Une histoire de tripes
evonlise
Cela faisait maintenant 29 nuits qu'elle dormait avec une poêle. En tout et pour tout, elle avait possédé trois poêles à elle dans sa vie. Jusqu'à se mettre dormir avec l'une d'entre elles. Elle lui avait même donné un nom : Emm. E.M.M. Il y avait deux fois "aiMe".
L'élan lui était venu un soir de séparation. Elle avait émincé des oignons, versé de l'huile, jeter lesdits oignons dans la poêle. Au moins, elle avait des raisons valables de pleurer. Au moment du coucher, elle avait souhaité faire pareil avec ses sentiments. Les faire suer, fondre, réduire, brûler. Jeter ses tripes au feu.
Elle avait 32 ans. Le souvenir des délicieuses pommes de terre rôties cuisinées par sa maman quand elle était enfant, celui aussi de délicieuses histoires d'amour devenues, à force de cuisson, amères.
Se souviendrait-elle, avec nostalgie, tendresse, d'avoir passé une période de sa vie à dormir avec une poêle ? Comme si d'une enfant il s'agissait, elle prenait soin chaque soir d'aller la coucher avant elle.
Elle la faisait chauffer sur le bouton 3 de la plaque, pendant sept minutes, l'attrapait par la manche et main dans la main, l'emmenait de la cuisine jusqu'à la couche. Des fois, il restait un peu d'huile - il restait toujours un petit quelque chose, dans le fond des poêles, dans le fond des coeurs - qu'elle essuyait d'un coup de pouce humecté. On n'allait pas au lit sans être débarbouillé !
Elle installait la poêle du côté gauche du lit, promenant sa chaleur sur les draps. Et puis, elle lui lisait des histoires. La logique aurait voulu qu'elle lui lise des recettes. Il n'y avait aucune logique à tout cela. Alors elle lui lisait du Proust, du Kundera, auquel le Teflon ne résistait pas. Quand elle la sentait froide, elle savait que la poêle dormait. Seulement plus tard, elle la rejoindrait. Dedans, elle lui vomirait sa rage, ses incompréhensions, son rapport au père, au sexe, à l'amour et à toutes ses fictions. Le ventre et la tête vide, elle s'endormirait. Joue contre la poêle, dure et froide, elle s'apaisait.
très chouette ! et bien écrit !!!
· Il y a 11 mois ·Gabriel Meunier
Superbe !
· Il y a environ 4 ans ·guegueette
Merci ;)
· Il y a plus de 3 ans ·evonlise
J'ai beaucoup aimé: un texte qui a l'air au départ complètement fou mais qui dit beaucoup de choses sur les sentiments.
· Il y a plus de 6 ans ·arzel
Il est aux oignons ce texte. Comment etais-je passé à côté ?
· Il y a plus de 6 ans ·petisaintleu
On est tous occupés à nos omelettes ;) Merci du commentaire
· Il y a plus de 6 ans ·evonlise
J'adore !!!
· Il y a plus de 6 ans ·Nikita Jones
Un plaisir de trouver des textes émouvants aux senteurs surréalistes. Bravo !
· Il y a plus de 6 ans ·Thibaut Kuttler
Et c'est avec plaisir que je reçois ce commentaire. Un commentaire-qui-compte. Merci !
· Il y a plus de 6 ans ·evonlise
excellent
· Il y a presque 7 ans ·Carole Menahem Lilin
;)
· Il y a plus de 6 ans ·evonlise
Très joli texte
· Il y a presque 7 ans ·Boiserad
Très grand merci
· Il y a plus de 6 ans ·evonlise
Superbe texte, transposition réussie !
· Il y a presque 7 ans ·nyckie-alause
Merci de ce commentaire. Transposition de quoi ?
· Il y a presque 7 ans ·evonlise
de "l'objet amoureux"…
· Il y a presque 7 ans ·nyckie-alause
Original ce texte !
· Il y a environ 7 ans ·Agnès Du Prez
Belle maitrise de la langue. Chouette parabole sur le chagrin, le manque à combler, la bascule vers la folie. Deux trois manques à la ponctuation sur le début. Merci beaucoup. GB.
· Il y a environ 7 ans ·Giorgio Buitoni
Agréable et surprenante écriture.
· Il y a plus de 7 ans ·Bravo.
le-droit-dhauteur
Agréable et surprenant commentaire.
· Il y a plus de 7 ans ·Merci.
evonlise