Météo sur le noyau

Je ne fais plus l’amour, m’empiffre de chocolat, pleure pour rien à défaut de rire à tout. Je me sens lourde de lucidité. Les médecins analytiques, les trous de balle tirés à quatre épingles dans leurs blouses blanches ont diagnostiqués une dépression. A part l’atmosphère lourde de sens, je ne vois pas en quoi je me verrais plongée en apnée sous anxiolytiques. C’est vrai qu’il pleut énormément ces derniers temps. Que la nuit et le jour se confondent, jusqu’à se morfondent. Que les sons mélanco-psychédéliques me rassurent, apaisent un peu le poids du monde sur mon âme. Non, vraiment pas, pourquoi il faut absolument être rangé par états d’âmes. Entre les phobiques et les paranos, je ne sais pas trop quel est mon rôle à moi… pourquoi on ne pourrait pas simplement avoir besoin de lâcher prise.

Avoir envie de s’évanouir, vouloir refuser ses responsabilités. Retomber dans une insouciance. Qui nous porte au-delà de ce qu’on attend de nous. Ne plus faire semblant. Refuser de se lever. Sans pour autant être catalogué entre la page des fainéants et celle des fous à lier. Refuser de se battre, se laisser couler. Comme après une journée de travail harassante au fond d’une cuve d’eau bouillante et de mousse chatouillante. Si vous croyez que çà m’amuse d’arpenter les allées de la grande distribution avides de produit de consommation pour remplir un frigo flambant neuf… T’imagines même pas comme çà me gonfle… de me venger sur les pots Haagen-Dazs en épluchant les factures… Ben faut bien que je justifie mon salaire auprès de cette société de quand dira-t-on… C’est pas moi qui a le beau rôle quand je sors ma Gold pour régler mes culottes en dentelles mais la smicarde de caissière qui me fait culpabiliser de gagner plus qu’elle. J’y peux rien moi si j’avance, « working-woman », mes couilles !  J’ai juste choisi un chemin qui brillait plus qu’un autre… et encore, dans un sens on pourrait se dire que j’ai laissé la place au PDG de ma boîte…

Pourquoi se voiler la face devant ce monticule de merde qui vous crache à la figure ? Autant faire figurante dans un show à la Bollywood si on n’assume pas d’aller à l’encontre de la marche du monde. Le problème c’est que l’engrenage s’est refermé sur la cerise. Et j’ai fini par me mordre la queue. A force de vouloir être différente, j’ai rongé mon noyau jusqu’à rentrer dans le moule de la servitude. Une vie normale, rangée comme mes placards. Mes rêves sur étagères, ma solde et ma Gold dans un sac monogrammé. Elle est belle, la gamine aux cheveux rebelles qui dansait jusque tard sur les comptoirs et se destinait à un avenir Stonien. Sexe, drogue et alcool ne durent qu’un temps, simple produit de consommation d’une génération. Un matin on se lève, on va bosser, on sort le chien avec les poubelles.

Et on finit, allonger sur un divan à se raconter des histoires… en haut de votre dossier est écrit : « DEPRESSION ».