L'Île des morts

Nos rêves d'infini ricochent sur les flots
De l'eau du paradis aux reflets sidéraux.
Les lagunes des cieux s'écoulent de nos âmes
En cascades de feu et ravivent les flammes.

Le vent souffle du haut des falaises mourantes,
Il porte les oiseaux mais déchire les plantes.
Je vois, dans le lointain, que s'écroulent les pierres
Qui nous tueront demain. Mais que puis-je y faire ?

Je reprendrai la mer une dernière fois,
Et, comme un estuaire affalé dans ses bras,
Je laisserai perler les larmes de l'enfance
Au sel de ses baisers parfumés d'innocence.

Faut-il donc que la pluie fissure de ses flèches
L'impénétrable nuit afin qu'elle s'ébrèche ?
À l'horizon inerte, où seul le sang exsude,
Tout n'est qu'île déserte et sombre solitude.

Mais, comme un marin fou sur la barque du diable,
Roulant dans les remous des gorges insatiables,
Je trouverai l'espoir à la lueur limpide
Sur la tombe du soir embrumé et humide.

J'irai trouer la terre avec un trident d'or
Forgé dans les enfers du Dieu de la mort,
Et je ferai jaillir, comme Poséidon,
Un nouvel avenir du corps de nos démons.

Je vous montrerai les dimensions parallèles,
Où viennent se peupler les nobles archipels,
Habités de griffons aux plumes de condors,
De célestes dragons aux couleurs de l'aurore.

Je serai l'élément à l'essence mystique
Qui règne sur le temps de nos destins tragiques.
Dans ma main, vous verrez toutes les vies possibles
Et comment pénétrer les mondes invisibles.

L'Île des morts :
- Peinture : Arnold Böcklin / 1886 / 5ème version
- Musique : Op. 29 par Sergueï Rachmaninov composée en 1909 et interprétée par Fritz Reiner avec l'orchestre de Chicago en 1957
- Poème, lecture  : Julien Darowski en 2017