Avec ou sans?

Hum… jouir sans entraves…

Et si pour jouir sans entraves, il m'en fallait, des entraves, justement?

Et je ne parle pas que de sexe…

Dans mon travail, ce qui m'excite, ce sont les clients mécontents. Ceux qui mettent une barrière quasi-infranchissable entre eux et le reste du monde, persuadés qu'ils sont d'être des personnes hors du commun, et que nous, pauvres serviteurs accomplis, ne sommes là que pour les satisfaire… S'ils savaient, les pauvres, à quel point je les aime… J'aime les entendre me commander. J'aime les écouter me rabaisser. Je suis comme une chose innocente entre leurs mains coupables. Plus ils sont odieux, plus leur comportement me transporte.

Réaliser le moindre de leurs désirs. De façon si admirable qu'ils n'ont qu'une solution. Me remercier. Me féliciter.

Les plus retors sont les meilleurs. Ceux qui ne veulent pas reconnaître que je suis bonne. Ceux qui dans le moindre détour d'une action trouvent le détail qui tue. La virgule qui n'est pas à sa place et m'oblige à redoubler de vigilance pour, cette fois, arriver à la perfection.

Et je jouis dans mon âme, quand, las de commander et d'ordonner, c'est à moi qu'ils se soumettent. Et qu'ils cessent aussitôt de m'intéresser.

Dans ma vie privée c'est pareil.

Séduire ce qui est impossible à séduire.

Une hétéro coincée qui ne comprend pas ce qui lui arrive quand subrepticement je frôle sa fesse du bout des doigts. Qui s'étonne quand je lui dis qu'elle sent bon, d'un air innocent… et qui se dit "Seigneur, c'est une lesbienne?", vaguement émoustillée. Sauf que non, je ne suis pas lesbienne. J'aime seulement l'idée que je pourrais en être une. Et plus cette femme résiste, plus je m'excite. Petite coriace… tu me plais.

Mes compliments te parlent, je le vois dans tes yeux…

"Votre mari a de la chance d'avoir une femme telle que vous… le sait-il au moins?"

Tu parles. Un compliment par mois, à tout casser. Et encore, quand tu sors de chez le coiffeur… Gagné d'avance ma jolie.

"Vous devriez porter du bleu. Ça mettrait votre regard en valeur."

Quand tu débarques dans mon bureau la semaine suivante, tout de bleu vêtue, je jouis, je sais que j'ai gagné. Et toi tu as perdu… ma douce.

Les "mignons", comme je les appelle. Quinze ans plus jeunes que moi, voire vingt. Tout frais. Les hormones en ébullition. Ça croit tout savoir du sexe parce que ça a joué au docteur deux fois à l'arrière de sa Clio. Rajoute un T chéri, et tu auras ton doctorat.

Petite canaille, je t'aurai.

Je te parle comme si tu étais le messie, je bois chacune de tes paroles. Tu es exceptionnel. Personne ne t'écoute, personne ne t'entend comme moi. Même tes descriptions de parties de jeux vidéo en ligne deviennent pour moi un livre de Zola. Tu t'étonnes tout d'abord. "Une vieille qui m'écoute? Étrange…" tu apprécies, ensuite, "elle est cool, genre…". Et quand je te demande comment s'appelle ta copine, moi je jubile, toi tu te renfrognes. Parce que c'est clair, soit tu en as une et tu galères, elles sont si complexes les filles à cet âge, soit, et c'est encore plus simple, tu n'en as pas. Point.

Je croise les jambes, ton regard tombe sur la bande de dentelle de mes bas noirs. Tu hausses un sourcil. Je passe ma langue sur mes lèvres, doucement, lentement, tu la vois passer, obligé. Je te mange des yeux et je vois que toi, tu rêves que je te mange. Tout court.

Et quand tu t'approches, je recule. J'ai joui, c'est fini.

Les hommes mariés ne m'intéressent pas. J'aime les entraves qu'on peut forcer pas les chaînes qu'on ne peut rompre.

Les hommes volages sont agréables en revanche. Ceux qui butinent de fleurs en fleurs… des fleurs sans éclat qui se laissent cueillir.

Moi je suis une rose, jolie et douce, je semble couverte de rosée, prête à être aspirée. Sauf que le mâle qui croit pouvoir couper ma tige découvre trop tard les épines acérés qui y sont fermement ancrées. Aïe, tu saignes, mon cœur. Je ne suis la femme que d'un seul homme et je ne partage pas. Je suis si fragile, mes pétales ne souhaitent que tes soins. Tu es le jardinier que j'attendais. Très vite, tu ne vois plus les autres fleurs du jardin, je suis ta préférée. Ferré. Je jouis, encore. Trop tard Nicolas, retourne à tes mauvaises herbes…

Dans ma vie sexuelle, dois-je le préciser, il en va de même. J'aime être entravée. Attachée, liée, ligotée. De la menotte à la corde serrée, en passant par l'élastique qui pique. Douce torture que d'être à ta merci. Quand les mains dans le dos comme une pénitente je salive de plaisir devant ton sucre d'orge. Gourmande.

Quand la cordelette, glissante, frôle mon bouton de rose. Excitée.

Quand, privée de liberté, je suis soumise à ta volonté. À tes fantasmes. Car, ainsi livrée, je peux me donner entièrement. Le pervers, c'est toi. Je ne suis que ta victime, à peine consentante. Je peux jouir de ton regard dominateur, de tes ordres impudiques, de tes doigts impérieux.

Tu me prends si tu veux, quand tu veux, comme tu veux. Je ne peux te repousser. Tu forces ma bouche, tu pénètres ma chair, tu glisses dans des endroits qui ne sont pas prévus pour ça. J'affectionne le sentiment que tu me manipules comme une poupée, que tu me positionnes comme une catin, que tout mon corps n'a pour seul but que ton plaisir. Je suis soumise à tes caprices et je ne souhaite qu'une chose. Que tu jouisses sans entraves. En moi, sur moi, pour moi. Parce que je t'aime. Et ça, c'est une entrave. Une entrave sur mon cœur, serrée.

La plus forte.

Celle qui me permet de jouir sans entraves.