Bisons noirs, vigilance orange

Mathieu Jaegert

Alors que les aoûtiens barbotent dans les eaux plus ou moins rafraîchissantes qui leur tombent sous le pied, ou sirotent quelques breuvages de saison, les présentateurs des journaux radotent. On sait que le Monde ne tourne pas rond, mais en cette mi-août, il semble une fois de plus ne plus tourner du tout. Cela donne lieu à du réchauffé à l’absurdité glaçante car enrobé dans une mise en scène emphatique de la plupart des présentateurs. Ce sont les habituels coiffeurs. Vous savez, ceux qui cirent le banc des remplaçants à longueur d’année ou servent à dépoussiérer les coulisses des plateaux télé ou leurs archives encombrées. Ils cherchent la polémique là où elle n’a pas lieu d’exister et s’extasient devant l’étalement de la bêtise humaine, persuadés peut-être de jouer leur tête bien coiffée sur quelques performances analysées du bord d’une piscine lambda par un rédacteur en chef et en congés.

Cependant, réjouissez-vous, fidèles téléspectateurs de ces rendez-vous quotidiens, une actualité brûlante mijote en cuisine, sur le feu, prête à occuper l’espace et les conversations. Certains d’entre vous en auront des sueurs.

Mais si cette information ne se profilait pas, appelant une réaction immédiate de ma part quitte à la bâcler, je vous aurais glissé trois lignes sur un autre exemple de mondialisation de la connerie galopante. Ainsi, j’aurais pu vous raconter que la recherche française progresse dans certains domaines. Bientôt, des missiles longue portée seront capables d’atteindre à vitesse hypersonique, c’est-à-dire super-supersonique des cibles « hyper » éloignée.

Peut-être pense-t-on qu’en propulsant la connerie à cette vitesse, elle passera inaperçue et fera moins de bruit ?

Et, non, nous, gentils français, nous n’aurons pas l’usage de cette technologie. Elle viendra simplement compléter notre arsenal vaguement dissuasif. Mais eux, les dirigeants des pays moins gentils, auront tôt fait de se la procurer. Et n’hésiteront pas à brandir la menace.

Bref, revenons à nos fourneaux. Les spécialistes se sont mis d’accord. D’ailleurs, depuis la dernière fois, les définitions ont évolué et sont désormais calées. Enfin on nous fait croire qu’elles le sont. A un ou quatre détails près. Les modèles convergent, les conditions sont réunies, la probabilité s’accentue de jour en jour. Peu de français y échapperont, nonobstant, comme dirait une certaine Evelyne D. sur une chaîne en perte de vitesse (point de vue audience et non pas vitesse d’étalage de la connerie télévisuelle), la fiabilité limitée en fin d’échéance.

Un épisode de canicule va débouler sur la France. La chaleur stagnant sur la péninsule ibérique va franchir les frontières, poussée par le vent du sud complice et quelques sportifs espagnols sur vitaminés depuis leur participation aux Joutes Olympiques.

Cependant, la notion de canicule a très précisément été encadrée. En gros, on ne peut parler de canicule en dessous de trois jours de grosses chaleurs. Mais cela se complique. Et c’est là que ça devient drôle. La définition évolue d’un département à l’autre. Les seuils de températures nocturnes et diurnes diffèrent en fonction d’où vous vous trouvez dans le pays. Si par le plus grand des hasards, le thermomètre affiche 15 degrés à Nîmes ou Toulon en fin de nuit mais que les Celsius s’affolent en journée, vous échappez à la canicule.

Evidemment, ce temps de chien – c’est l’étymologie -  n’est pas ressenti de la même manière par chacun d’entre nous. Il va de soi que le touriste normand ou parisien (au hasard) encaissera beaucoup plus difficilement le choc s’il se pointe dans les régions anisées ou continentales au moment où les ardeurs du ciel nous tomberont sur la tête accompagnées de la cabane dudit chien.

Les conversations de ce type pourraient être plus drôles :

« Dis tu es placé en vigilance canicule toi ? »

« Non, non, moi j’ai l’habitude, je suis originaire d’Avignon. »…

« Ah ! Moi non plus, je ne suis pas en vigilance même si je suis belge »

« Ah bon ? Avec cette chaleur ? »

« Bah oui, je vais passer deux jours à Cherbourg avant de revenir dans cette fournaise ! »

« D’accord je vois, tu risques rien ! »

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