Envie de vous
wen
Après une journée entière à répéter toujours le même argumentaire, François s'octroyait son petit moment de repos personnel. Agent commercial confirmé, il venait d'enchaîner deux jours pleins sur le salon européen qui se tenait ces jours-ci en ville.
La conjoncture était naturellement mauvaise pour tout le monde et il avait été forcé de constater que les concurrents et partenaires faisaient preuve d'une agressivité commerciale redoutable. Il avait été obligé de rester extrêmement concentré en permanence durant toute la journée.
Le soir, en buvant lentement sa bière dans une brasserie quelconque aux abords du centre des congrès, il se repassait mentalement sa journée et s'apercevait qu'il s'en était plutôt bien sorti.
Pas encore quarantenaire, pas forcément ni très beau, ni très grand, ni très musclé, sa vie sentimentale lui avait pourtant montré qu'il disposait d'un certain charme. Sa voix grave et chaleureuse était un de ses atouts. Il l'accompagnait d'une attitude réservée, et de bonnes manières traditionnelles, le faisant passer généralement pour un homme subtilement élégant.
Encore dans ses pensées sur le déroulement de sa journée, il ne vit pas la jeune femme qui se dirigeait vers lui.
Agée d'une petite trentaine d'année, elle portait une tenue correspondant en tout point à un uniforme. Escarpins à talons moyens, jambes gainées de nylon couleur chair, jupe droite anthracite légèrement fendue à l'arrière, et veste coordonnée portée sur un chemisier blanc duquel trop peu de boutons étaient détachés.
Sa tenue vestimentaire aurait été d'une platitude navrante si ce n'était pas elle. Sa jupe était tendue par ses hanches larges. Les magazines féminins les auraient qualifiées de féminines, doux euphémisme pour définir des hanches élargies et des formes généreuses sans pour autant franchir la barrière sémantique fixée par le terme grosse. Car elle n'était pas grosse. Elle avait juste des formes. En y regardant de plus près, l'on comprenait également que si elle avait dégrafé un bouton de plus à son chemisier, cela aurait été indécent. Sa poitrine rebondie suscitait une tension insolente du tissu et de la boutonnière. Parfaitement consciente de ses atours féminins, elle faisait néanmoins très attention à ne pas verser dans la provocation vulgaire. Elle se déplaçait avec discrétion, souhaitant visiblement ne rien déclencher de déplacé par son attitude ou ses postures.
Evitant habilement les tables de la brasserie beaucoup trop accolées les unes aux autres, elle arriva devant celle de François, toujours perdu dans ses rêveries, regardant pensivement l'animation de la rue en direction de la baie vitrée opposée.
— Excusez-moi monsieur, lui lança-t-elle timidement.
Surpris, François tourna la tête vers elle d'un seul coup. Elle reprit.
— Je ne veux pas vous déranger mais est-ce que je peux m'asseoir, j'aimerais vous parler.
— Bien sûr, asseyez-vous, je vous en prie, lui répondit aimablement François tout en se demandant bien ce que cette jeune femme lui voulait.
— Je ne vais pas tourner autour du pot, je préfère être franche. Je travaille sur le salon comme hôtesse, sur un stand à quelques mètres de vous.
François ne l'avait pas remarquée. Il la laissa poursuivre.
— Je vous regarde depuis deux jours et me suis approchée de vous discrètement à plusieurs reprises pour vous écouter.
François n'arriva pas à cacher sa surprise et afficha un visage incrédule. La jeune femme continua.
— Je m'appelle Chloé.
— Enchanté, lui répondit-il immédiatement sans lui laisser le temps de continuer. Moi c'est François. Il laissa passer un instant puis ne put retenir sa question. Qu'y a-t-il que je puisse faire pour vous. Si vous m'abordez ainsi en fin de journée, c'est que vous avez quelque chose à me demander, n'est-ce pas.
— Oui, en effet, lui répondit Chloé rougissante. Elle cherchait ses mots, inspira profondément et se lança. Et bien, j'ai remarqué que vous ne portiez pas d'alliance alors voilà…, j'ai eu une idée un peu folle mais j'ai eu envie de vous demander de passer la soirée avec moi. J'ai craqué sur vous.
François resta scotché par cet aveu si sincère et si naturel. Il en oublia de répondre, ce qui mit la jeune femme atrocement mal à l'aise. Attrapant son sac à main posé sur la chaise d'à-côté, elle commença à se relever, honteuse et gênée.
— Excusez-moi, bredouilla-t-elle. Je n'aurais pas dû. Elle était tout à fait levée maintenant. Je suis désolée, je ne vous embête pas plus longtemps.
En finissant sa phrase, elle était déjà au beau milieu de la brasserie en train de se diriger vers la porte. François eut une fraction de seconde pour réagir mais c'était déjà trop tard. Le temps qu'il comprenne qu'elle s'en allait profondément blessée, qu'il sorte un billet de sa poche et le dépose sur la table pour payer sa consommation, qu'il attrape sa veste posée sur la banquette et qu'il sorte dans la rue, elle avait déjà disparu.
Il essaya de trouver par où elle avait bien pu partir. Avait-elle tourné au coin de la rue ou fallait-il qu'il la cherche dans la foule compacte au bout de la rue devant lui. Tétanisé autant que surpris par sa maladresse, il était incapable de choisir. C'est le serveur de la brasserie, revenant d'une table à l'extérieur qui le délivra en passant à côté de lui.
— Elle est partie par-là, en donnant un coup de menton vers la rue, et a tourné à gauche au bout de la rue.
— Merci, lui lança-t-il alors qu'il courait déjà pour la rattraper.
Il lui fallut se dépêcher car la jeune femme marchait vite pour une femme perchée sur des talons. Ses jambes frottaient contre le tissu de sa jupe à chaque pas. François ne put s'empêcher de regarder ses fesses. Elles se balançaient l'une contre l'autre divinement. Bien que naturellement porté vers les femmes au physique athlétique, il ne put s'empêcher d'être envoûté par sa démarche et ses hanches oscillantes. En un instant, des idées lubriques naquirent dans son esprit. Libéré par l'accostage en règle qu'il venait de subir, sa testostérone lui envoya rapidement à l'esprit toutes les supputations possibles sur ce qu'elle portait en dessous, sur la douceur de la peau de ses fesses, sur la moiteur de l'intérieur de ses cuisses. Elle ne lui avait adressé que quelques mots mais il était déjà conquis.
Il la rattrapa après une trentaine de mètres, n'osa pas l'attraper par l'épaule et dût se planter devant elle.
— Excusez-moi mademoiselle, lui dit-il reprenant son souffle difficilement. Je ne voulais pas vous vexer, il y a juste que je n'ai pas la moindre idée de ce que vous me voulez et j'ai réagi comme un imbécile.
Elle le regarda fixement. Ses yeux étaient embués et elle reniflait discrètement. François voyait bien qu'elle réfléchissait sans trouver quoi que ce soit à dire. Il décida de continuer à lui parler.
— Je n'ai pas la moindre idée de qui vous êtes. Je suis affreusement désolé de ne pas vous avoir remarquée et encore plus de vous avoir vexée ainsi. Pour me faire pardonner et céder à une douce folie incontrôlable, j'accepte bien volontiers de passer la soirée en votre compagnie si vous le souhaitez toujours.
A ces mots, la lumière revint sur le visage de Chloé. Elle lui adressa un sourire éclatant et magnifique de satisfaction sincère. Elle regarda autour d'elle et avisa la porte d'entrée d'un immeuble non loin.
— Suivez-moi, lui dit-elle en tournant les talons juste avant de pousser la porte non fermée.
A peine lui avait-il emboité le pas qu'ils se retrouvèrent dans un couloir sombre amenant dans une petite cour intérieure. Elle se retourna vers lui, attrapa sa cravate et le tira vers elle dans un recoin. Elle l'embrassa brutalement. L'instant d'après, constatant son immobilisme et sa surprise, elle recula le visage et le regarda tendrement. Il ne prononça pas un seul mot et ce fut son tour de plaquer ses lèvres contre les siennes.
Passé le premier instant, ils s'embrassaient maintenant avec fougue. Elle écarta sa veste et vint plaquer son buste contre le sien. François sentait sa poitrine imposante contre la sienne. Ses seins lourds bougeaient au rythme saccadé de sa respiration. Il eut l'impression que ces baisers étaient comme une délivrance pour la jeune femme et c'est effectivement ce qu'elle lui confirma en chuchotant à son oreille.
— Ça fait deux jours que j'ai envie de vous. Je ne sais pas pourquoi mais vous m'avez faite craquer. Je ne sais pas ce qui m'arrive, c'est la première fois que je fais ça, ajouta-t-elle comme pour se justifier.
— Taisez-vous, lui répondit François impérieusement. N'essayez pas d'expliquer quoi que ce soit, j'en suis bien incapable moi-même.
Avant d'avoir terminé sa phrase, il avait de nouveau enfoui son visage dans ses cheveux pour l'embrasser sur toute la surface de son cou. Il planta ses dents dans une délicate morsure lorsqu'il sentit sa main caresser la bosse de son entrejambe. Ses doigts entourèrent son sexe gonflé au travers de son pantalon pendant qu'elle expirait longuement de satisfaction.
— Je n'aurais jamais cru pouvoir vous faire autant d'effet, dit-elle comme soulagée.
— Acceptez-vous une invitation à dîner, demanda François pour tenter de faire redescendre la tension.
— Avec plaisir mais j'habite à deux pas. Suivez-moi, dit-elle malicieusement, et nous verrons bien ensuite comment la soirée se déroulera.
En quittant son appartement le lendemain matin, avant de reprendre son train le ramenant chez lui, François ne chercha pas à comprendre. La seule chose qu'il avait en tête était cette délicieuse et inattendue rencontre avec une jeune femme bouleversante.
Chloé, quant à elle, se réveillait doucement dans les draps qui avaient été les témoins de leur union passionnée. Elle ouvrit le calepin caché dans sa table de nuit et commença à écrire une ligne à la suite de toutes les autres.
François, commercial, trente-huit ans, excellent au lit, doux et prévenant.
Note : 8/10.
Elle referma le carnet, s'étira de tout son long et sourit. Une ligne de plus à son palmarès.
Excellent :)
· Il y a presque 10 ans ·dreamcatcher
Merci Blackowl.
· Il y a presque 10 ans ·Ça fait plaisir. A bientôt.
wen
J'aimerais bien être aussi cash ! LolJ'adore la chute et Monica bellucci aussi :)
· Il y a presque 10 ans ·Chouette description d'une rencontre improbable ;)
Sweety
Euh... Sweety... ça veut dire quoi "Lol" ?
· Il y a presque 10 ans ·Tu n'es pas un peu trop jeune pour connaître Monica Bellucci ?
Et sinon, pour ce qui est d'être aussi cash, je crois que n'importe quelle femme le peut, il suffit juste de trouver la bonne cible assis dans la bonne brasserie...
Merci de ton passage ici en tout cas et de ta lecture.
wen
Oh que j'aime ! ♥
· Il y a presque 10 ans ·Belle rencontre et ravissante chute, mon cher Wen.
Et le titre. Que j'aime ton titre.
Existe t il quelque part le texte de la scène d'amour? ;)
Julie Huleux
Et bien écoute, si tu veux tout savoir :
· Il y a presque 10 ans ·- Cette idée vient de ton "Tout feu, Tout flamme" publié par ailleurs pour un concours (et oui...).
Lorsque je l'ai lu, je me suis dit que cette histoire de rencontre totalement imprévisible était la source d'un érotisme absolu (de mon point de vue d'homme). Et puis, comme d'hab', j'ai laissé l'idée dans un coin de ma tête pour qu'elle ressorte quand elle sera mûre. D'un autre côté, cela faisait déjà quelque temps que j'avais cette "Chloé" en tête, une Monica Belucci défiant les canons de beauté actuels des magazines mais avec un pouvoir d'attraction indéniable. Et quand les deux idées se sont rencontrées dans ma tête, ça a donné cette petite nouvelle.
La chute est ma touche personnelle, la "baffe" que je veux donner à mon lecteur pour récompense de m'avoir suivi pendant quelques lignes sans savoir où j'allais l'emmener.
- Le titre n'est pas celui que je lui avais donné initialement.
Comme je le disais à Lyse ci-dessous, au départ, je l'avais appelé "La chasse urbaine" car pour moi, Chloé est une chasseuse, une prédatrice. Le titre "Envie de vous" est l'idée de mon fidèle relecteur. Je l'en remercie donc ici grâce à toi.
- Et enfin, non, le texte de la scène d'amour n'existe pas encore mais il ne saurait tarder. Je vais l'écrire rapidement, ce n'est pas ce qui va me poser le plus de souci et je le publierai "quelque part" en effet...
Merci de ta lecture.
wen
Je suis agréablement surprise que c'est un texte à moi qui t'ait inspiré !
· Il y a presque 10 ans ·En même temps, je me souviens que l'idée de mon "Tout Feu Tout Flamme" t'avait troublé... héhé.
Le titre, je te le répète, tel quel, à mon avis, est une force.
Tout comme ta chute. Si je ne suis pas friande d'habitude, là, c'est parfait.
La scène d'amour me manque parceque je suis une incorrigible coqu... romantique !
J'aimerais savoir en quoi François est doux et prévenant. J'aimerais être d'accord avec Chloé pour le 8/10 . Ou pas d'ailleurs. J'aimerais savoir. Mieux, le vivre, à travers ta plume.
Julie Huleux
Hé bé ! voila une affaire rondement menée. Si je puis dire. J'aime bien ce texte, chaud, rond, haletant. Et cette faim à brute. Joli coup...
· Il y a presque 10 ans ·lyselotte
Pourquoi un commentaire de ta part sur ce texte ne m'étonne pas ma Lyse ?
· Il y a presque 10 ans ·:-)
Une chasseuse urbaine comme toi ne pouvait qu'apprécier, j'en étais sûr !
C'était d'ailleurs le premier titre que j'avais mis à cette nouvelle : la chasse urbaine.
Et puis je me suis dit que j'allais trop en dire dès le titre, j'ai préféré avancer masqué... comme souvent !
Merci une fois de plus de ta fidélité Lysette.
wen
Très bonne chute.... ;0)
· Il y a presque 10 ans ·flodeau
Merci beaucoup de ta lecture et de ton commentaire. Bienvenue sur mes mots et à bientôt j'espère.
· Il y a presque 10 ans ·wen
Pour une fois cela change !!! Ce sont ces dames qui alignent un tableau de chasse :) !!!
· Il y a presque 10 ans ·marielesmots
Chère Marie, à l'heure actuelle, mon expérience (toute relative néanmoins, faut pas exagérer quand même) me fait penser et dire que ce sont bien souvent les femmes qui collectionnent les amants.
· Il y a presque 10 ans ·Même si, fondamentalement, j'estime que la situation n'est pas forcément différente d'auparavant. Il y a juste que la culpabilité pèse moins qu'avant sur elles.
Et c'est tant mieux ! (pour tout le monde).
Merci en tout cas de ton passage ici et au plaisir.
wen