Ex-écho [Défi N°11 / club "Jetez l'encre"]

Y a des bouquins qu’on relit tant de fois qu’on a l’impression de les vivre plus fort, plus vrai. Il  avait toujours trouvé aux commissures des livres, des trésors d’échappées. Mais aujourd’hui qu’il parcourait les pages écornées de sa vie, elles lui semblaient être un beau gâchis : des blancs tombés à l’eau, des chapitres qu’il avait jeté à la bouteille. Des images décollées de sa mémoire, comme les tatouages Malabar, on comprend plus ce que c’est, mais il reste des traces. Il avait déconné, et pas qu’un peu. Il avait passé des éternités à se fracasser contre les falaises de ses désillusions, sans jamais entendre la voix à suivre.  Son goût pour la vie,  exténué de marcher sur des échasses, avait fini par s’étaler en flaque désolée. Avec elle, il pouvait.

Le voir se détruire sans rien pouvoir faire l’écorchait au plus vif. Lalie avait su arracher l’écorce de son sourire pour creuser dans les scories. Et dessous c’était sombre, encombré. Des collections de complexes dans des vitrines poussiéreuses. Elle avait dû jouer au mikado avec ses peurs, les enlever une à la fois sans qu’une seule fasse trembler les autres. Elle avait fait le grand ménage dans son entourage. Les collègues, les connaissances, il lui fallait une déconnexion  à laquelle il était incapable de se résoudre. Trier les cons, logique. Ressouder les copains autour de lui. S’assurer une place dans son cœur, ne pas laisser les connes y faire leur nid, sans qu’il décode. Détruire le décor planté.

 Il allait coopérer, elle ne lui donnerait pas le choix. L’écho d’hier frappait depuis trop longtemps déjà.

Lalie était le prisme qui lui fallait, elle lui permettait enfin de faire exploser cette lumière tapie dans les recoins sourds de ses non-dits. Elle avait enjambé les obstacles, balayé les interférences et absorbé ses mauvaises ombres pour en faire des horizons d’espoir.

Les poings serrés, le cœur sur les ailes, petite coccinelle résonnait « bonheur » à son oreille.