POUR L'INSTANT
Apolline
Pour mieux t'appartenir, j'ai saisi un stylo. Je l'ai touché en l'étreignant de tout son long, doucement, profondément. Laisse-moi te regarder ! Car tu me saisis si bien toi aussi, de tout mon long, doucement, profondément. Sur le temps vide et fuyant, nous sommes passés, sans se revoir, sans se frotter. Pour moi, un laps déformant j'ai répandu, aussi hideux qu'un monticule d'insectes, en quête suicidaire, coincés dans une fenêtre, à moitié crevés, étouffés, abandonnés à un sort impitoyable. J'étais devenue. Je suis réapparue. Là, maintenant contre toi, je laisse glisser lettres à pleine respiration, à pleine exploration.
En ce jour de fête, j'ai posé des fleurs sur mes jambes, sur mes seins, sur mes fesses. Sur le lit, je contemple tes ailes si blanches, heureuses de s'étirer, sereines. Derrière les mots, les sourires, s'étalent des notes graves de joie à perte de vue. Puis nos mains, nos bouches se promènent déjà prometteuses, dans un jardin secret. Notre Jardin de la Beauté où l'air délicieusement libre surabonde à profusion. Tous ces effluves qui circulent dans nos sphères enlacées nous donnent la chair tremblante et gourmande. La percée se crée dans une volupté immense. L'harmonie de notre flamme se renouvelle dans le feu écrit.
Je voudrais te dire tant de choses, je voudrais tellement me taire. Je voudrais chanter, je voudrais danser. Je voudrais prier, je voudrais remercier. Je voudrais rendre grâce. Je voudrais caresser nos deux corps mélangés dans son entier, chaque parcelle de nos écrins réunis. Je chavire, je m'envole. Je me crie de revenir. De revenir dans ce décor avec toi. Nos souffles sonnent vibratiles. Tu es si près de moi que je m'échappe encore. Je ne sais plus où est la réalité. Existe-t-elle franchement ? Je ne crois pas au tableau planté au-dessus du lit. Je ne crois ni aux rideaux, ni au voisin d'en face. Je me crie de revenir en corps. De revenir à ton sexe dans le mien qui cherche nos destinées. L'univers de l'amour refait surface, me submerge. Mon corps goûte, re goûte, se nourrit à une sorte de paradis qui m'éblouit. Mes yeux se ferment. Où est la réalité ? Qu'est-ce la Vie ? Qu'est-ce la Mort ? Je ne crois pas à ce qui se joue autour de nous... Je ne crois pas à la table à côté, au vin que nous dégustons, à tes mots que je bois, à ta chaleur qui m'enivre. L'illusion de la scène m'éjecte beaucoup plus haut. Je plane, je plane et pourtant, je te sens, je te sens. C'est si bon de se retrouver vivante avec toi. Nos âmes sont fort présentes et puissantes. Mes jambes ouvertes s'accrochent à tes reins presque désespérément. Réveille-moi, réveille-moi ! Je ne sais plus ce que je dois suivre…Toutes ces lumières me dominent, m'étourdissent. Le décalage s'agrandit pendant que mon corps s'affaiblit, vaincu. Je lis la trêve au sourire magnanime qui s'est livrée jusqu'au fond de mes entrailles, dans un espace d'amour partagé, unique mais ne sais dans quel monde. Mon Amour, crois-moi, il n'y a bien qu'avec Toi que je pouvais clarifier...
Car maintenant je crois, je crois que oui, je suis passée de l'autre côté. Qu'importe depuis quand. Il me faut l'avouer, te l'avouer. Je suis appelée, à me renommer, à vivre ainsi… pour l'instant.
Je crois vraiment qu'elles étaient infiniment… saisissantes… nos retrouvailles.
Et je t'ai si bien écouté, jusqu'à l'absorption. Il ne me reste plus qu'à desserrer tendrement notre dernière étreinte. Dernière étreinte. Laisse-toi me regarder ! Cette fois, au fond de mes yeux… Je te défends de me transformer en fantôme et fantasme de tes nuits. Ne te gâche pas, ne te gâche plus ! Combien même si toi, tu ne crois en rien, ne doute plus jamais de toi ! Car si tes rêves, tu sais comment les animer, il te faut cependant gravir des folies, écoute-moi… des montagnes de folies. Ainsi doit se poursuivre ta propre vie. La tienne, seulement la tienne, entends-tu ? Sois heureux dans ton cœur. Je te porte dans le mien.
Avec clin d'œil complice, j'ai posé ce stylo comblé par tant de clarté et de douceur. Frappée celle-ci devenue docile à la machine. Ensuite, un regard sur mes fesses dans le miroir. Deux fleurs sont restées, marquées. Au rouge flamboyant. Le rouge de l'Amour. Éternellement. Je peux, désormais me laisser remonter tranquillement dans notre grand Cœur universel, fragmenté certes, pour l'instant, pour l'instant.
Mais je n'en ai plus peur, assurément.
Fragmenté, mais je n'ai plus peur... j'aime.
· Il y a presque 11 ans ·jeanmichemuche
:)
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
Qu'il est bon pour notre plaisir de lecteurs que tu n'en aies plus peur, assurément... ;)
· Il y a presque 11 ans ·merci pour ce texte fort en émotion !
Eva Scardapelle
Sympa ton passage ici :)
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
J'ai eu raison de venir te lire! Quelle jouissance dans la lecture de ton écriture...bravo! kiss
· Il y a presque 11 ans ·vividecateri
CdM pour toi Viviane :) enfin quoi... coup de Merci je voulais dire mais en douceur bien sûr.
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
I love!
· Il y a presque 11 ans ·vividecateri
Joliment sensuel et mélodieux, et tenir la mélodie (en tout cas celle que je perçois, et les mots pour moi sonnent et même résonnent) sur la distance n'est pas aisé. J'aime cette impression que cela donne, que le texte a été écrit en un souffle, une envolée.
· Il y a presque 11 ans ·des tournures que j'ai particulièrement appréciées:
"Derrière les mots, les sourires, s'étalent des notes graves de joie à perte de vue."
"Je voudrais te dire tant de choses, je voudrais tellement me taire."
"Je ne sais plus où est la réalité. Existe-t-elle franchement ? Je ne crois pas au tableau planté au-dessus du lit. Je ne crois ni aux rideaux, ni au voisin d'en face. "
hel
... Ton com est aussi devenu un souffle spontané très enchanteur. Merci :)
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
Merci Apolline pour ton invitation à planer !
· Il y a presque 11 ans ·Michele Hardenne
Avec plaisir, Michèle :)
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
beaucoup d'images et de richesse, bien vu... Tom
· Il y a presque 11 ans ·gordie-lachance
Merci Tom pour ton œil avisé !
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
Ton texte est voluptueux et troublant, il est comme un verre de vin que l'on absorbe doucement et qui joue avec nos papilles, en refusant de l'avaler pour en garder l'extrême sensualité. Bravo Apolline.
· Il y a presque 11 ans ·valjean
Oui... et quand tout se joue... contre joue... ;)
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
Ohlala apoline, comme c'est troublant..... beaun enivrant et même au delà. cœurs.
· Il y a presque 11 ans ·Helene Bartholin
Au delà et aux deux-là ;)
· Il y a presque 11 ans ·Apolline
Quel texte!!!
· Il y a presque 11 ans ·Frédéric Clément
Mais ce n'est pas possible?!! Comment Toi ? Etre là, si près de moi ? ;) ....
· Il y a presque 11 ans ·Apolline