Un monde dans une poche

Christophe Paris

Paris, près du périphérique.


Le grand jaune d'œuf chauffe la ville à blanc. Un immeuble suffoque toutes bouches ouvertes, noyé par la vague de chaleur, tel un poisson hors de l'eau. Pas une fenêtre sans un cul posé à son bord cherchant un vent salvateur. Une galerie de profils immobiles, songeurs et en sueur, portraits de solitudes dans la multitude. Il n'y a pas que le bâtiment qui étouffe, le poète aussi. Ce matin il en marre d'être poète le poète. C'est bien joli les bons mots, ça plaît aux filles, ça détend, mais ça n'envoie pas son homme en vacances.
 Il est onze heures du matin, le soleil s'est levé plus tôt qu'Edgard et sans un nuage, contrairement à l'humeur ombrageuse de l'écrivain maudit. Il fait chaud, très chaud, une canicule matinale qui colle et qui poisse, qui suinte et qui terrasse. Une température à envoyer tout Marseille à la sieste.
Marseille.
 Un nom qui le plonge dans une envie de fraîcheur, d'eau claire, et de brise légère.
 Pour le moment c'est le bruit du périph' qui le brise. Cet incessant flux sonore de migration estivale, de moteurs aux haleines létales qui passent, le temps de lui pourrir les poumons, le temps de lui filer le mouron. Résultat, un blues à prendre une guitare et chanter au bord du Mississippi jusqu'à plus d'heures. Lui aussi sur un rebord de fenêtre à ruiner des fesses de cyclistes, a mal à son séant, mais plus par dépit. Celui de rester là, planté en plein mois d'août, dans une capitale qui ne mérite plus sa majuscule, désertée par les siens. C'est la magie qui vint à sa rescousse. Celle de la poésie, de quelques artifices et d'une poche de pantalon.
 Une poche pour un monde à emporter vers une destination de rêve.
 Il lui fallait un soleil. Ce fût le cœur d'or d'une marguerite qu'il prît soin de recouvrir de ses blancs pétales, évitant ainsi de faire rougir sa quintessence de mâle.
Il y a les coups mais aussi les couchers de soleil. Un bout de peau d'orange fît l'affaire, un morceau de couleur pour plus tard, un morceau de couleur avant le noir. « IL Y A LE CIEL, LE SOLEIL ET LA MER … » Il se souvint de cette vieille chanson qu'adorait sa grand-mère dont il mesurait maintenant la force du sens. Il se mit alors à naviguer dans ses vagues à l'âme pour n'en garder qu'une au travers d'une larme. Une eau d'amer, salée de tempêtes de cœur. Il lui fallait une plage au sable fin, douce comme une peau où se lover. Un vieux toast fit l'affaire, qu'il s'acharna à émietter scrupuleusement. Un grain couleur caramel aussi fin que celui d'une donzelle.
Il lui manquait encore une brise, ce petit souffle qui claque au visage et porte les nuages. Il piégea un courant d'air entre deux portes qu'il emprisonna dans quelques bouts de cotons. Une blanche nue pour un peu d'ombrage.
Il restait encore de la place. Il y rajouta une mouette, sa plume de stylo, et une serviette, sa lingette à lunettes.


Un monde dans sa poche droite, un ticket de métro dans la gauche, le poète débuta sa villégiature.
Trente-neuf marches à descendre, qui lui firent penser au film d'Hitchcock, mais pour lui pas de mystère ni d'étrangère, juste un bout de pelouse où poser son derrière. Arrivé à bon port, il disposa ses bouts de monde sur sa serviette, s'allongea fermant les yeux mais en ouvrant grand les oreilles. Ces machines à sons qui transportent le rêveur dans un ailleurs. Le flux et reflux du trafic comme des vagues qui s'ébrouent, les ombres des véhicules qui défilent sur l'asphalte comme celle des nuages sur la plage par grand vent, les rires d'enfants de l'aire de jeu qui le bercent doucement.
Le poète est ailleurs, le poète est dans la torpeur de l'endormi.
Chronos passe sans bruit sur la pointe des pieds jusqu'à l'heure du soleil devenu d'or. Le poète se réveille, s'étire et crie de douleur constatant l'horreur. Lui aussi s'était transformé en homard des plages la peau rouge écarlate, et en chouette avec la marque des lunettes. Il souffrait mais il était heureux, il avait passé une vraie journée de vacances.

  • Carrément j'adore ! un voyage en poche et une histoire avec des riens. De ces petits riens qui te font traverser l'absolue chaleur et te pose, comme si de rien, sur une aile de nuage où tu t'écoutes la vie avec tes oreilles de poète. C'est carrément magnifique.

    · Il y a presque 8 ans ·
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    lyselotte

    • t mimi merki ! c bô ce que je lis là :) comme la fleur !

      · Il y a presque 8 ans ·
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      Christophe Paris

    • Et c'est sincère crois-moi ! t'es un vrai poète !

      · Il y a presque 8 ans ·
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      lyselotte

  • Jolie envolée, j'adore le passage :" une galerie de profils immobiles songeurs et en sueurs, 0portraits de solitude dans la multitude".

    · Il y a presque 8 ans ·
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    parismrs

  • C'est chouette ! comme chaque fois il y a l'émotion et le sourire ;-)))

    · Il y a environ 8 ans ·
    Loin couleur

    julia-rolin

  • ahahaha je connais bien le coup du joli homard ! Contente de te lire encore une fois :)

    · Il y a environ 8 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

  • Voilà, je l'ai lue deux fois, la seconde au présent et je me suis vue en train de descendre les marches. C'est délicieusement poétique et drôle. Je persiste donc dans le coup de cœur.
    (…s'étire et criE…)

    · Il y a environ 8 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

    • Olalala les fôtes bon je corrige et te bénis de m'avoir lu, quel gentil joli compliment merci fait chaud au coeur c délicieux à lire merki

      · Il y a environ 8 ans ·
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      Christophe Paris

  • Je vais le relire avant de faire un commentaire, mais j'ai été contente de te lire…

    · Il y a environ 8 ans ·
    Avatar

    nyckie-alause

  • Une jolie recette de homard ! Bravo

    · Il y a environ 8 ans ·
    Poup%c3%a9e des survivantes

    Natacha Karl

    • Merci du passage et de la lecture, c beau de lire un bravo merci :)

      · Il y a environ 8 ans ·
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      Christophe Paris

  • T''es génial, mais j'attends quand même ta visite. Vraiment c'est super beau, et cela me rappelle une de mes nouvelles(rares) donc j'ai vraiment accroché

    · Il y a environ 8 ans ·
    Bbjeune021redimensionne

    elisabetha

  • J'adore quand le poète arrive à nous transmettre ses émotions d'aussi jolie façon... Heureuse de te savoir de retour ... merci Christophe

    · Il y a environ 8 ans ·
    W

    marielesmots

  • j'adore quand tu nous racontes des histoires.... :-)))

    top !!! (comme ces petit hauts à bretelles qu'on porte, nous les filles, sous le soleil !... ).... bisous :-))

    · Il y a environ 8 ans ·
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    Maud Garnier

    • oh bah ça je connais les tops, y'en a plus d'un qui m'a fait basculer :) et merci pour tes lectures et tes coms tjs si attentionnés merki maud

      · Il y a environ 8 ans ·
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      Christophe Paris

    • :-)))

      · Il y a environ 8 ans ·
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      Maud Garnier

  • Contente de te lire, comme d'hab top ! J'adore

    · Il y a environ 8 ans ·
    Ade wlw  7x7

    ade

    • hello ade merci ça fait plaisir de lire ton com merci du passage :) bisouzes

      · Il y a environ 8 ans ·
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      Christophe Paris

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