PETITE MINE ET KAWA

Christophe Paris

Anecdote d'un jour...


8h30 du matin, au comptoir c'est l'heure de pointe, pas d'entrechats pourtant, ici ça joue des coudes. Guerre froide pour boisson chaude, avoir sa place au zinc et boire son kawa. L'air de rien ça bouscule, ça fait le grand écart en se mettant bien face au comptoir, ça déplie sans scrupules le figaro sur ces deux pages en se foutant éperduement des gens d'à côté histoire de bien poser sa réussite sociale du moi... je, ça pose sa tablette sur le côté et grignote quelques centimètres d'espaces vital à son voisin. Le tout mine de rien, dans l'hypocrisie la plus totale. Si par malheur vous en faites la remarque parcequ' encloisonné par deux maousses costauds, on vous répond d'un air ahuri et surjoué par un « Oh suis désolé j'avais pas remarqué »

Mouaif... à croire que les gens s'échauffent comme des sportifs en faux-culserie avant d'arriver au boulot où là faudra la jouer pro. Au milieu de ce combat pour la caféine, je reste imperturbable et aimable, non par envie juste par nécessité. C'est mon premier des trois que je bois habituellement, entrecoupés d'une clope à chaque fois. Ce matin la couleur de mes idées se confond avec celle de mon café. De mauvais poil je suis, à la bourre je suis, épuisé je suis, VNR je suis aussi.

Je sors donc après mes premières gorgées fumer une tige histoire de réveiller la bête.

C'est blindé, la salle, la terrasse, débordent d'endormis, la bouche de métro sirote goulûment le flot de passants attardés et pressés.

C'est à ce moment que je vois Cédric, un des serveurs. Il a l'air rippé. Le teint blafard, des cernes noires tellement grandes qu'on dirait un panda mais version gothique. Il est là quasi hagard avec son plateau et me demande si ça va .

Je lui répond d'un ouais qui veut dire le contraire et le regarde fixement. Là j'peux pas m'empêcher de lui envoyer un « Dis donc t'as mauvaise mine toi, on dirait celle de mon crayon » et là plein d'esprit il me renvoie en uppercut un « AH ouais chui naze j'ai qu'une envie c'est de m'tailler ». Le salopard, hyper bien renvoyé je pars en fou rire et lui aussi. C'est con, c'est simple, mais beau ces petits moments de rien dans une vie de plein de jours.

Ça m'a mis de bon poil, lui ça l'a réveillé, et la journée était lancée.


Christophe Paris


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