me verras coudre une robe dans les rideaux du salon, tu relativiseras!
· Il y a presque 11 ans ·Fais lire "Une bonne épouse indienne" à toutes les femmes que tu aimes.
Côté polar, j'attends tes recommandations...si tu as le temps de lire!
A plus,
Sophie
divina-bonitas
alors, là, c'est drôle.
· Il y a presque 11 ans ·J'ai environ un mètre d'épaisseur de papier d'Aga. C :
toute une étagère ( aussi, j'ai plus de 500 livres dans l'appart)
j'aime bien la Britannique, écriture en est classique, facile , et pourquoi j'aime ? parce que tout le monde lui "passe" dessus...
Exbrayat, j'ai cherché 2 minutes
trouvé 2, je savais que j'en avais
( dors tranqui...le matin elle s'en...)
jamais lue, que j'en chercherais le déclencheur, le voila peut-être ici, à lecture de votre texte ?
halpage
Merci pour votre commentaire. Oui j'espère que cela vous donnera envie de lire ou relire Exbrayat, la série des Imogène ou celle avec le fameux commissaire. Lui je l'aime bien vraiment avec sa femme et toute sa tribu, toujours entre les hurlements et les larmes. Au plaisir de partager d'autres commentaires peut-être sur certains de ces polars!
· Il y a presque 11 ans ·divina-bonitas
On sait bien qu'une table de chevet ne ment que si il y a des langues de bois!
· Il y a presque 11 ans ·Philippe Larue
Eh oui!
· Il y a presque 11 ans ·divina-bonitas
J'adore!
· Il y a presque 11 ans ·La place que tu leur laisses, celle qu'ils prennent...
Et comment ça remonte, le reste, les êtres aimés... La vie.
Et puis, je sens par dessus tout que j'aime comme tu les aimes, comment tu les aimes, pourquoi tu les aimes, où tu les aimes...
Frédéric Clément
Merci! Quels beaux compliments! J'en ai les yeux qui me piquent. Oui, j'adore lire, j'adore les livres, les vrais en papier, leur place dans ma vie, celle de ceux qui écrivent, comme tu dis, la vie!
· Il y a presque 11 ans ·divina-bonitas
Exbrayat ? toute ma jeunesse littéraire... aaah, je me souviens de Tarchinini !... l Le seul commissaire au monde à connaître (et maîtriser) toute l'importance de la grappa dans l'ébauche d'une théorie criminelle...*
· Il y a presque 11 ans ·La seule chose que je ne comprenne pas dans ton texte, c'est cette comparaison douteuse avec Agatha C ! C'est à peu près comme comparer un caleçon long et des chaussettes de foot, ça tient pareillement chaud aux mollets mais ça ne s'adresse pas du tout aux mêmes personnes ! ;-)
pour tes autres lectures, je connais bcp moins, en tout cas, tu as de la chance de pouvoir lire autant (même s'il te semble difficile de terminer certains ouvrages ;-)
allez, bonne journée sur les bords gonflés de l'Azergues ;-)
wic
Heureuse de voir que quelqu'un adore ce fameux commissaire et sait tout des raffinements de la cuisine italienne. Je compare avec A.C du fait que beaucoup me l'ont suggéré, ne prêchant que pour cet auteur, parce qu'on en fait lire des livres au collège, ce qui n'est pas le cas d'Exbrayat. D'accord pour cette analyse percutante avec ce qui tient chaud aux mollets. Je ne sais pas si j'ai de la chance de lire autant. La lecture a toujours été pour moi essentielle, permet de s'évader, de fuir, se ressourcer, réfléchir, apprendre, combler l'ennui, la solitude...si je n'ai pas un livre avec moi, quelle que soit la circonstance, je me sens entre démunie, comme nue!
· Il y a presque 11 ans ·Bonne journée à toi aussi!
divina-bonitas
Quelle bibliothèque à côté de ton lit!!!je ne connais pas la moitié des livres que tu as cité...mais jolie chronique!!!!!!
· Il y a presque 11 ans ·Sweety
Alors essaye vraiment de lire "Une bonne épouse indienne", c'est génial. Je suis certaine que toi qui est une vraie amoureuse, tu vas adorer.
· Il y a presque 11 ans ·divina-bonitas
je vais me le procurer rapidement!!!
· Il y a presque 11 ans ·Sweety