IL EST TOT CE MATIN

juliedelafrette

Brève nouvelle érotico-sentimentale : l'érotisme est amour, sensualité et douceur. Le doute et l’ambiguïté sont présents comme à tout instant de la vie.

    

Il est très tôt ce matin, bien trop tôt pour que nos corps se touchent, mon sexe contre tes fesses.

Il est très tôt ce matin et cette sensation nouvelle de solitude me dérange déjà, dans notre lit défait.

J'ai mal de ce que j'ai à te dire. Ne pas bouger me pèse, mais je n'ose pas, de peur de te réveiller.

Tu es sur le dos, dans la position que je préfère, les jambes légèrement écartées, la droite pliée, en croix, le pied droit sous le genoux gauche, les bras sous la tête, comme pour dégager et mieux offrir tes seins à mes yeux et à mes mains. Les draps sont défaits, il fait chaud. Ta peau devient cuivrée dans la lumière du matin naissant.

J'ai envie. De tout te caresser, de tout te toucher, de tout te prendre, goulûment et d'en jouir, de ne rien laisser.

Mais non, je me l'interdis. Il ne faut plus, c'est fini. Du moins je m'efforce d'y croire.

Cela fait longtemps que nous n'avons pas fait l'amour et tu as senti en moi cet éloignement. Tout à ta discrétion, tu n'as rien demandé, tu attends, que je revienne.

Mais il y a cette autre là bas, sensuelle aussi et qui attend aussi.

Je dois me décider, il faut me lever, prendre mes vêtements doucement, sans faire de bruit, m'habiller en bas dans le salon, et partir la retrouver, vite, pour ne pas affronter ton visage étonné et perdu, lâchement. Mais je ne peux pas, déjà tu me manques. Je reste là sur le dos et tâche de ne pas bouger ni de respirer trop fort pour ne pas te réveiller.

Alors je pense, pour aller mieux.

Je pense à cet après midi sur cette plage, tu étais nue, la seule à y être entièrement nue, lascive, offerte aux regards gourmands des autres, allongée de cette façon que j'aime tant. Doucement tu m'as dit, caresses moi. J'ai posé ma main sur ton ventre, sans trop oser, et tu m'as dit encore plus doucement, presque en murmurant, pour qu'il n'y ait que moi qui entende, non, pas là, plus bas. J'ai passé mes doigts légers sur ta cuisse puis sur ton sexe, en effleurant ton duvet, puis tes lèvres et ton clitoris, et j'ai joué avec, en le pinçant doucement entre mes doigts. La proximité des autres sur cette plage nous intimidait et nous excitait. Nous bravions un interdit, c'était la première fois que nous faisions ça et ça n'en était que plus magnifique. Tu as frémi, j'ai senti le désir qui venait des profondeurs de ton ventre et j'ai alors insisté pour que ce soit plus fort,  mes doigts plus profond. Tant pis pour les regards et les jugements des autres, plus personne ni rien ne comptaient. Tu as eu du mal à retenir des petits cris de jouissance, tes soupirs devenaient plus forts, ton souffle plus rapide, tu saisissais fermement mon bras comme pour mieux contrôler ce désir puissant, les spasmes qui secouaient ton ventre, l'ondulation de ton bassin. Une femme nous a regardé, un peu en coin d'abord, timide, puis plus ouverte ensuite, je lisais du désir et de l'envie dans son regard. Puis quand le plaisir s'est arrêté, tu t'es endormie, épuisée.

Je pense souvent à ce moment comme à bien d'autres aussi. Et je me tourne dans le lit, tout doucement et pose ma main très légèrement sur ton sein gauche. Tu n'as pas bougé, tu dors encore.

Je pense à nous, à ces années, pourquoi faut-il que j'arrête cet enchantement ?

Je pense à elle aussi, cette autre. J'y pense trop. Elle n'est pas comme toi. Ni mieux ni moins bien, pas comme toi, simplement, et c'est cette différence qui me hante. Elle n'est ni plus douce, ni plus sensuelle, ses seins, comme les tiens un peu lourds, ne sont pas plus beaux, ses fesses non plus, un peu moins rondes peut être, mais je ne saurais pas dire lesquelles je préfère. J'aime vos corps, pour mon malheur. J'aime la sécurité qu'ils m'apportent, leur douce et féminine puissance, leur silhouette de statue romaine, de Diane, forte et maternelle. J'aime votre façon altière de marcher en montant la poitrine et en sortant les fesses, mais jamais, non jamais, vulgaire.

Tu bouges doucement et te tournes vers le mur. Tu m'offres tes fesses, j'y plaque mon ventre et je ne peux pas m'empêcher de poser ma main sur ta hanche, douce et chaude.

Je me souviens alors du jour où nous avions défilé pour le mariage pour tous, toi forte de tes convictions, sincère et authentique, scandant haut et fort les slogans un peu convenus mais vrais néanmoins. Je te voyais puissante mais sans agressivité, convaincue mais sans arrogance  et prête à défendre toutes les libertés, pourvu qu'elles soient revendiquées par des gens sans mensonge. Cela me réchauffait. Tu portais une jupe courte et des ballerines sans talon. Je regardais tes jambes nues et tes fesses moulées par la jupe et ça m'excitait. Quand j'ai passé mon bras autour de la taille, tu as pris ma main et tu l'as posée sur ta hanche droite. Je l'ai laissé descendre sur tes fesses et tu t'es tourné vers moi en souriant, surprise et heureuse. J'aurai voulu te prendre, là tout de suite, sous un porche ou dans une cour d'immeuble. Nous avons attendu la fin de la journée et nous avons fait l'amour comme jamais, en nous dévorant, en prenant tout de l'autre et en lui donnant tout de soi-même, nous étions vide de toute énergie, mais tellement bien dans nos corps.

Je t'aime, Anne, je ne pourrais pas me passer de toi, jamais.

L'autre j'ai envie d'elle, je ne l'aime pas comme je t'aime, je ne peux pas te l'expliquer.

Je ne veux pas choisir, je ne veux pas te faire souffrir, alors je dois partir, te laisser.

Il faut que tu oublies la femme qui t'a fait souffrir et que tu retrouves une autre âme qui t'aimeras autant que je t'aime.

Je m'écarte doucement de toi, déjà je ne sens plus ton corps ni la chaleur du lit. Je me lève, la fraîcheur du petit matin me saisit, je suis nue dans la chambre.  Déjà tu me manques. Mon dieu, mais qu'est ce que je fais, debout là, avec mes questions stupides, à me torturer pour rien.

Alors je me recouche, contre toi, et je te réveille, par maladresse.

Tu te tournes vers moi, tu me regardes, étonnée puis attendrie et tu me demandes, tout doucement, en me caressant la joue, pourquoi tu pleures, ma Julie chérie ? et je m'entend te répondre, je t'aime tant. Puis tu m'as embrassée sur la bouche en caressant mes seins et je me suis endormie en souriant.

 

 

 

 

                                                                                                            

  • Un plaisir de le lire! Hypnotisée du début à la fin. Très dur d'écrire sur un sujet comme celui-ci sans être vulgaire. C'est très réussi! Ca m'a retournée !

    · Il y a plus de 9 ans ·
     mg 3423

    Rachel Audin

    • Merci de cette appréciation subtile et intelligente. C'est vrai que le piège de ce type de thème est de tomber dans le graveleux classique et ennuyeux. Merci encore.

      · Il y a plus de 9 ans ·
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      juliedelafrette

  • Merci de cet encouragement
    J'ai lu quelques unes de tes nouvelles, bravo !

    · Il y a presque 10 ans ·
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    juliedelafrette

  • très beau texte, tu a toutes tes chances !

    · Il y a presque 10 ans ·
    Weekendplansnewest

    mlleash

  • Emouvant et délicieux. Un texte qui prouve bien que le "genre" n'a pas tant d'importance… merci

    · Il y a environ 10 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

    • Merci de ce commentaire d'autant plus juste sur le genre que j'ai choisi un pseudo féminin ..., sans doute convaincu qu'on a tous une part de masculin et de féminin, non ?

      · Il y a environ 10 ans ·
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      juliedelafrette

  • Merci de ton commentaire
    J'avoue que ça va être un peu difficile de publier d'autres textes rapidement et de ne pas décevoir
    En tout cas merci encore

    · Il y a environ 10 ans ·
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    juliedelafrette

  • Doute et ambiguïté, le chapeau est parfaitement trouvé pour un texte véritablement emballant.

    Félicitations pour le concours et que cela nous permette de lire à l'avenir d'autres textes de ta part pour autant de plaisir.
    Bienvenue sur WLW en tout cas.

    · Il y a environ 10 ans ·
    Francois merlin   bob sinclar

    wen

  • Puissant. J'en suis retournée!

    · Il y a environ 10 ans ·
    Newton williamblake

    srh

    • Merci de ce commentaire émouvant.

      · Il y a environ 10 ans ·
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      juliedelafrette

  • Magnifique! et tellement proche d'une réalité que je découvre.

    · Il y a environ 10 ans ·
    P1040918

    mamet

    • Merci (avec retard !) de votre appréciation et heureux d'avoir pu contribuer à un peu d'émotion.

      · Il y a environ 10 ans ·
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      juliedelafrette

  • Merci de ce commentaire qui fait plaisir

    · Il y a environ 10 ans ·
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    juliedelafrette

  • Un très beau texte, vraiment!

    · Il y a environ 10 ans ·
    Un inconnu v%c3%aatu de noir qui me ressemblait comme un fr%c3%a8re

    Frédéric Clément

  • Merci, c'est le premier texte que je publie. Votre commentaire me fait plaisir.

    · Il y a environ 10 ans ·
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    juliedelafrette

    • Bienvenue sur WeLoveWords.
      En espérant que vous en publierez d'autres.

      · Il y a environ 10 ans ·
      Juliehuleux 45

      Julie Huleux

    • Félicitations ! Votre style le méritait réellement. Encore bravo.

      · Il y a environ 10 ans ·
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      juliedelafrette

    • Oh je n'avais pas vue vos félicitations. Était ce pour "La Femme au Ruban" ?
      A mon tour de vous retourner le compliment, chère Julie !
      Je suis heureuse que vous soyez lauréate du concours cette semaine. Votre beau texte le mérite amplement.

      · Il y a environ 10 ans ·
      Juliehuleux 45

      Julie Huleux

    • Oui c'était bien pour la femme au ruban et votre succès mérité ! Votre remerciement me touche venant de vous. Merci

      · Il y a environ 10 ans ·
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      juliedelafrette

  • Aussi poignant que doux. Sensuel et délicat.
    C'est vraiment un joli texte. ♥

    · Il y a environ 10 ans ·
    Juliehuleux 45

    Julie Huleux

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