L'épouse au crime
Michel Chansiaux
Les Desplochet sont un couple banal. Je les ai rencontrés suite à une longue traque sur Internet. Dans leur fiche, ils révèlent leur candaulisme, pratique courante dans les milieux intellectuels. Il aime être cocufié en sa présence. Les photo et vidéo qu'il met en ligne montrent leurs soirées intimes avec des travailleurs émigrés dotés d'outils à long manche colmatant les ouvertures de sa chérie. C'est lui qui gère le compte. Pas moyen de tchatter avec Madame en direct. Pour espérer voir la belle, il faut satisfaire ses fantasmes, impuissant aussi qu'il est à les imaginer. Profitant de mes talents d'écrivain, il m'a demandé d'inventer des scénarios de plus en plus alambiqués mais répondant aux mêmes obsessions « Où veux-tu la prendre ? Trouve-nous un endroit inédit ». Après avoir évoqué maintes et maintes pistes originales comme un confessionnal, j'émis une ultime suggestion. Une soirée au restaurant, elle et lui en tête-à-tête, moi à une table proche, muni de la télécommande de l’œuf vibrant qu'elle aurait glissé dans son intimité. Il voulait encore plus hard. Nous étions au bord de la rupture. Le lendemain, je lui dis que tout cela n'était qu'artifice et qu'il n'était sans doute qu' un célibataire aigri et pervers. A moins qu'il ne soit carrément un de ces obscurs tapineurs appelés à la rescousse par les webmasters pour conforter les sites en manque de femmes ou pire, un animateur littéraire en panne d'idée de concours ! Il flaira le risque de décrochage. Le soir même, je pu la voir : moulée dans une robe en lainage vermillon, bas résille, rouge à lèvres copieux … Aussitôt ils voulurent mettre un de mes plans à exécution. Elle et moi à l'arrière de la voiture. Lui, au volant, chauffeur zélé devant rallier le domicile sans broncher. D'un coup, je me rends compte que nous sommes dans le parking de leur immeuble. Je ne sais pas précisément où je suis. On monte chez eux au dernier étage. Il me conduit vers le salon. « Chérie, prépare toi, pendant ce temps là » « Quel temps me dis-je, le temps de quoi ? » «Tu as pensé à son petit cadeau » me demande t-il dès qu'elle eut tourné les talons. Je me rends compte que j'ai oublié les fleurs. Je me rattrape en les invitant à diner. Mais là, il se fâche. Il réclame de l'argent avec véhémence. Deux cents euros que je n'ai pas. Il soutien qu'il m'avait prévenu, qu'il m'en avait parlé. Je lui assure que non. La Desplochet se ramène à moitié nue et tempère le débat. Normal, on en attend pas moins d'une prétendue agrégée en philosophie. Il me suggère de m'accompagner au distributeur de billets le plus proche. Je lui fais remarquer, que si je cède à ce racket, je veux en avoir pour mon blé. Ce sera toute la nuit et avec un scénario inédit. Elle et moi nous serons au lit et il dormira attaché au pied en répondant au prénom de Médor. Je lui précise alors qu'il doit se préparer aux pires humiliations compte-tenu de penchants inavouables dont je me pare pour la circonstance. Là, il s'offusque. « Tu ne m'en a jamais parlé ». « Si, rappelle toi notre première connexion ». L'épouse vénale ne perd pas le Nord. « Faites un petit effort l'un et l'autre ». Bon prince, je lui dit « Trois cents euros et tu es notre chien ». La femelle jubile et son visage mute. La peur me fait voir un homme sous ses traits, fou, avide, meurtrier, sanguinaire. Le mari panique aussi. « Chérie, on va chercher le cadeau ». Dans l'ascenseur, il ne pipe mot. Arrivé à la tirette, au lieu de dégainer ma « Visa », je sors une veille carte de presse périmée. Barrée d'un sigle tricolore tout à fait officiel, je la lui passe à toute vitesse sous le nez. « Pas de bol, je suis de la maison Poulaga ». Il blêmit. « Passe moi ta carte d'identité, je te la rendrai demain à dix heures au Commissariat ». Il propose un arrangement. Je refuse. « Va à la niche, Médor ». Il s'exécute. Le lendemain, je planque dans un café en face. A 9h30, les Desplochet sortent. Deux Français ordinaires, qui vont travailler. Sur le pas de la porte, je m’égosille « Eh, cocu, fais pas le con, viens chercher ta carte d'identité ». C'est elle qui arrive. Je menace de déchirer ses papiers s'il reste en retrait. Il obéit et je lui balance son pedigree aux pieds. Il le ramasse. Ils partent. Elle se retourne. Ses yeux sont pleins de haine et brillent encore de la folie entrevue cette nuit. Cela me réveille pour de bon. Je suis devant mon ordinateur et je séchais devant un sujet. Dieu soit remercié pour le sommeil qui nous fait jouir d'une inspiration sans entraves.
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Desplochet c'est encore mieux
· Il y a plus de 12 ans ·Michel Chansiaux
Merci, M André Perchet, mais je plaisantais, par contre le changement de Dujardin à Desplochet, me convient. Amitié.
· Il y a plus de 12 ans ·Yvette Dujardin
Et bé! je m'appelle Dujardin, nom d'épouse, et J'AFFIRME que ce n'est pas moi ni mon mari, il y a homonymie! Non mais! Et Mery tu a accrochée, toi mon amie, tu a fait le partage, Pascal aussi, "sans entraves", merci! Pauvre de moi! Je veux ajouter, que je ne suis pas banale, en plus! (rires). Par contre, en oubliant mon patronyme, c'est un bel essai, du moment que ce n'est pas moi, la femme! Par contre mes yeux sont haineux, quand je subit une malveillance, La Dujardin, j'en plein la g.....e! Voir mon texte en pièce jointe.
· Il y a plus de 12 ans ·Yvette Dujardin
J'avoue qu'il n'a pas d'entraves !-)
· Il y a plus de 12 ans ·Pascal Germanaud
Merci à vous trois. @ jones j'ai longtemps été journaliste mais dans la presse professionnelle (presse agricole où j'ai gagné le concours " jouir sans betteraves" ! )
· Il y a plus de 12 ans ·Michel Chansiaux
Jouissif, imaginatif, une plume vive et alerte et un sacré talent pour les titres... T'as travaillé pour Libé ou quoi ?
· Il y a plus de 12 ans ·Bravo en tout cas ;)
jones
Super ! Une petite jubilation maison !
· Il y a plus de 12 ans ·eaven
Les pauvres dujardin comment on dit Tel est pris qui croyait prendre !!! Pas mal
· Il y a plus de 12 ans ·Louise Moia