Jules

Jo

La neige se répand sur un paysage obscur. Le silence s’impose et met sa patte sur la ville tel un lion rassasié. Assis sur le rebord de sa fenêtre, Jules regarde. Regarde la poésie du lieu, la poésie du décor. La mélancolie se presse d’emplir son cœur et pourtant il se sent à sa place ; celle d’un solitaire épuisé de solitude.

Cette fois c’est décidé il se lève vers ce monde sans faille juste pour le briser. Sa volonté est inaltérable, son corps est juste l’outil d’une décision irrévocable. Il marche droit devant trouvera-t-il sa voie ? Sa vue se rapproche d’un point lumineux; c'est un bistrot. Sans réfléchir il entre, commande et s’assoit. Comment le décrire, son visage est taillé dans l’usure, ses yeux bleus sont vide d’espoir, sa carcasse robuste porte une âme tourmentée.  En le regardant, les autres habitants du lieu lui supposent une certaine confiance. Il ne sourit pas ni n’essai de faire semblant, il est juste là décidé à vivre selon ses idées, ses désirs, ses lois. Après deux tequilas sa perception change mais sa vue se maintient. Ce monde le dégoutte mais il ressent une force. Un mouvement bâillonné au quotidien qui prend enfin consistance. Peut être est-ce juste un instant de perdition. Buvons encore pour l’étouffer ! Mais au lieu de cela il s’amplifie, il se métamorphose en tonnerre grandissant. Jules assommé par cette puissance résiste, se tient la tête et crie. Ebahit chacun l’épie, étonné d’un tel bouleversement lorsque ici l’habitude rend plutôt les gens terriblement silencieux. Jules s’effondre, et se recroqueville tel un cercle de damnation. L’hôte le ramasse avec crainte, l’esclandre est suffisante. On le dépose sur une banquette. Jules reprend ses esprits et attend de retrouver ses douloureuses mais paisibles sensations.  Honteux d’être soit il fuit le lieu, il fuit la lumière il se dirige au dessus d’un pont. L’obscurité rend le lieu moins effrayant, le vide est insaisissable. Il s’approche veut le toucher avoir la sensation de le prendre, de le maîtriser. Sans le savoir il jongle avec la mort il s’approche des griffes de la camarde. Un sursaut de conscience l’arrête, le retient assis sur un muret. Il médite en somnolant sur sa conscience, ses choix, ses désirs. Il s’enfonce irrémédiablement sur la route nauséabonde du bilan qui pèse si lourd sur le dos de chaque homme. Il s’effondre sur le sol bave sa souffrance sur les pierres voisines et sombre. A son réveil c’est l’heure oh oui l’heure de rêver. L’alcool moins agressif le rend poète, il se retourne, fait face à la voûte céleste et espère qu’une femme va le ramasser. Une de ces fées qui oublient la mélancolie des hommes peut être même qu’elle les aime ainsi ronger par ce fléau. Elle l’accueillera dans le creux de ses seins et lui dira toutes les douceurs dont elle est capable. Elle sentira sa mère, ce doux parfum inachetable même dans les grandes boutiques parisiennes. Elle le sauvera de la décadence de son être et de son âme. Elle volera à son secours sans bien sûr jamais l’abandonner  aux démons du désespoir. Jules sourit, des rêves si doux lui font tellement frôler le bonheur qu’il le touche, le saisit et l’embrasse. JULES EST HEUREUX !!!

Après cet instant si intense la vie se rappelle à lui, il regrette de ne pas avoir sauté dans les bras du vide. Deux éboueurs le ramasse, chicanent de sa tenue et crient à leurs collègues « Encore un clodo, incapable d’en finir ».

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