Un adorable et viril virus

Des années d'observation m'ont permis d'arriver à cette conclusion: les hommes, aussi beaux, magnifiques, grands, intelligents soient-ils, sont touchés par un virus inédit et fort handicapant, lequel devrait derechef plonger les scientifiques du monde entier dans des recherches approfondies. Quelque soit l'âge, le milieu et les capacités époustouflantes dont ils sont capables d'ordinaire, voilà que nos chéris sont atteints de mouvements invisibles d'évitement dès qu'il s'agit d'essuyer ou d'aspirer une miette tombée sur une surface plane: sol, plan de travail, table de cuisine...Et il s'agit bien d'un virus, car leur bonne volonté est évidente. Ils ont l'éponge, le balai ou l'aspirateur en main et s'affairent avec conviction, parfois les dents serrées, soucieux d'accomplir cette mission domestique avec la plus grande célérité, passant et repassant avec une honorable concentration...autour des miettes. Comme si leur volonté et leurs réflexes neuro-musculaires étaient mis en déroute par ce minuscule morceau de pain, ce grain de riz ou ce corn-flake. La tâche achevée, l'éponge jetée dans l'évier ou l'aspirateur dûment rangé, ils admirent leur œuvre, poings sur les hanches et regard fier. Et là, patatras! Si leur vision est optimale, leur visage se fige, leur consternation apparait. Ils se grattent la tête avec une perplexité touchante. Dans l'hypothèse où ils ont oublié leurs lunettes, ils s'en vont satisfaits, avant d'entendre de la bouche féminine en présence, femme, fille ou sœur arborant un regard furibond et sceptique, un cri strident: "Oh! Mais c'est pas possible! Tu as vraiment nettoyé? Regarde, il y a encore des miettes partout! Il faut recommencer!" Là, l'homme penaud, examine l'embout de l'aspirateur, la brosse du balai ou les faces de l'éponge, pour vérifier si la chose n'aurait pas de trous qui laisserait passer les miettes! Pour nos hommes, c'est la seule explication plausible.  

N'est-ce pas une pathologie troublante et adorable?