une boîte de pizza et un crayon.

obud

Un moment d'intense réflexion... Rien de reposant pourtant.

Allongé dans le canapé du salon, l'homme ne sait plus. Qui de la bouteille ou de lui même renverse l'autre ?

Maintenant, c'est à quatre pattes qu'il se déplace.

La télévision est éteinte, les stores fermés, la réalité n'est plus.

Un crayon et une boîte de pizza éventrée sur le parquet : de quoi réécrire une nouvelle histoire de sa vie, l'ultime testament d'une existence plate, magique dans la profondeur abyssale de son inutilité.

Les jours et les nuits se mettent à danser dans son regard brillant pour ensuite se coucher doucement sur le carton, comme font les cigarettes dans un cendrier.

Il songe un instant à devenir écrivain... Idée à la con.

A force de gratter en état d'ébriété avancée, le simple fait d'empoigner un stylo provoque à coup sur une salve de douloureuses protestations de la part de son foie.

Ce métier est terriblement dangereux... Contrairement au militaire qui a pour lui son gilet-pare-balles, l'écrivain n'a malheureusement pas encore de caleçons-anti-bourbon.

Entre deux paragraphes, et pris d'un engouement paternaliste louable, il se décide à ramper jusqu'aux chiottes afin de permettre aux olives et aux anchois, bien décidées à retourner l'intégralité de son estomac sur fond de sauce-piquante, de se faire un petit séjour à Aqualand.

L'épreuve est exténuante. Jamais il ne fera de gosses.

Lamentablement enroulé dans son tapis persan, il fixe la pendule en mobilisant sa volonté titubante dans l'espoir secret de stopper la progression inlassable des aiguilles.

Le noir.

Il est 7h30. Les wagons ont eux aussi un reflux intestinal instable. Du matin au soir, ils avalent et vomissent en chœur une bien étrange salade composée. Dans la rame, les regards sont gris, les visages verdâtres tartinés au fond de teint bon marché. On comprend l'inévitable nausée face à ces produits d'une fraicheur discutable.

Les écouteurs vissés aux oreilles, notre homme redoute d'avoir à tenir une conversation... ils le redoutent tous. Qu'aurait-il à raconter à ces gens qu'il croise tous les matins dans la moiteur de la rame encore somnolente, regardant les pieds de leurs voisins en essayant de déterminer leur milieu social à la marque de leurs godasses?

***

Le carton de pizza a terminé son voyage. Il sert d'abris à une famille de rats dans une décharge, entre un pot d'échappement rouillé et une canette de soda.

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