Ils ont dit que c'était l'heure...
Chloé. S
Ils ont dit que c’était l’heure…
Au milieu de l’arène déserte, il y a un homme au visage de cloître : un front sans rides, des yeux sans lumières. Il lève son visage qui baigne dans la sueur et le soleil. Impassible, il regarde si l’heure arrive enfin. Un sourire passe et ride son visage.Le rictus s'esquive pour faire n peu de place à plus de solennité.
Elle est là, avec son regard de suppliciée, la peur qui tremble dans tous ses membres.
Ils l’amènent.
Elle a les mains attachées.
Elle trébuche.
Des hommes remettent la fille sur pieds. Mais elle se laisse retomber à genoux. Son front s’enfonce un peu dans la chaleur du sable et la terre se prend dans ses larmes.
L’homme debout exige qu’on la relève.
Ils la traînent.
Il est l’heure !
Ils la traînent et le sable se déchire sous le corps qu'ils malmènent et la fille regarde avec dans les yeux comme une dernière prière.
Mais le visage de l’homme reste muet.
Ils mettent la fille dans un trou méthodiquement creusé.
L’homme debout lui paraît immense maintenant.
L’homme solennel lui paraît lointain.
L’heure du supplice approche.
Les portes s’ouvrent.
C'est le bruit de la foule qui déchire le silence.
Il est l’heure !
Et le soleil se couvre d’un nuage.
Personne ne se demande ce qu’il fait là. C'est naturel d'être venu.
Ici, on vient déverser sa honte sur un visage
Ici, on vient tromper sa honte sur le visage d'un autre
Comme une vague incandescente la foule déferle dans l’arène
Un enfant s’arrête près de la fille :
C'est lui qui jette la première pierre.
Il ne sait pas pourquoi
Parce qu'on lui avait dit que c'était l'heure
Depuis toujours on leur a dit que c'était l'heure
Et dans la tête de la fille, un éclat de rire comme un écho,
Et dans ses mains, l’envie d’étreindre
Et dans sa bouche, un goût de vivre
Les pierres pleuvent et les insultes
Ils ont dit que c'était juste que ce soit l'heure,
Elle s’appelait Madeleine ou n’importe qui
Mais ils ont dit que c’était l’heure ! L'heure de mourir et d'en finir avec son coeur, l'heure d'avoir encore raison tout à l'heure
et c'est la Faux, qui marche bien droite comme il faut, qui tranche le dernier soupir.
L’homme reprend son visage de cloître, avale un vieux remords,
C'est l'heure, il doit rentrer chez lui.
C’est l’heure de son repas de midi.
Un texte fort qui fustige avec grande habileté l'horreur et l'obscurantisme...bravo Chloé
· Il y a presque 14 ans ·leo
entièrement d'accord, stop à la violence envers les femmes.
· Il y a presque 14 ans ·sb--2
J'aurai dit la même chose que gun giant. Économie de mots mais posés avec tant d'intelligence. Il faudra écrire un jour un texte qui parle de la rencontre avec une écriture...Mais je t'avais lu déjà...;-)
· Il y a presque 14 ans ·inta
l'économie des moyens d'écriture que vous avez mis en place renforce le choix très judicieux des images (cet homme au visage de cloître) et crée l'horreur à fleur de poil. Donc ils dilapident ce qu'ils lapident ?
· Il y a environ 14 ans ·gun-giant
Il est des barbaries qui traversent le temps
· Il y a environ 14 ans ·Il est un temps où la barbarie doit être stoppée,
Hier Madeleine, aujourd'hui Sakineh ... et combien d'autres ...
archangelia
tres emue car ca me renvoie a la stupidite et l intolerence des gens et en meme temps rien ne lui arrache son sourire, son amour de la vie je m' y retrouve merci
· Il y a environ 14 ans ·la-louve
terrifiant... cinq coeurs!
· Il y a environ 14 ans ·thelma
Implacable.
· Il y a environ 14 ans ·Marcel Alalof
L'horreur et la beauté des mots entrelacées eu plus près.
· Il y a environ 14 ans ·Jiwelle
C'est puissant et révoltant ... et d'actualité, comment ne pas penser à Sakineh ... Merci pour ce texte Chloé.
· Il y a environ 14 ans ·selig-teloif
Fort. Comme un breuvage amer et qui arrache la gorge.
· Il y a environ 14 ans ·ko0