Crevards.

En ce moment, je ressemble à un dromadaire vertical, ou encore, à une généreuse madeleine si on me coupe les bras et les jambes, bref, vous l'aurez deviné ou pas, mais pour faire court et pragmatique, j'attends un heureux événement. Heureux, je parierais pas dessus pour le moment, j'ai plutôt l'impression d'être un accordéon sur-gonflé, essoufflé de fausses notes, à peine rescapé des aversions alimentaires et des nausées de marins d'eau douce.

Bref, je ne casserais pas le mythe de la grossesse, d'autres l'ont fait avant moi et sûrement mieux que moi.

Cependant, faut que je vous dise...

L'autre jour, je baladais bébé et moi, sur la place de mon quartier, elle, bercée dans sa piscine privée et moi dans mes habits déformés. Une place où d'ailleurs, fructifient le commerce et ces mêmes gueules qui squattent, sur les bancs, adossés aux murs, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, ils sont là, comme des statues faisant honneur aux morts pour la France, ils regardent le temps passer et les autres courir après.

Me voilà, traversant nonchalamment la place, les quatre cabas remplis d'aliments anti-reproches du gynéco, à bout de bras, la figure pourpre, les mains moites, le souffle court et la grâce d'un pachyderme.

Il se passe tout un tas de choses étranges dans le corps d'une femme et ce, toute sa vie. Et la grossesse en modifie une, fondamentalement, enfin c'est ce que je croyais...

Avant, toute femme est plus ou moins considérée par les hommes comme proie potentielle sur le marché de la séduction. Il est classique de se faire aborder, siffler, draguer dans la rue, au supermarché, à la banque, partout quoi. Et que tu répondes ou non, tu seras une salope.  C'est comme une loi de Murphy.

Curieusement, l'état de grossesse, inverse les choses. Ce sont les femmes qui te dévisage, te jauge, bienveillantes ou moralisatrices. Et chacune s'y met, ce sera une fille, garçon, jumeaux, handicapé, autiste, le tire-lait c'est mieux, l'haptonomie aussi (haptono quoi??).

Et logiquement, tu te dis que les hommes, eux, te voit dorénavant comme une future maman bienveillante, qui  leur rappellera la leur, tellement chérie et que forcément, tu sors du marché impitoyable du bétail à bitch, que dans la rue et au supermarché, tu deviens transparente à leurs yeux. # dansedelajoie

FAUX, ma fille, quand tu liras ce texte dans quelques années, tu comprendras.

Revenons à mon quartier et à mes légumes. Alors donc que je traversais cette place, insouciante et incorrigiblement naïve, un mec  m'interpelle, lunette de soleil pour temps gris, blouson imitation cuir et mèche gominée.

« Hééé ! Mamzelle, arrêtes- toi steuplait, t'es bonne ! »

Là je me fige, comme un éléphant pris au piège dans un marécage. Je me retourne quand même... ce délicat compliment ne peut m'être destiné! Mais il n'y a personne. Je croise de nouveau le regard du mec qui dévisage mes courbes comme si elles étaient à vendre.

Je marmonne, tête baissée,  en passant la seconde, « Putain mais je le crois pas ! » Et je trace le plus vite possible c'est à dire à 1km/hr.

Depuis, les hormones à bloc, après avoir fait part à tout mon entourage, outrée, qu'un mec avait osé siffler une femme enceinte, on me répond calmement que oui, dans la tête de certains mecs, une femme enceinte est un fantasme à partir du moment où il considère qu'elle a couché.

Alors ma fille, note pour plus tard.

Tous des Crevards."

~{Sauf Papa}~