La gueule de moi

      J'ai la gueule de moi, je me réveille tous les jours avec les regrets de la cuite de la veille, je me réveille tous les jours avec le regret d'avoir trop consommé de moi la veille. Parce que je me saoule, parce que je me perds, parce que j'ai la gueule de moi. Parce que j'ai envie de shooter les petites doses de connard qui sont si fortes en moi. Elles sont amères ces doses, j'ai du mal à les digérer. Parce que j'aimerais mettre de l'eau dans mon vin, parce que je tombe de haut malgré le fait que dans ma tête on soit 20 à penser tout bas. Mais vu que je suis qu'un con le lendemain je reprendrai une pinte de mensonges à la pathétique hour, puis je parlerai à des gens, je vous parlerai, je me bourrerai la gueule à votre cas, j'écouterai Jack me parler de Daniel, j'écouterai Agnès et ses théories sur les hommes, je lui répondrai que toutes ses histoires ainsi que toutes les histoires mènent au rhum. Puis je regarderai au coin du bar, j'apercevrai cette fille enrhumée parce qu'elle a pris trop de vents par des garçons qu'elle aimait. J'essayerai de la raisonner en vain avant que ne résonne la petite connasse en elle. Mais c'est en vain comme je l'ai dit, donc une coupe de champagne elle prit. Elle me raconta que trop de fois elle crut ces garçons au bar qui lui promettaient une Long Island, elle me confia que John lui foutait les boules, qu'il était né en 86 mais qu'il n'avait que 10 ans d'âge ... Mental. Du menthol pour rafraîchir mon haleine et je coupais court à cette conversation. J'ai une aversion pour les averses surtout quand les A versent trop de litres d'alcool et prennent le volant ... Ou un cerf. Et là je les vois volant, les bras ballants s'écrasant contre les arbres avec leurs gueules de bois. Mais bref, bande de cons j'ai la gueule de moi, et je me demande : Peut-on parler de délit de sale gueule quand des salles gosses emmènent dans des lits des salopes et qu'ça gueule? Je veux dire y a-t-il marqué sur nos gueules que nous sommes bons qu'à ça? Je me demande car j'ai la gueule de moi. Je me suis trop consommé, consumé à force d'éclairer des histoires sombres sans but. Mais je vous l'ai dit je suis un pathétique anonyme, je repars tous les jours à la pathétique hour dans l'espoir d'y perdre mon désespoir. Des espoirs je m'en suis fait à maintes et maintes reprises, j'ai maintenu pendant quelque temps la partie de moi que je n'aimais pas enfouie. Puis elle s'est enfuie, remontant à la surface comme des bulles de champagne. Alors j'ai repris mes mauvaises habitudes et tous les jours j'avais la gueule de moi. Parce que je me rendais compte tous les jours autour d'un mojito ou d'un autre verre que les gens nous mentent et ça me rendait vert. Je comprends pas tout ça, à vrai dire je comprends trop rien. Je me pose juste tout plein de questions et le fil conducteur qu'est ma gueule de moi me conduit à mon désarroi en deux-deux et en 4x4. Parce que malgré tout ça j'ai une assez bonne estime de moi pour croire que je vais réussir sans toi ou un autre.

       Allez encore un autre, accoudons-nous à ce bar 5 minutes de plus, parlons de tout et de rien, des Indiens et de leurs mini-huttes, des Écossais et de leurs accordéons, mais parlons. Évitons que les effets de notre rencontre se dissipent, évitons la gueule de moi, mais en même temps j'ai envie de te dire "évite-moi". Ne deviens pas mon disciple ou ma cible, ne souhaite pas que je te vise puis que je te tire en plein cœur. Je t'assure au moment présent je suis tout sauf un cadeau. En ce moment j'ai l'impression d'être dans une ronde, et la femme que je désire est en face de moi. J'ai l'impression que tant que tout tournera rond et bien je ne l'atteindrais pas. J'ai l'impression qu'il y a tant et si peu qui nous sépare à la fois. En soi, il suffirait d'un pas en avant, de sortir de la ronde, de créer ma ronde et de l'y inviter. En fait il suffirait que tout ne tourne pas rond pour une fois.

        Sauf que tout tourne trop vite parce que je suis saoul, parce que j'ai la gueule de moi et que pour émerger il faudrait que j'émarge le registre des pathétiques anonymes. Mais pas ce soir, ce soir encore un verre de désarroi, puis plus tard dans la nuit je ferai des arts les rois de mon monde. Mais putain même sous mon toit j'ai la gueule de moi ... Alors sortons et buvons, consommons-nous à foison, remplaçons les "je" par des "nous" même si le jeu n'en vaut pas le coup. Pourtant ce coup il fait mal, parce que j'ai été vampirisé, j'en ressors presque paralysé à m'en demander si à pleines dents dans tout ça je recroquerai. En attendant, envoyez la Manzana avant que je devienne l'amant du Zanax. Mais j'ai la gueule de moi putain! Je suis un soulard de ma personne, sous l'art que je présente est juste enfoui un inconnu qui se pose des questions. Donc j'essaye de les noyer en distribuant des shooters de ma personne. En espérant que dans ces tonnes de parts de moi, je sois moins invisible que de l'acétone, ne serait-ce que pour une personne. Mais pour le moment j'ai la gueule de moi, et plus je prends de la bouteille, plus c'est dur de se remettre de la cuite de la veille.