Décollage pour Antarès

fuko-san

Décollage pour Antarès

 

Sur l’horizon, le soleil s’enfonçait de rouge rosé et d’or enlacés. Sans rien pour les départager. Fasciné, je regardais fondre le jour dans une mer de verts, de pins et de chênes. Partout, autour. Sortir l’appareil pour photographier le moment. Prendre un pinceau pour immortaliser l’instant. Elle venait de claquer la porte. Ou était-ce seulement le vent ? Je ne me suis pas retourné. Bon vent ! Elle était partie. Le calme était revenu. Plus de cris, plus de fureur. Juste un goût de bonheur. Acidulé, à savourer. J’ai inspiré. Puis expiré, longuement.

 

J’aurais bien allumé une cigarette mais je ne fumais plus depuis longtemps. Je laissais monter en moi les effluves du jasmin. Il poussait, invisible, en contrebas de la terrasse,  lisse et longue piste de décollage. Construite de mes mains, en bois marin, elle était orientée Sud-Ouest pour la vue. Au Sud, avec le soleil au mitan, on n’y voyait rien. Les yeux clignotaient vers le village et la maison du voisin avait grandi trop vite. A l’Ouest, la soirée à perte de vue promettait des lendemains qui chantent. Le soleil rasant, délicieusement réconfortant, projetait une ombre rassurante. Sur le ponton, la situation était sous contrôle. Tout restait possible mais rien de mal jamais n’arriverait.


Je m’assis à même le sol, les pieds nus sur le bois chaud. La journée était terminée. Le silence installé, les cigales reprenaient de concert. Plus rien ne pouvait m’énerver. Je pouvais respirer. La liberté avait un nom. Je voguais vers d’infinis océans. Si je m’étais penché au bastingage, j’aurais vu la voiture s’éloigner, à flanc de colline, dans un nuage collant. Trop tard ! Un point à l’horizon disparut. Tant mieux. La lune déjà se dessinait, elle serait en croissant descendant. La soirée serait douce, les étoiles au firmament. J’irai chercher une couverture. Sur le transat, j’irai m’allonger. Envie de rien, même pas faim.


Je savourais le temps infiniment décliné. La terre exhalait des fragrances subtiles que j’essayais de deviner. Elles envahissaient le noir. Même pas froid. Quand les étoiles ont surgi, une par une, j’ai commencé à compter. Les années passées dans la constellation du Scorpion. Tiens, une filante ! Puis une autre. J’ai commencé à les guetter. J’aurais voulu partager mais le chat s’en moquait. Il chassait le lézard au hasard. En jaillit une, autrement plus belle que les autres ! Unique et éphémère. Alors, noyé dans l’immensité, perdu dans mes pensées, j’ai fait un vœu. Puis un autre. Et encore. Et encore. Un vœu sans fin, pour que, demain, elle revienne m’aider à compter les étoiles sur la terrasse.

 

Fuko San © 2013

Concours - Terrasse - Sud

 

  • Très délicat. Beau texte

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Tyt

    reverrance

  • Merci à tous, amis de passage, vous me donnez envie de continuer à le décliner ce personnage d'un soir ...

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Sampan 92

    fuko-san

  • oui j'aime beaucoup vous écrivez bien sur l'amour !!

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    destructor-le

  • Bon courage pour le concours ! L'écriture est vraiment soignée ! Bravo !

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Mains colombe 150

    psycose

  • @ tu as raison valjean ! Il y a une distance qui s'installe, comme la situation l'exige !
    Mais ce n'est peut-être entièrement délibéré ... Merci pour ta remarque.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Sampan 92

    fuko-san

  • J'aime le côté sensuel de cette nouvelle, qui fait justement appel aux sens du narrateur et du lecteur. Beaucoup de couleurs aussi. Il me manque juste un ce ne sais quoi pour me sentir plus proche du narrateur et rentrer plus dans la nouvelle. Mais peut être est ce un choix ?

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Mouette des iles lavezzi orig

    valjean

  • @ Merci de vos commentaires qui me touchent beaucoup !

    Je suis parti en roue libre sur ce thème ... Il se trouve qu'en vérité ma terrasse est plus au Nord, ce qui n'empêche pas les sentiments, ni l'écartèlement.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Sampan 92

    fuko-san

  • C'est fin, c'est travaillé, il y a de la pudeur. Bravo !

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Sdc12751

    Mathieu Jaegert

  • Une amertume en fin de bouche. Tous ces "même pas" qui disent le mal sans l'affronter vraiment. Belle terrasse pour surplomber l'avenir incertain.
    Coup de cœur pour toi, Fuko.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

  • bravo! ton texte est fluide, tu parles d'amour et de la terrasse en même temps dans un très agréable méli-mélo ... J'aime cet endroit dont les attraits et la sérénité te permettent d'être bien, d'être toi ...

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Img 5684

    woody

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