Une plage trop étroite.

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On s’connait depuis quand, dis-moi ?

J’sais pas, j’dirais 42, 44 ans.

P’tain çà commence à faire un bail !

Ouais mon vieux poteau…

Y’aura eu quelques hauts et bas.

Un peu. Mais c’est la vie çà, nan ?

Ouais, çà n’a jamais duré…Aïe !

T’as mal là ?

Avec ce qu’ils me donnent, pas trop…

Cà m’a fait marrer la phrase du toubib hier, pas toi ?

Pas vraiment non …

« Une plage très étroite de guérison. »

La rhétorique de l’homme de l’art !

C’est plus étroite qu’elle est,

C’est inexistante mon gars…

Dis pas çà s’il te plait, 

Tu sais qu’on peut encore se battre.

Se battre !

J’en ai plus très envie…

J’suis usé, tu vois, usé…

Je sais.

Ai-je eu une belle vie ?

Pourquoi t’utilise le passé ?

Parce que je suis en train de m’enfuir !

D’écrire doucement

Le mot fin sur l’écran.

J’ai pas peur de souffrir,

De mourir,

J’ai juste pas envie

De quitter cette vie !

De plus voir à la nuit

Toute juste tombée

Vénus s’éclairer

Comme une petite bougie.

De sentir la douceur

D’une peau au matin

De caresser ses seins

Tant chargés de bonheur…

Et la si fine buée,

De nos verres de rosé

Sur la terrasse l’été

A la maison du temps passé…

Arrête…

Toi arrêtes, arrête de te faire croire

Qu’il y a de l’espoir !

Y’en a encore,

Un feu ne peut pas être éteint

Tant que le vent souffle fort .

Putain !

Bat-toi ! Fais-le pour moi !

Je suis si las,

Trop las...

Tu sais à l’église, quand ce sera le moment

Faudra pas trop laisser parler l’homme en blanc.

C’est Dieu à chaque fois qu’ils enterrent

Pas le gars dans la boite posée sur le parterre.

Alors que diras-tu mon frère,

Mon épaule, mon ami de toujours.

Que diras-tu en ce jour ?

Je dirais

Oui ?

Que je t’aimais…

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