Charabia des communicants

Une personne rencontrée me parle de son métier de coach en entreprise, me dit qu'elle peine à décrocher des contrats, m'envoie sa plaquette, dûment estampillée par un réseau national. Je regarde leur site. L'ancienne responsable marketing et communication que je suis se désespère: le site est insipide, le langage abscons, les couleurs bof, la typo dépassée, les propositions narcissiques.

Je lis ébahie, surprise, avec l'envie de rire, qu'elle est censée développer une posture de coach, faire de l'anthropologie managériale, propose aux entreprises de dépasser la complexité...de quoi grand Dieu?

C'est quoi une posture de coach? J'imagine la dame se promener avec une pancarte sur le ventre ou un succédané de pschent sur la tête, à tort évidemment.

Quid de l'anthropologie managériale? Dans ma tête je visualise instinctivement des crânes, des australopithèques, des hommes des cavernes armés de gourdins et vêtus de peaux de bête, je vois des grottes, pense à mes étés de fouilles archéo en Ardèche en plein moustérien, au squelette de hyène soigneusement nettoyé au pinceau, mais rien ne me vient relativement à l'anthropologie managériale!

Et elle se demande pourquoi ses tentatives de décrocher des contrats de coaching restent vaines. Si on ajoute en plus les compétences en auto-louange et constellations systémiques...que dire?

J'entends par ailleurs de plus en plus sur les ondes, des gens très dynamiques parler de l'ADN de leur boite, de leur marque...de plus en plus de mots ampoulés, des gens qui ont la bouche pleine de tout un charabia américano-branché bourré de formulations vides de sens, complexifiées à loisir, n'ayant pour seul conséquence de laisser le récepteur perplexe, confus, embrouillé, empégué. J'imagine qu'ainsi ces gens pensent démontrer un savoir, une compétence ou une intelligence particulière, impressionner la galerie, paraitre "in", dans le "mouv", à la pointe de la communication.

J'imagine aussi que ça peut peut-être fonctionner dans un microcosme pseudo-élitiste où chacun se félicite d'enchérir en sortant de sa bouche, fier comme un paon, le dernier vocable à la mode, mais dans la vraie vie, comme le disait Boileau, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément.

Il avait bien raison. Une bonne communication demande de prime abord d'être claire pour le récepteur ce qui implique également un raisonnement limpide chez l'émetteur. 

Le comble est que tous ces communicants se targuent d'avoir fait des formations en analyse transactionnelle, programmation neurolinguistique et communication non violente...mouais mouais...

Bon, Mesdames, Messieurs les communicants, il faut redescendre sur terre! Un client qui ne comprend pas votre offre et votre discours ne vous donnera pas un centime. Mettez-vous à sa place. Quand vous allez acheter un chou romanesco au marché, le maraîcher ne vous propose pas un légumineux de l'espèce des crucifères, doté de vertus jungiennes, présentant une forme fractale, ayant poussé dans un substrat argilo-calcaire. Il pourrait le faire, mais comme il a envie de manger à la fin du mois, il se contente de vous vendre un chou vert bien joli voire de vous suggérer quelques façons de le faire cuire.