Je Marche
Guillaume Allardi
Je marche
Je marche en moi une Bouche qui réclame.
Je marche en moi une mer qui se retire
sur une langue de terre
Je marche
ange un peu rouge
lent dans l’air
vers la Cité
Je marche aux alentours de la périphérie
traversé par des ondes
connecté à des centres
Je marche pris dans les surfaces réfléchissantes mon corps à l’envers sur la pyramide.
Je marche mon pas de sang sur un Béton armé
Je marche atteint au genou par un vieux rythme de rap
Je marche ma silhouette cassée
Je marche Vie giclée hors du néant sur le Trottoir
Je marche mon écho dans les réservoirs vides
Je marche tête penchée mes rêves dans la Décharge
Je marche
bien réel
dans la Réalité
Je marche dans la Merde
Je marche enroulé dans la laine de la haine ordinaire.
Je marche ma déchirure sur le support des images
Je marche en moi une image déchirée
Je marche mon point noir au pieds des Tours Aveugles
Je marche mon Nom sur la Liste
Je marche en rond but en tête dans la Ville.
Je marche
identifié.
Je marche ma langue maladive dans le Jardin des Rectitudes
Je marche en moi un cri muet qui prolonge le boulevard.
Je marche mon angoisse dans la Salle des Calculs
Je marche mon histoire dans l’ Histoire
Je marche enfant rêvé dans les vapeurs d’un arrière monde
Je marche mon corps amer dans la pluie fine
Je marche après les Bombes dans les Trous
Je marche mon fantôme sur un champ de mines
Je marche en moi une moisson de flèches dans la boue
le goût mal oublié des baisers du Métal
Je marche en moi un Printemps de limaille et de rouille
De Tournesols de Fleurs du Mal
Je marche méditant sur les carcasses de tank.
Je marche en moi les mémoires rampantes des anciennes Furies.
Je marche en moi une Plaie Battante.
Je marche
frôlé par les taxis.
Je marche en moi une digue qui déborde.
Je marche en moi un chant d’amour qui accélère ses râles.
Je marche traversé par un chantier de destruction
Je marche digérant l’air avancé
Je marche différant l’Âge annoncé
Je marche essuyant les crachats du Futur
Je marche ma face rouge sous les ciels violents
Je marche
l’œil égal
dans le jour qui empire
Je rejoins mon regard sur la ligne brûlante
Je marche dans mon corps
le Métal
assis à la Chair.
Je marche mon muscle crépusculaire
promis à la perfection blanche
de l’Acier
Je marche
Beau un instant
dans la Musique
Je marche dans les choses léchées par la lumière irréelle et sublime de la Fin
Je marche en moi une conclusion qui s’impose et un penchant pour les falaises
Dieu ou pas je marche vers la lumière avec la bêtise des insectes
Je marche mon pas sec d’ancêtre
Je marche météore entré dans l’atmosphère
Je marche en moi un truc à détruire en marchant
Je marche en moi la voix du Père
Je marche en moi un Arbre mort
Je marche en moi un Age de Pierre
qui s’effrite
en criant.
Je marche avec moi une entière Légion
d’honneur
de nouveau
nomades
marchands de vents et de poussières.
Insatisfait
Je marche après
je-ne-sais-quoi
et ce chien de trois pattes reniflant et bouffant la route avant moi.
Je marche dans tous les sens
Je marche sans raison
Je marche en moi un galop dans la lande
Je marche en moi un cheval
mort à l’horizon.
Je marche
généreux de mes bourses
jaloux de mon essence
Je marche en moi un exigence de tête coupée
Je marche en moi le chant un et double de l’épée
Je marche en moi un verbe être
Je marche en moi un verbe aimer
Je marche ma Partie jusqu’à raz de mon souffle
détestant la Distance
fondant sur ma Moitié
Je marche
ivre des bouillons de la Source
prêt pour le final de la Course
sur les Champs Elysées
Je marche
Elève du vent
Chassé par les rafales.
Je marche
fidèle à la Première Trahison.
Je marche sur le sol repoussé de la Chute
Je marche ma Tache de Connaissance
Je marche ma descendance de singe de reptile de poisson
Je marche ma race de souffrance avec le maintient et la fierté d’un dieu.
Je marche en moi un Geste élémentaire
Je marche à déflorer mon contraire
Je marche
sous la terre
mon corps inversé
vers les profondeurs
Je marche sans pleurer les cris d’une Matière
pétrie du bonheur de brûler
Je marche la marche de mes pères et des pères de mon père
Poussière je retournerai à la poussière
sans broncher
Je marche sous moi un édifice d’os
Je marche
déjà
sommet osseux.
Je marche la marche de mon fils et des fils de mon fils
Je marche la marche du Feu
Je marche
fou d’amour
doublé
multiplié
élevé à la Puissance
Je marche en moi un nombre incalculable
Je marche
fragile présence
et unique responsable
Je marche en moi l’Eternité
Je marche rien une marche morte ou très ancienne
qui finit par
me ressembler.
merci Seb pour le partage très beau texte
· Il y a presque 13 ans ·franek
je cherche la phrase sur la page et suis de plus en plus pressée de passer à la suivante....par le souffle, alléchée ! On saisit les mots, vite, pour savoir !
· Il y a environ 14 ans ·theoreme
C'est très beau
· Il y a environ 14 ans ·moujik
Vraiment magnifique. Je l'ai écouté aussi sur la newsletter de WLW.
· Il y a environ 14 ans ·ko0
les mots déambulent sur la page, renforçant l'effet de cette marche
· Il y a environ 14 ans ·merci
ristretto
Je viens d'écouter ce texte. Je revois Rimbaud, les romantiques, Léo Ferré. Une grande découverte ce Guillaume. Merci Babou.
· Il y a environ 14 ans ·brigitte--2
Pourquoi marcher, quand on peut courir !
· Il y a environ 14 ans ·Lézard Des Dunes
Superbe
· Il y a environ 14 ans ·.
Il y a de l'Apollinaire là-dedans ... bravo !
· Il y a environ 14 ans ·polluxlesiak
parlé, c'est encore plus beau...
· Il y a environ 14 ans ·sylvie-frey