Un vol de baisers

 Près de toi je marche dans ce parc où nos pas s'allongent en cadence. Par dessus les herbes folles nos pieds foulent des mottes de terre boueuses qui viennent mouler nos semelles.

C'est une belle journée d'automne. L'air frais et vif nous stimule et aiguise notre plaisir de marcher.

Ta main parfois frôle la mienne, au goulet d'un passage étroit et c'est comme si je recevais une décharge électrique. Je meurs d'envie de la saisir tendrement, de l'ouvrir comme on ouvre une menotte d'enfant et y déposer un très doux petit bisou...

Mais je n'ose pas... Comment le pourrais je? Tu m'ignores, tu sembles à peine conscient de ma présence. Je me surprends à jouer ainsi les indifférentes alors que je déteste cela, moi qui suis si spontanée. J'aurais tellement  envie de te freiner dans ton élan en te faisant barrage de mon corps. De saisir les pans de ta veste, me hisser jusqu'à tes lèvres pour te picorer de petits baisers brûlants comme ma fièvre de toi.

Mais je n'ose pas... Si tu me repoussais, quelle humiliation !

Alors je trottine et laisse vagabonder mes pensées câlines. Je contrôle mes mains en les enfouissant profondément dans mes poches, à l'abri de toutes intentions impulsives.

Mais... je lâche la bride à mes désirs de baisers volés, voir même de baisers pillés... Je souris à cette idée . Imaginant ton visage serré entre mes mains et mes lèvres bombardant tes joues, ton nez, tes yeux, ta bouche de bisous sonores!

Ah! Si seulement tu posais un regard sur moi...Tu verrais mon trouble et cette expression qu'ont les voleurs s'apprêtant à faire un mauvais coup... Vol à l'étalage de ton sourire, exacerbant mes soupirs.

Plus j'avance sur le chemin près de toi, plus mes pensées se déroulent en rubans amoureux . Ils dansent autour de toi en susurrant des mots doux que tu ne perçois pas...

Parfois tu passes devant moi, mes yeux se posent sur ton dos, j'ai envie d'accélérer le pas pour venir t'enlacer au lasso de mes bras, te plaquer contre moi et coller mes lèvres dans ton cou...

Mais je n'ose pas...Et rien dans ton attitude ne laisse supposer que tu le souhaiterais... Je garde donc les lèvres scellées sur mes plans de baisers volés.