Le reflet ...

Viens avec moi, enfant, je te raconterai

Les baisers d'innocence et les petits secrets

Les chagrins, les bonheurs de ma petite enfance

Qui n'étaient que prémisses à de grandes errances.

Les pots de confiture à bouche que veux-tu

Bravant l'interdiction, de mon regard têtu

De ma chère grand-mère, complice malgré tout

Qui m'aimait tellement qu'elle me pardonnait tout.

Et l'abeille gourmande qui voulait bien aussi

Goûter avec moi, l'ivresse de ces fruits.

Je te raconterai mes soirées sous la lune

J'avais la permission après le crépuscule

De rester là, seulette, le dos à ma fontaine

La compagne muette qui écoutait mes peines.

Je te raconterai qu'avec tous les garçons

Je pouvais devenir, moi-même, un polisson

Car je grimpais aux arbres, sautais dans les ornières

En me prenant parfois pour un guerrier cheyenne.

Et je me fabriquais un bel arc et des flèches

Avec tous les copains, j'étais toujours de mèche !

Sur mes échasses, là-haut, je dominais le monde

Comme sieur Don Quichotte sur son vieux canasson.

Mais, parfois, je tombais dans des paris stupides

Trébuchant, par hasard, dans de grandes bassines

Ou me laissant tomber de cette balançoire

Qu'ils avaient fait monter si haut, que les dieux j'ai cru voir!

Et je te montrerais mes trésors, mes trouvailles

Et tous ces escargots bavant sur la salade

Que je gardais captifs, dans une boîte en fer blanc

Dans mon petit jardin qui imitait le grand.

Et les cocons poisseux d'où j'espérais voir naître

Les plus beaux papillons de toute notre planète.

Je te raconterai cette douceur de vivre

Le soir, après dîner, sous la bruissante vigne

Auprès de tous les miens, dont certains sont partis

Peut-être ont-ils rejoint un joyeux paradis ?

Mais dis-moi, petite fille silencieuse

Pourquoi ne sors-tu pas de la glace poudreuse

De la poussière de tant d'années, accumulée

Dans cette maisonnette à jamais désertée ...?

... Comme tu me ressembles ...