je ne sais plus crier

Je ne sais plus crier.

Avant, je criais quand j’avais quelque chose a dire. Je criais mes peurs, mes joies, mes coups de gueules, car je voulais être entendue a défaut d’être vue.

Je l’aimais bien mon timbre revanchard, il faisait parti de ma personnalité. Mais l’on m’a vite traitée de timbrée a force de vociférer.

Je me suis, comment on dit, ah oui civilisée. J’ai appris a parler d’un ton égal, souvent monocorde, parfois polygame. Car j’avais toujours des choses a dire, bon d’accord mes choses, mais ca compte quand même. Et je pouvais parler des heures, sur la vie en générale, m’exprimer, faire connaitre mon point de vue, déclamer jeux de mots et blagues a tout va, par simple plaisir. Je voulais parler pour rester en contact avec les gens, ceux qui avaient tendance a m’oublier et a m’éviter.

Alors j’ai commencé a murmurer. A chuchoter des choses douces, des fonds de vérité, des frissons de terreur comme de bonheur. En sourdine je laissais ma voix se laisser porter par le vent, pour caresser la nuque d’une mélodie de printemps, la joue d’une sérénade offerte par une nuit de pleine lune. La voix aussi légère qu’éphémère, quand elle mourrait aux oreilles sourdes de ceux qui m’avaient définitivement oubliée.

Maintenant j’écris en silence, ne laissant que le bruit de mes mots s’exprimer sur la papier. C’est le doux frôlement de mon crayon qui parle pour moi, qui est le métronome de ma vie. J’ai passé en une vie a peine, du cri a l’écrit.

Est-ce que cela veut dire que j’ai gagné en sagesse?

Ou est-ce que j’ai fait faire aux autres des économies en boules Quies?

Et si un jour je ne peux plus écrire…..