Curieuse rencontre

Amaury Blanc

Curieuse rencontre

Aujourd'hui, 21h34, affalé sur le canapé, je me remémore une histoire assez troublante qui m'est arrivé dans les années 60. Quoi ? Vous voulez en savoir un peu plus sur cette étrange histoire ?

Tout a commencé le samedi 11août 1962. Mes parents firent l'acquisition d'une maison secondaire au port Haliguen, un joli port breton situé au sud-est de Quiberon. En ce temps là, j'avais dix-sept ans et j'étais heureux d'avoir une habitation au bord de la mer que j'allais enfin connaître.

La première nuit s'était bien passée. J'ai déjeuné puis ensuite je suis allé sur la plage la plus proche. C'était très pittoresque. J'avais déjà vu cet endroit dans un des albums photos de mes parents. Mais là, c'était différent. L'odeur de la mer, le claquement des vagues qui s'emportent puis s'écroulent au bord de la plage. C'était tout simplement magnifique et cette fois ci vraiment réel.

Je posai ma serviette de plage et allai me tremper les pieds dans l'eau qui était un peu froide. Je me suis mouillé jusqu'aux genoux mais pas plus. Ensuite, comme toute personne venant de se baigner, je me suis allongé sur ma serviette. Je regardais ou plutôt je contemplais les personnes qui étaient autour de moi. La plupart des gens était en famille, sauf une vieille dame aux cheveux blancs qui était toute seule à quelques mètres de moi. Elle devait être juste de passage car sa peau était bien pâle. Le temps passe, il reste peu de monde sur la plage : la vieille dame et moi et au loin, deux autres personnes qui partaient. Il devait être l'heure de rentrer. Je regardai ma montre et effectivement il était déjà 19h 07. Alors je repris le chemin qui longe la plage jusqu'au port Haliguen, là où j'étais fier d'habiter.

Mon père était entrain de ranger la maison. Il s'occupait de la décoration intérieure pendant que ma mère préparait le repas du soir.

" Ce soir, nous mangeons des crêpes !" Dit ma mère.

" Formidable. Il y a de la confiture ?" Demandai-je.

" Oui, il y a tout ce qu'il faut."

J'adorais ça. D'ailleurs ce soir-là, elles étaient comme d'habitude: Savoureuses !

Après avoir mangé ces crêpes avec délectation, j'allai me coucher dans ma nouvelle chambre pour la deuxième nuit tout en admirant par la fenêtre les premières étoiles qui faisaient leur apparition. Je repris ma lecture, " La folle" de Maupassant, une histoire troublante. Puis j'ai fini par m'endormir. Il était 22h45.

Le lendemain j'ai pris mon petit déjeuner et allai à la même plage. La dame était toujours là. A croire qu'elle n'avait pas bougé depuis hier : même serviette, même posture, même endroit. Et toujours aussi pâle. C'était assez amusant.

Je trifouillais dans ma poche quand je sentis entre mes doigts des petites pièces que je m'empressai de compter. J'avais suffisamment pour m'acheter une glace à l'italienne. Etant gourmand, je n'ai pas hésité une seule seconde et partis vers le vendeur. Cette glace à la fraise était meilleure que je l'avais imaginée.

Puis je revins sur la plage à l'endroit où je m'étais installé pour prendre mes affaires et rentrer à la maison. Hé, oui, le temps passait vite. Il était déjà l'heure d'aller déjeuner.

Quand je rentrai à la maison, ma mère avait retrouvé dans un carton l'album photos de mes parents quand ils étaient venus à Quiberon. Elle me montra les photos et me dit avec affection :" Tu as vu, ça n'a pas bougé depuis quinze ans !" Elle avait raison. A quelques détails près, rien n'avait changé. Mais ce qui m'a le plus choqué c'est que cette vieille femme aux cheveux blancs était là ! Au même endroit et toujours aussi pâle. A ce moment là, des frissons me traversèrent des pieds à la tête. J'avais peur.

J'ai tout raconté à mes parents.  Mais ils semblaient n'avoir aucune crainte. Ils trouvaient cela un peu loufoque, mais sans plus. Ils pensaient peut-être à une simple coïncidence. Enfin, bon, peu importe ce que pensaient mes parents sur cette femme. Moi, en tout cas, j'allais tout faire pour en savoir un peu plus. Après cette courte discussion avec mes parents, j'allai me réfugier dans ma chambre pour réfléchir jusqu'au moment où une idée m'est venue.

En effet, si j'allais sur la plage où se trouve la dame et que je reste jusqu'à ce qu'elle parte, je pourrais la suivre pour en savoir d'avantage.

C'était drôle. J'avais l'impression d'élaborer une technique pour m'approcher d'une fille dont j'étais complètement tombé amoureux. Bien sûr, ce n'était qu'une impression! J'expliquai à mes parents que je rentrerais un peu plus tard ce soir. Ils étaient d'accord.

Je pris ma serviette et retournai à cette fameuse plage. Et devinez quoi? Elle était toujours là. Omniprésente !

Je me suis installé pas très loin d'elle. Elle avait une montre qui lui servait de minuteur. Elle l'utilisait pour son bronzage sans doute car elle changeait de position toute les dix minutes. Bref, je n'allais pas la fixer toute la journée c'est pourquoi je suis allé me baigner. Il faisait très chaud et ce bain m'avait fait du bien. En plus j'avais trouvé une fille qui souhaitait jouer à la raquette avec moi. Elle avait l'air gentil. Le temps passait vite, trop vite. La plage se vidait petit à petit et la fille devait rentrer chez elle avec ses parents. J'ai donc attendu seul, le reste du temps. Les heures passaient. Il était 21heures. Je commençais à trouver cette dame étrange. Elle ne bougeait plus. Il n'y avait plus de soleil, plus personne. Elle me regarda à plusieurs reprises avec des yeux dont la pupille, immense, semblait scruter l'infini. Le fameux frisson revint et perturba mon esprit. Elle se leva, rassembla ses affaires et emprunta un chemin; le chemin que j'avais pris pour venir jusqu'ici.

Après dix minutes de marche, elle entra dans une propriété, une maison lugubre aux fenêtres à moitié cassées et aux murs fissurés. C'était effrayant.

Vous avez sûrement déjà vu des films d'horreur avec des maisons hantés? Hé bien, croyez moi, où j'étais ce soir là, on aurait pu y tourner un film. La vieille dame entra par la porte principale puis la referma derrière elle. A ce moment précis, je ne sus que faire. S'approcher des vitres pour regarder à l'intérieur me semblait trop dangereux. A vrai dire je n'étais pas rassuré pour faire un tel geste. J'ai donc repris le chemin pour rentrer chez moi.

Mes parents étaient affalés sur le canapé, exactement comme moi à présent. Ils m'avaient préparé un sandwich au jambon beurre. A peine avalé, j'ai rejoint mon lit. Cette journée m'avait vraiment fatigué. Il était temps de se reposer.

Le lendemain matin.

" Amaury, tu peux aller chercher du pain à la boulangerie ?" Demanda mon père.

" Oui, laquelle ?"

" Celle qui se trouve à côté de l'agence immobilière, tu sais, en face de la mairie."

Celle qui se trouve à côté de l'agence immobilière…mais en voilà une bonne idée !

Je franchis rapidement la porte d'entrée, pris ma bicyclette et pédalai jusqu'à la boulangerie. J'ai acheté deux baguettes bien fraîches puis je me suis arrêté à l'agence.

" Bonjour Madame, j'aurais besoin d'un renseignement. Vous voyez la vieille maison située pas très loin du marché ? Une maison en mauvais état, aux fenêtres cassées…"

"Ah, oui, la maison abandonnée." Dit la secrétaire.

" Abandonnée ? Heu…je crois que vous faites erreur."

" Vous parlez bien de cette maison d'aspect lugubre, aux grandes fenêtres délabrées ?"

" Oui, tout à fait. Vous êtes sûre qu'elle est abandonnée ?"

" Certainement. La dernière fois que cette maison était encore en état, c'était quand Madame Gisèle y habitait, cela fait donc trente ans, qu'elle est abandonnée."

" 30 ans ? Ah, quand même… Merci d'avoir répondu à mes questions. Mon père m'attend. Encore merci et au revoir !"

" A bientôt" Répondit-elle.

Ce qu'elle ignorait, c'est qu'une femme avait fait de cette maison, la sienne ! Mais je ne voulais pas en parler. Cela aurait pu créer des histoires et mon père m'attendait pour déjeuner.

Après le repas, comme chaque matin, je suis allé à la plage.

La vieille dame n'y était pas. Peut-être arriverait-elle un peu plus tard. Il n'était que 9h40.

J'étendis ma serviette sur le sable et m'installai lorsque j'aperçus soudain une petite chose briller au premier rayon de soleil. Je n'arrivais pas à distinguer ce que c'était. Tout ce que je voyais était une chose qui scintillait à l'endroit où était d'habitude la vieille dame.

Intrigué, je me suis approché. C'était une gourmette. La prenant entre mes doigts, j'ai pu lire ce qui était gravé dessus : GISELE.

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