Le 'Shah' d'Aiguille

lubine-marion-ruaud

Elle peut voir un monde sans escorte,
des petites filles en minishort,
aux midinettes qui se veulent hommes
avec leur pantalons ‘slimant’.
Elle aperçoit de gros chewing-gum
à chaque langue en roulement ;
des fils sortant d’oreilles percées
reliant une boite à une main greffée.
Elle peut voir, cheveux dans le vent,
filer tout droit sur des rollers,
de belles nanas aux rondeurs
suggérées délicatement.
Elle remarque sur les visages,
sur les épaules, sur les chevilles…
des dessins, des tatouages…
des signes personnels qui brillent.
Elle peut voir des femmes au volant
de petites voitures colorées,
des familles entières attablées
dans la même pièce, en même temps.
Elle peut voir des rires et des sourires,
des doigts croisés, là, dans la rue,
elle a appris que l’on sait lire
même de jupe ou robe vêtue !
Elle peut voir crayons et stylos,
tenus pareils à des pinceaux,
pour remplir des lignes de cahiers
comme des toiles par milliers.
Elle peut voir de tous les sexes
se préserver légalement
à coups de pilules, de latex,
d’indésirables descendants.
Elle a bien vu cet Internet
désinhiber une grande partie,
d’une Terre qu’on croyait plate,
qui n’s’éclaire plus à la bougie.
Elle a compris qu’y a des pays
où le droit d’vote est un devoir.
Elle a compris que par ici,
être une femme c'est sans espoir.
Elle peut voir qu’elle ne peut rien voir,
que des mirages, que des images,
rien connaître, ni rien savoir,
sans relief et sans partage.
Non, elle ne verra jamais ça,
au travers de son ‘shah’ d’aiguille,
au travers de la petite grille,
au travers de sa burqa.


Juin 2012
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